Habib El Malki a fait un état des lieux alarmant de la situation économique et sociale actuelle.
Aux grands maux, les grands remèdes. Les défis à relever et les mesures à prendre pour gagner le pari de la durabilité sont nombreux.
En marge de la COP22 qui s’est tenue à Marrakech, le Centre marocain de conjoncture (CMC) a organisé un side-event sous le thème : «Pour un modèle de développement juste et durable». L’idée sous-jacente est de pouvoir concevoir un nouveau modèle de développement économique compatible avec la protection de l’environnement. Kenza Oubejja, économiste au sein du CMC, a rappelé à titre indicatif que même la Chine, pays dont la croissance est étroitement liée à la consommation des ressources naturelles et premier pollueur mondial, a fait dans son 13ème plan quinquennal (2016-2020) du développement vert un prérequis au maintien de sa croissance économique. Le Maroc, pays faiblement émetteur de GES, mais très affecté par le dérèglement climatique, affiche sa volonté en faveur du développement durable. Il n’y a pas mieux que l’organisation d’un événement planétaire pour témoigner de son fort engagement. Au-delà de l’organisation, nous pouvons mettre également à son actif, les deux initiatives proposées, à savoir l’initiative sur l’eau et l’initiative «Adaptation de l’agriculture africaine» (AAA). En matière d’eau, force est de rappeler que cette dernière a été longtemps oubliée des négociations climatiques. Sa mobilisation s’avère importante pour un pays comme le Maroc, classé 19ème parmi les pays les plus exposés à un stress hydrique à horizon 2040. La part de la superficie cultivable irriguée n’est que de 5%, alors que le potentiel irrigable est de 25%. Idem pour l’agriculture et dont l’adaptation au changement climatique constitue un grand défi. Un changement climatique, même en dessous du scénario de 2°C, constitue une menace sérieuse pour l’agriculture africaine. Les fonds dédiés à l’adaptation restent faibles, à peine 16% des fonds internationaux pour le climat en 2013-2014, selon l’OCDE, et l’Afrique n’en reçoit que 5%. La coopération Sud-Sud et le rapprochement avec le continent africain, dont le Maroc a fait une priorité, peuvent être une issue à cette initiative triple A. Dans son exposé, H. El Malki n’a pas fait dans la dentelle. Il brosse un tableau noir de l’économie marocaine. Notre économie se caractérise par un rythme en baisse depuis cinq ans, des équilibres macroéconomiques mis à mal en termes de dette publique notamment, une augmentation massive du chômage en particulier des jeunes diplômés en milieu urbain et une compétitivité à l’export qui se dégrade, et ce en dépit des différents plans sectoriels. «Sur le plan social ensuite, la situation devient préoccupante avec l’augmentation de la pauvreté et de la précarité qui ont augmenté de manière significative ces cinq dernières années, comme en témoignent la dégradation de la position du Maroc dans les classements internationaux en termes d’IDH et l’augmentation du nombre de pauvres, selon la dernière enquête du HCP» rappelle H. El Malki. Le nouveau modèle de croissance économique se doit de relever les nombreux défis de notre pays, à savoir l’atonie de la croissance, l’emploi des jeunes, l’adaptation aux changements climatiques… Pour ce faire, ledit modèle est appelé à poursuivre trois objectifs, à savoir, d’une part, assurer le développement social de l’ensemble des catégories de la population les plus vulnérables; ensuite, assurer le développement environnemental à travers la protection des écosystèmes et des ressources naturelles et, enfin, assurer la pérennité du développement économique en se concentrant davantage sur des filières à fort potentiel de compétitivité. Les objectifs sont certes ambitieux, mais ils sont de nature à permettre au Maroc de faire son entrée dans le club des pays émergents. Le taux de croissance projeté d’ici 5 ans est de 6% par an, ce qui permettrait la diminution du taux de chômage d’au moins 2 points. Sur le plan social, les objectifs sont de nature à permettre, d’une part, l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages à travers l’augmentation du revenu par habitant de 20%, et de réduire les disparités en termes de répartition des revenus à travers l’amélioration du coefficient de GINI qui stagne autour de 0,4 depuis près de 15 ans.
S. Es-siari
Quid des mesures préconisées ?
Il a été mis l’accent sur la mise en place de mesures d’accompagnement spécifiques afin d’augmenter l’investissement privé. La mise en place d’une fiscalité écologique (écotaxes ou taxe carbone), prévue dans le cadre de la loi formant Charte nationale du développement durable, doit veiller à respecter les principes d’une bonne réforme fiscale, à savoir équité fiscale, accompagnement des effets négatifs et clarté des objectifs. L’objectif est de favoriser la transition énergétique des entreprises tout en n’altérant pas leur compétitivité déjà fortement mise à mal ces dernières années. L’autre volet en matière d’accompagnement sur lequel l’ensemble des panélistes était d’accord, est la nécessité pour les pouvoirs publics de mettre en place une véritable stratégie de l’innovation qui permettrait d’augmenter la part de la R&D dans le PIB de 0,7% actuellement à 1,5, voire 2% d’ici 10 ans, et d’augmenter le nombre de brevets d’invention dans le secteur des énergies renouvelables notamment. A ce titre, des mesures d’accompagnement telles que le crédit impôt recherche ou bien la création d’un fonds de soutien à l’innovation généreusement doté pour les start-ups serait très louable.