L’augmentation de la taxation immobilière ne peut que générer les fausses déclarations et encourager le noir. Le volet fiscal est un élément déterminant pour la stabilité des prix sur le long terme afin de donner de la visibilité aux investisseurs.
Le réaménagement de la taxe sur les terrains non bâtis (TTNB) et celui de la taxe sur les profits immobiliers (TPI) suscitent une vive inquiétude chez les promoteurs, qui pensent que cette mesure a eu des effets contradictoires par rapport à ses objectifs, notamment pour ce qui est de la lutte contre la spéculation, l'offre de plus d’assiette foncière et le renflouement des caisses de l’Etat. En effet, la TTNB a connu certains changements dans le cadre de la Loi de Finances 2013. «Après l’introduction des nouvelles dispositions sur la TTNB et la TPI, les propriétaires de terrains deviennent très réticents à les vendre, arguant le coût élevé de la fiscalité. On a introduit de façon tacite une imposition sur le patrimoine», explique-t-on auprès de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).
Les promoteurs estiment que l’assiette foncière est considérée comme un stock et doit avoir un traitement fiscal dédié.
Pour ce qui est des nouvelles modalités d’application de la TTNB, la durée de détention du terrain détermine la valeur imposable. 20% si la durée écoulée entre la date d'achat du terrain et celle de sa cession est inférieure à 4 ans; 25% si cette durée est égale au moins à 4 ans et inférieure à 6 ans et 30% si elle est supérieure ou égale à 6 ans.
L’immobilier reste un secteur-phare de l’économie nationale. Avec une évolution constante et dynamique, aidée en cela par le fort intérêt des Marocains à la propriété, il est devenu une niche fiscale pour l’Etat.
«L’Etat considère l’immobilier comme une vache à lait pour ses recettes. Car, il assure des ressources régulières et potentiellement importantes. La pression fiscale générée n’est pas contestée par les citoyens. Seuls les promoteurs de temps à autre, mènent des opérations de lobbying pour défendre leurs intérêts. Même les partis politiques ne se penchent que rarement sur la question. Quand on compare les prix de l’immobilier avec le pouvoir d’achat des Marocains, il y a un déphasage important», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal.
Il explique que «tant que l’informel existe de façon saillante, il est difficile de mettre en place un système fiscal juste et équitable. Le réaménagement de la TPI et de la TTNB ne peut que générer les fausses déclarations et encourager le noir».
Aussi, la charge fiscale n’est-elle pas compatible avec le caractère citoyen du secteur.
De même que les prix de l’immobilier ont connu ces dernières années une flambée record et parfois injustifiable.
«L’Etat est un acteur incontournable dans le secteur de l’immobilier en tant que régulateur et aussi comme investisseur. Le volet fiscal reste déterminant pour encadrer l’activité», affirme Mohamed Alaoui, expert en immobilier.
Il indique que «l’Etat veut augmenter ses recettes fiscales. Il cible toujours les secteurs porteurs comme l’immobilier, mais il a une autre responsabilité en matière de stabilité des prix du logement. Il y a des mesures fiscales qui participent directement à augmenter ces prix. Le modèle allemand est cité en exemple. Ce pays a pu, depuis 10 ans, stabiliser les prix de l’immobilier. Ce qui donne de la visibilité aux investisseurs et aux opérateurs économiques. Au Maroc, la charge fiscale dans l’immobilier est comprise entre 34 et 50%, ce qui est pénalisant. Cela explique l’offre inadéquate avec la demande et ce, malgré l’existence d’un potentiel. Il y a une réflexion basique et courter-miste de nos décideurs. Avec la pression des impôts, on tue à terme les transactions immobilières. Heureusement que le marché de l’emploi est stable, autrement on se serait dirigé vers le scénario espagnol avec des défauts de payement, une crise financière et une autre de l’immobilier. L’Etat doit réagir et anticiper les effets négatifs d’une taxation trop lourde».
Les indicateurs sur le terrain montrent clairement que le secteur est en perte de vitesse. Les mises en chantier au terme de l’année 2015 ont connu une nette régression, avec une baisse de 28%. Les recettes de l’Etat aussi bien pour la TTNB que la TPI sont impactées.
Charaf Jaidani