Le premier kw de la centrale Noor 1 Ouarzazate a été officiellement produit et injecté dans le réseau par SM le Roi Mohammed VI aux alentours de 16 heures, le jeudi 4 février 2016. Mustapha Bakkoury, Directeur général de Masen, a tenu une conférence de presse et a apporté plusieurs éclairages sur le projet. Il faut dire que le chef d’orchestre du Plan solaire s’est fait rare et discret ces derniers temps dans les médias, malgré de nombreuses sollicitations. Ce qu’il reconnaît volontiers. Séance de rattrapage donc avec les journalistes.
Le Directeur général de l’agence Masen est revenu sur plusieurs aspects caractérisant la Centrale solaire Noor 1 et a répondu aux nombreuses questions de la presse. Il a notamment rappelé que la construction de la station a été réalisée dans un délai de 30 mois et a mobilisé plus de 2.000 employés, dont 85% de Marocains. La partie n’était pas gagnée d’avance, de nombreux défis devaient être relevés. Le premier d’entre eux concerne la croissance exponentielle de la demande en électricité. Au vu de la croissance économique, une hausse annuelle de la demande (5%, 6% ou 8% selon les années) signifie multiplier par deux la capacité électrique tous les dix ans. «Le défi est d’autant plus grand pour les gestionnaires de réseaux pendant l’heure où nous consommons le plus d’électricité, c’est-à-dire la pointe», explique Bakkoury. La pointe au Maroc intervient le soir, après le coucher de soleil. Pour la stratégie dans son ensemble, et notamment les premiers projets, il fallait démontrer que l’énergie solaire pouvait contribuer à répondre à cette demande. Le stockage s’imposait de facto. Selon le DG de Masen, 3h de stockage sont une durée suffisamment grande pour couvrir une grande partie de cette pointe qui est de 3h30.
Stockage : 3 heures pour commencer
La durée de stockage de l’électricité produite par la centrale est, en effet, une donnée essentielle pour répondre au pic de consommation, survenant entre 18h30 et 22h. Pour Noor 1, le stockage de 3h a été retenu car il n’y avait pas suffisamment de retour d’expérience de projet avec une durée de stockage supérieure à 3h. «Nous n’avons pas voulu prendre de risque», souligne Bakkoury. «Nous avons demandé dans le cahier des charges à ce que nous ayons 3h de stockage fixe. Nous avons été confortés dans cette décision par les réponses intéressantes que nous avons reçues des opérateurs».
Les prochaines stations (Noor II et III), dont les travaux ont officiellement été lancés par le Roi, auront, en revanche, une durée de stockage supérieure. «Sur la base de cette première expérience, nous avons demandé une durée de stockage de minimum 3h. Nous avons laissé les développeurs faire leurs offres. Le marché avait évolué entre-temps et nous a offert jusqu’à 8h de stockage avec des coûts améliorés. Ce dont nous sommes ravis», confie-t-il. Bref, les centrales à venir seront moins coûteuses, et plus rentables.
Le coût pour le consommateur : pas un dirham de plus à payer
La question de l’impact de la mise en service de la station Noor sur la facture du consommateur a inévitablement été posée. Mustapha Bakkoury a tenu d’emblée à rassurer : «Ce projet a été fait de sorte que le consommateur final ne paie pas un dirham de plus pour ce changement de stratégie vers le renouvelable». Et d’ajouter, que «notre schéma est de faire appel à des développeurs internationaux qui garantissent la production dans les meilleures conditions, et qui vendent de l’électricité à Masen à un prix fixé par l’appel d’offres. Masen la revend à l’ONEE un prix égal à celui que paie le consommateur», explique-t-il. Pas d’augmentation de la facture donc.
Celle-ci pourra même baisser à terme quand le rythme de croisière au niveau des projets renouvelables sera atteint puisque, et c’est tout l’intérêt du renouvelable, le coût va rester relativement stable sur une très longue période. «Nous connaissons, à peu de chose près, le prix de cette énergie sur les 25 prochaines années, contrairement aux autres sources d’énergie, comme le charbon, le fuel ou le gaz, dont les cours restent une inconnue. Avoir cette visibilité est quelque chose de très important», souligne le DG de Masen.
Masen : les chantiers législatifs, fiscaux et financiers sont ouverts
Le statut de Masen a été renforcé conformément aux instructions royales données aux différents acteurs concernés, confiant le pilotage des énergies renouvelables à l’agence dirigée par M. Bakkoury. Le processus de réorganisation est déjà entamé : «Nous sommes en train de travailler sur la réorganisation de Masen. Et la mise en place de l’architecture institutionnelle du secteur des énergies renouvelables ne retardera en aucune manière la dynamique des différents plans», estime-t-il. Plusieurs chantiers sont déjà ouverts. Il y a un groupe de travail commun entre les différents acteurs du secteur (ministère, Masen, Aderee, etc.) qui va décliner une feuille de route dans les semaines à venir. Ces chantiers sont d’ordre législatifs pour refonder certains textes, notamment la loi de création de Masen. Les chantiers financiers, fiscaux et de ressources humaines sont également en cours. «Ces chantiers doivent se faire dans les meilleurs délais possibles. Personnellement, je les vois tous se terminer d’ici le mois de mai», déclare Bakkoury.
Les synergies qui seront opérées avec l’ONEE (Office national de l’électricité et de l’eau potable), et le renforcement des liens organiques entre les deux entités permettront une plus grande efficacité de la conduite des plans solaire, éolien et hydraulique. Reste la question du transfert des actifs de l’ONEE vers Masen. Sur ce sujet précis, Bakkoury a préféré botter en touche : «nous étudierons la question des actifs de l’ONEE au cas par cas». Une chose est sûre, c’est bien l’agence solaire qui aura la mainmise sur la gestion de l’électricité d’origine renouvelable. Le rôle de l’ONEE se limiterait désormais à celui d’un transporteur et d’un gestionnaire du réseau électrique.
DNES à Ouarzazate, Amine Elkadiri