Le citoyen marocain ne dispose pas d’une culture de l’assurance. D’ailleurs, en règle générale, ce n’est qu’à la survenue d’un sinistre qu’on se précipite pour lire son contrat d’assurances. Avouez que vous faites de même. Pour autant, quand vous avez en face de vous une banque ou une compagnie d’assurances, et bien que vous ne fassiez pas le poids en tant que consommateur, il existe la loi 31-08 portant protection du consommateur, qui vous protège de toute tentative d’abus. Mais cela ne vous dédouane pas de votre responsabilité en tant que personne majeure !
Si l’on est plus ou moins familiarisé avec certains produits d’assurance comme l’assurance automobile, on l’est un peu moins avec des produits plus compliqués comme la multirisque habitation. Pourtant, le processus est bien le même. Le contrat étant la loi des parties, il est impératif de bien comprendre ses clauses pour éviter toute mauvaise surprise.
«Le premier conseil à donner aux consommateurs est de bien lire le contrat avant de le signer pour prendre connaissance des risques pris en charge et ceux exclus. Le consommateur doit prendre conscience de ses obligations, sur quoi il s’engage, les conditions qu’il doit remplir et quels sont ses droits en cas de dégât», explique Madih Ouadi, président de l'Association marocaine de protection du consommateur (Uniconso) et expert en droit de la consommation. Autant harceler le chargé de clientèle en face de vous de questions, aussi banales vous semblent-elles, pour éviter toute mauvaise surprise.
D’ailleurs, le président d’Uniconso donne un exemple assez édifiant et qui donne à réfléchir sur les sinistres exclus d’un contrat d’assurance habitation, malgré tous les dégâts qu’ils peuvent causer : «Quand vous avez un problème d’eau pluviale qui inonde la façade de votre immeuble et qu’en raison de la porosité dégrade votre bien immobilier, sachez que pour certaines compagnies ce risque n’est pas pris en charge, tout en étant une source sérieuse de dégâts». La seule façon donc de le savoir est de bien lire le contrat, poser des questions et essayer de négocier la prime variant selon les risques couverts, chose qui est bien difficile lorsque la contraction de la multirisque habitation est liée à l’octroi d’un crédit immobilier.
Comprendre pour mieux réagir
Le deuxième conseil est celui de demander les conditions générales qui complètent les conditions particulières sur votre contrat avant de le signer, car elles définissent précisément le contenu et les limites de vos garanties.
Comme le rappelle Madih Ouadi, les compagnies, courtiers et autres, ont l’obligation de soumettre le contrat au client accompagné d’un document comportant les conditions générales afin que l’assuré prenne ample connaissance sur quoi il s’engage. Sinon, il doit le réclamer pour bien connaître ses droits et obligations. «Le client doit être assuré en connaissance de cause», note Ouadi.
Aussi, il faut faire attention au plafond de remboursement avant de signer son contrat d’assurance, plafond tout aussi négociable que les autres clauses du contrat.
Une meilleure connaissance de son contrat prépare l’assuré à bien réagir en cas de sinistre. Notamment en matière de délai à respecter pour informer son assureur (5 jours en règle générale et un accusé de réception n’est pas un accessoire); quantifier les dégâts, remplir un formulaire mis à sa disposition, sinon rédiger un courrier relatant les circonstances des dégâts. Voire même établir des devis de réparation, et bien sûr être muni de factures en cas de réparation urgente ou des justificatifs de biens qui seraient dérobés en cas de cambriolage.
«Il faut faire parvenir également votre déclaration de sinistre par lettre recommandée avec accusé de réception, accompagnée de tous les justificatifs nécessaires», alerte le président d’Uniconso.
Une fois toute cette démarche accomplie, la compagnie dépêche un expert qui, une fois sur les lieux, élabore sa propre appréciation de la situation qui influencera largement la décision et le montant d’indemnisation à verser par la compagnie d’assurances.
Si vous n’êtes pas satisfait ou vous vous estimez léser, il existe plusieurs possibilités de recours extrajudiciaire. Le premier est de notifier votre mécontentement à votre assureur, car de toute façon sa parole n’est pas «divine» ni irrévocable, pour ouvrir un dialogue afin de négocier un compromis sur lequel vous vous accorderez.
Dans le cas contraire, et après avoir épuisé la procédure interne de règlement des litiges propre à chaque compagnie, vous n’êtes pas démuni puisqu’il vous reste encore deux possibilités : l’une ou l’autre et pas les deux, avant de recourir à la justice si vraiment vous pensez subir un abus de la part de votre compagnie d’assurances.
