La nouvelle réforme de l’école publique parie sur de nouvelles approches éducatives

La nouvelle réforme de l’école publique parie sur de nouvelles approches éducatives

Depuis l’adoption de la charte de l’éducation en 2000, les réformes s’enchaînent dans le secteur de l’éducation, mais les réalisations ont été malheureusement constamment en deçà des ambitions fixées. C’est le constat établi lors de la rencontre organisée sur les politiques éducatives organisées le 20 février par la Revue des sciences politiques et juridiques à l’Université de Souissi-Agdal  (Rabat).

Selon certaines données de la Banque mondiale, l’effort de généralisation scolaire est acquis au Maroc, mais  64% des enfants marocains âgés de 10 ans ne sont pas capables de lire ou comprendre un texte simple. Un diagnostic qui met en perspective l’enjeu à la fois du rendement du système éducatif et celui de la qualité de l’éducation. Le constat global est que l’effort national en matière d’éducation est très faiblement récompensé. 

Le Maroc investit pourtant entre 7 et 8% de son PIB à l’éducation de ses enfants, deux fois plus que la moyenne mondiale (4%) et celle des pays de l’OCDE (4,8%). En 2024, il est prévu par exemple, un budget atteignant 94 milliards de DH pour le secteur de l’éducation. Un secteur dont les effectifs sont environ de 9 millions d’élèves scolarisés. On compte en outre, 1,3 million d’étudiants et 600.000 stagiaires (formation professionnelle).

Les solutions alternatives expérimentées telles que le recours au secteur privé n’est pas non plus au rendez vous. En 2022, seulement 13% des enfants étaient scolarisés dans le secteur privé contre un objectif de 20% fixé. Et, selon toute vraisemblance, nous atteignons le plafond de verre en matière de privatisation, en raison de coûts très élevés pris en charge totalement par les ménages qui recourent à l’école privée par choix contraint afin d’assurer un avenir à leur enfants. La dépense moyenne par ménage est passée de 1.270 DH en 2000 à 4.365 DH en 2019.

Selon le Professeur Azzedine Akesbi, cette situation préoccupante est le résultat de choix stratégiques erronés cumulés au cours des décennies écoulées. Ont été cités, par exemple, l’accroissement progressif des horaires d’enseignement, la dévaluation du statut de l’enseignant et de sa formation, le recrutement à partir de 2016 d’enseignants contractuels. Il en a résulté des programmes trop chargés, des enseignements dogmatiques et un esprit de synthèse dans les apprentissages faiblement développé.

L’état des lieux en 2022 fait ressortir, que plus de 334.000 élèves auraient abandonné leur scolarité (5% des effectifs), dont 27% au niveau du collège qui viennent grossir le nombre de 4,5 millions de jeunes marocains qui ne sont ni à l’école, ni au travail. De plus, parmi ceux qui atteignent l’université 35 à 40% sont exposés au chômage. Sur un plan plus général, sur 81 pays analysés, le Maroc est classé au 71ème rang en mathématiques, 79ème en culture économique, 76ème en culture scientifique. 

Pour les remèdes, le Conseiller du ministre de l’Education, Monsieur Youssef Saadani, a exposé quelques grands traits de la réforme actuelle. L’accent est mis sur l’adoption de nouvelles approches à la fois en matière d’enseignement, de rénovation du cadre scolaire et de valorisation du statut d’enseignant. L’ensemble, selon ses propos, devrait concourir à transformer en profondeur les stratégies d’apprentissage au sein de l’école publique considérée comme le socle du système éducatif et de la cohésion sociale. 

Au cœur des nouvelles approches adoptées, l’instauration d’écoles pionnières dotées de méthodes pédagogiques novatrices fondées sur les sciences cognitives; écoles qui seront généralisables à l’échelle du pays à l’échéance 2026. Des méthodes dont les résultats probants ont été testées dans plusieurs pays à travers le monde tels que l’Inde, la Corée du Sud, Singapour... Schématiquement,  il s’agit d’alléger la charge cognitive de l’élève au début de la scolarité (préscolaire et primaire) en le concentrant sur l’apprentissage des fondamentaux du savoir (lire, écrire, calculer et raisonner). Ensuite, l’emmener progressivement vers des savoirs plus complexes. Cela correspond à faire travailler dans une première phase ‘la mémoire dite courte’ (qui permet d’assimiler les acquis de base) préalablement à faire intervenir ‘la mémoire longue’ celle qui accueille les automatismes, les procédures, etc. Une approche a priori convaincante qui a été testée dans les écoles pionnières au Maroc.
Le Professeur Mohammed Bouchikhi, quant à lui, s’est penché sur l’intérêt porté au «tiers secteur» qui regroupe les coopératives, les associations, les mutuelles…. Un champ d’intervention identifié par le Nouveau modèle de développement comme une solution alternative et complémentaire dans certains secteurs tels que la santé, l’éducation, l’économie sociale et solidaire. En Corée du Sud, 180 universités privées sur un total de 220 universités sont à but non lucratif; aux USA, il y a l’exemple des charters schools (6.900 en 2017) avec 3,3 millions d’élèves; en France, les écoles privées sous contrat accueillent 13% des 13 millions d’élèves (97% d’entre elles sont des écoles catholiques). Au Maroc, il y a l’illustration des écoles communautaires. Mais leur nombre est marginal (189 établissements) sur plus de 11.400 dans tout le Maroc.

Les grèves d’une durée exceptionnelle (4 mois) qui ont paralysé le secteur de l’éducation soulignent le malaise qui perdure au sein de la famille des enseignants. Par ailleurs, le faible rendement du système éducatif est symptomatique d’une gouvernance parfois défaillante des politiques publiques afin d’atteindre les résultats annoncés. Enfin, formulons le vœu que la nouvelle feuille de route 2022-2026 atteigne ses objectifs face aux enjeux d’avenir dont celui de l’émergence économique.

 

 

Par Taoufiq Boudchiche, Economiste

 

 

 

 

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