Tous les ingrédients contribuant à accélérer ou à consolider le développement d’un pays ne sont pas logés à la même enseigne en termes d’importance. Certains paramètres pourtant non moins cruciaux à l’instar des statistiques ou des prévisions économiques n’ont pas la place qu’ils méritent sous certains cieux.
Or, d’emblée, il est utile de préciser que l’une des conditions sine qua non pour la prompte émergence d’un pays afin de parvenir à la construction d’une croissance durable et inclusive, est d’être en mesure de faire l’état des lieux de la situation économique dans l’optique de se fixer des objectifs à réaliser.
Pour cela, la statistique est un outil de choix à même de permettre le suivi, l’évaluation et les prévisions afin de préparer l’avenir dans les domaines économique, social et environnemental, et bien entendu en matière de politiques publiques.
D’ailleurs, l’importance de la statistique et des données fiables est autrement plus accrue au Maroc qui consacre annuellement plus de 30% du PIB aux investissements publics, avec des résultats mitigés en termes d’impact sur la croissance et la réduction du taux de chômage, notamment celui des jeunes et des femmes.
La 61ème session du Congrès mondial de statistiques organisée récemment à Marrakech par l'Institut international de statistique (ISI), créé en 1885 à Londres, en partenariat avec le haut-commissariat au Plan (HCP), était l’occasion pour les participants, venus des quatre coins de la planète, de mettre en lumière le caractère indispensable de la statistique pour l’éclairage des politiques publiques.
Cette rencontre s’est tenue après l’organisation de la COP22 dans la ville ocre dans un contexte d’implémentation, par la plupart des pays, des Objectifs de développement durable (ODD). Les thématiques qui ont suscité davantage l’intérêt des congressistes ont été celles portant sur les approches statistiques pour la mesure de l’environnement et les effets du changement climatique et la révolution des données au service des ODD à l’horizon 2030.
L’information, facteur d’émergence
«L’information fiable et disponible est fondamentale. Elle est essentielle pour la prise de décision et l’élaboration d’une croissance inclusive», martèle Mohamed Boussaïd, ministre de l’Economie et des Finances, qui a ouvert au nom du gouvernement la cérémonie plénière de la 61ème session du Congrès mondial de statistique. Et d’ajouter : «Les systèmes d’information ont besoin de coordination et de nouveaux modèles d’analyse, imposés par l’évolution numérique et le changement de paradigmes».
En l’espace de quelques années, on est passé du tout au tout, en l’occurrence d’un manque cruel d’informations à une pléthore de données. Partant, tout l’enjeu est de disposer de statistiques et données fiables. A en croire l’argentier du Royaume, la fiabilité et l’harmonisation des statistiques seront déterminantes pour une meilleure intégration du Maroc à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). De plus, la réalisation de données pointues permettrait au Maroc de mieux appréhender les lacunes de son modèle économique qui, pour certains, serait à bout de souffle.
Incertitudes autour de l’atteinte des ODD
Les ODD, nouveau référentiel pour le développement du monde afin d’éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous dans le cadre d’un nouvel agenda de développement durable, pose un réel défi de mise en œuvre pour les pays en développement.
Rappelons que certains Etats sont toujours dans l’incapacité de fournir des statistiques fiables aux normes internationales à même de renseigner sur l’évolution des 17 objectifs et 169 cibles des ODD. «Les statistiques nationales seront mises à rude épreuve par le suivi des ODD», avertit Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan, qui poursuit : «Parfois, les données de base utiles pour le suivi des ODD sont éparpillées entre plusieurs départements».
De plus, les statistiques disponibles ne sont pas toujours exploitables. D’où l’impératif de renforcer au niveau des Etats des systèmes de coopération institutionnelle en matière de production statistique aux normes internationales. «Tout détenteur de données utiles aux comptes nationaux est comptable de la qualité des statistiques», prévient Ahmed Lahlimi Alami, qui n’a pas manqué de pointer du doigt la disparité de la disponibilité de données entre pays, tout en plaidant pour la mise en place d’un plan Marshall pour le développement de la statistique en Afrique, condition sine qua non pour l’atteinte des ODD (Voir entretien).
Cela dit, les nouvelles technologies et l’innovation doivent davantage être mises à profit pour accélérer la réalisation du nouveau référentiel pour le développement du monde porté par les Nations unies à l’horizon 2030. ■
M. Diao