80% des citoyens interrogés estiment que le Maroc est en mesure d’atteindre l’ensemble des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
Dans le même temps, une bonne partie de la population fustige, entre autres, le fléau du chômage, la pauvreté, la corruption et le manque de rigueur dans l’application de la loi.
En septembre 2015, les dirigeants du monde ont adopté les 17 objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. L’entrée en vigueur de ces objectifs en janvier 2016 implique entre autres, une plus forte mobilisation des pays afin de vaincre l’ensemble des formes de pauvreté, les inégalités, tout en s’attaquant au péril du changement climatique qui menace particulièrement les Etats les plus vulnérables économiquement. Le Maroc, pays organisateur de la COP22, s’inscrit parfaitement dans cette nouvelle dynamique de développement durable, comme en témoigne la rencontre portant sur la consultation de la contextualisation de l’Agenda 2030, tenue en mai dernier à Rabat et dont les principales parties prenantes furent le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, le Système des Nations unies et le HCP. C’est dans ce contexte que l’entité dirigée par Ahmed Lahlimi Alami a réalisé une enquête portant sur la perception par les Marocains de quelques cibles des principaux objectifs de développement durable. «Les ODD doivent être la principale matrice pour l’orientation des politiques publiques», martèle Lahlimi lors de la cérémonie de présentation de l’enquête devant un parterre d’académiciens, de diplomates, de journalistes et d’acteurs de la société civile. Du côté de l’institution des prévisions, si l’on espère que les résultats de cette étude susciteront la réflexion, ce qui interpelle c’est l’opinion tranchée des Marocains sur les questions inhérentes à la dégradation de l’environnement, la finalité de la politique économique, la qualité de la santé et l’éducation ou l’application de la loi.
Une insatisfaction assez perceptible
L’enquête réalisée par les hommes de Lahlimi sur l’ensemble du territoire national entre juillet et août 2016 comporte une dose d’optimisme, car elle montre que 80% des personnes interrogées estiment que le Maroc serait en mesure d’atteindre à 100% les ODD, qui érigent, entre autres en priorité la lutte contre la faim, l’éducation de qualité, l’amélioration de l’accès à l’eau propre et l’assainissement, la promotion de la croissance économique et l’emploi décent. Du reste, l’optimisme exprimé n’a pas d’empêché le haut-commissaire au Plan d’interpeller les pouvoirs publics. «Le Maroc rencontre beaucoup de difficultés. D’où l’impératif de revoir son modèle économique et de mettre l’accent sur le développement des énergies renouvelables, l’agriculture durable, la diversification des produits industriels, tout en renforçant la gouvernance participative», alerte-t-il en substance. Au-delà de ces recommandations, il convient de souligner que le changement climatique est bel et bien une réalité chez la majorité des Marocains, de plus en plus sensibles aux questions environnementales (gestion des déchets, assainissement, transport, espaces verts, etc.). En effet, 60% des personnes interrogées sont conscientes de l’implication du dérèglement climatique sur l’irrégularité des pluies, la hausse de la température et le niveau des ressources hydriques. Par ailleurs, les citoyens ont un jugement sévère sur la qualité du système éducatif et de la santé publique. L’éloignement des infrastructures sanitaires et scolaires du lieu d’habitation est pointé du doigt. De même que le mauvais accueil dans les administrations et la corruption qui gangrène le milieu hospitalier. Notons que les résultats de l’enquête mettent en exergue l’importance de l’enseignement public pour les personnes interrogées. En effet, 80% d’entre elles ont inscrit leurs enfants dans un établissement public. Au demeurant, l’amélioration de la formation des professeurs est considérée comme fondamentale pour rehausser la qualité de l’enseignement public, qui a dominé les débats ces derniers temps, notamment avec la question de la fin de la gratuité.
L’emploi, une préoccupation majeure
57% des citoyens estiment que la première finalité de la politique économique doit être la création d’emplois. Or, la croissance économique est peu génératrice d’emplois au Maroc. On assiste, par ailleurs, au changement des mentalités, car 41% de Marocains plébiscitent de plus en plus l’auto-emploi au détriment de l’emploi public ou privé. Cela dit, en contradiction avec certaines statistiques, 44% des personnes interrogées ont confirmé l’existence de la pauvreté extrême dans leur environnement, causée entres autres, par le chômage, la précarité de l’emploi et les difficultés d’accès aux programmes sociaux. Au registre de la paix sociale, 2/3 des ménages assimilent la criminalité dans leur environnement aux vols et aux actes de violences physiques. Les causes évoquées sont le chômage et la consommation de drogue. En définitive, les citoyens interrogés ont suggéré des prérequis conditionnant la réalisation des ODD par le Maroc. Il s’agit, entre autres de la réforme de l’administration, une présence plus accrue de l’autorité de l’Etat pour l’application de la loi, la réforme de l’enseignement, l’égalité d’accès à l’enseignement et à la santé et le renforcement de la démocratie.
M. Diao
Situation paradoxale
L’enquête révèle, par ailleurs, qu’une meilleure application de la loi et l’intransigeance de la justice permettraient de réduire la criminalité. En matière d’égalité des sexes, certaines contradictions sont mises à nue par les hommes de Lahlimi. En effet, si la majorité de la population est favorable à la parité homme-femme, notamment en matière d’emplois et de postes de responsabilité, 87% des personnes interrogées sont contre la parité en matière de partage d’héritage.