Médiateur, ACAPS… vous n’êtes pas seul
Il y a près de deux ans, en janvier 2016 plus précisément, le secteur des assurances a mis en place un dispositif de médiation que les assurés peuvent saisir lorsqu’ils ont épuisé les voies de recours avec leur compagnie d’assurances. Il s’agit d’une mesure phare du contrat-programme du secteur ayant pour finalité d’améliorer la relation avec la clientèle, de fluidifier le règlement d’un certain nombre de dossiers mais, surtout, d’éviter aux assurés d’ester en justice. Le recours au service du médiateur est gratuit pour le demandeur. Son avis s’impose à l’entreprise d’assurances lorsque le montant ne dépasse pas 50.000 DH. Mais comme expliqué précédemment, il faut avoir usé de toutes les voies de recours de la compagnie et qu’aucune suite n’a été donnée à votre réclamation dans un délai de 30 jours à compter de la date de réception du dossier complet y afférent.
Pour déclencher la procédure, le requérant doit saisir le médiateur par courrier recommandé avec accusé de réception ou en déposant une réclamation (obligatoirement faite par écrit), contre décharge, auprès de ce dernier qui en informe directement l’assureur. Les documents et informations des parties en litige peuvent être également communiquées au médiateur par voie électronique.
Vous devez adjoindre à votre demande un document dûment signé et légalisé autorisant expressément l’assureur à communiquer au médiateur tous les documents ou informations utiles à l’accomplissement de sa mission.
Le médiateur doit rendre un avis motivé dans les deux mois qui suivent. Après notification, le réclamant dispose d’un délai de 21 jours calendaires pour faire connaître sa position. Si l’une des parties au conflit ne donne pas de suite à la proposition de règlement amiable ou si elle refuse expressément cette proposition dans le délai précité, le médiateur considère que la tentative de médiation a échoué. Dans ce cas, le dossier est clôturé.
Le texte prévoit que le particulier peut toujours rejeter la décision du médiateur et peut, quel que soit le montant en jeu, saisir la justice. Par contre, la compagnie d’assurances est obligée de se conformer à la décision du médiateur tant que le montant en jeu est inférieur à 50.000 DH. Au-delà, elle peut, elle aussi, saisir la justice en cas d’insatisfaction.
L’autre possibilité est celle de recourir directement au gendarme du secteur : l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS).
La loi portant création de l’ACAPS stipule clairement que l’Autorité dispose à l’égard des entités soumises à son contrôle du pouvoir d’instruire les réclamations qui lui sont adressées.
Dans ce cadre, les services de l’ACAPS traitent les réclamations des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurances qui portent sur les difficultés et différends liés aux différentes phases du contrat : à partir de la phase de contractualisation jusqu’au paiement de l’indemnité.
«L’ACAPS, pour répondre à cette prérogative, a mis en place une structure dédiée à la relation avec les assurés. Cette structure, dès réception des réclamations, saisit l’opérateur concerné (entreprise ou intermédiaire d’assurances) pour lui demander de fournir les explications ou, au cas où il s’avère nécessaire, le sommer à se conformer aux dispositions réglementaires et/ou contractuelles. Par ailleurs, dans un souci de rapidité et de transparence du processus de traitement des réclamations, l’ACAPS mettra, avant la fin de cette année, à la disposition des consommateurs une plateforme de gestion des réclamations qui leur permettra de déposer et de suivre en ligne leurs réclamations à l’encontre des assureurs et des intermédiaires d’assurance», explique-t-on du côté de l’ACAPS.
Il est important de savoir que le médiateur et l’ACAPS ne travaillent pas chacun dans son petit monde. En effet, au sein de l’ACAPS, on nous précise que «le cadre de la médiation en assurances est fixé par la Charte de médiation signée par les entreprises d’assurances et de réassurance avec l’Autorité. Dans le cadre de son processus de traitement des réclamations qui lui sont soumises, le médiateur sursoit au traitement de celles qui ont déjà été notifiées à l’ACAPS. En outre et afin d’assurer un traitement fluide des réclamations et faire bénéficier les assurés de ces deux dispositifs, un cadre d’échange et de partenariat est en cours de réalisation».
Finalement, pas trop de problème avec la multirisque habitation
Selon le président d’Uniconso, les réclamations relatives à la multirisque habitation ne sont pas très récurrentes comparativement aux litiges liés à l’assurance décès, aux crédits immobiliers ou encore aux services de télécommunications.
Même son de cloche du côté de l’ACAPS : «A ce jour, depuis sa création en 2016, l’Autorité n’a reçu que quelques cas concernant essentiellement l’évaluation des dommages et le paiement des indemnités dues au titre des contrats d’assurances habitation. Les catégories qui sont le plus concernées par les réclamations reçues par l’Autorité sont : l’assurance automobile (RC et garanties annexes), l’accident de travail, l’assistance et les assurances de personnes».
Et de préciser, les réclamations qui sont parvenues à l’Autorité portent essentiellement sur 3 volets :
• L’indemnisation au titre des sinistres corporels dans le cadre de l’exécution des jugements prononcés par les tribunaux;
• L’indemnisation dans le cadre de transactions amiables avec les assureurs et la fourniture des prestations garanties dans le cadre des contrats d’assistance;
• L’information et le respect des autres clauses de contrats, notamment en ce qui concerne la résiliation, la prescription, la déchéance, la ristourne de prime…
Toujours est-il qu’un assuré avisé en vaut deux ! ■
Imane Bouhrara