Mise à jour des titres fonciers : La clandestinité bat son plein

Mise à jour des titres fonciers : La clandestinité bat son plein

ImmobilierLa Conservation foncière a lancé une nouvelle opération pour se conformer à la loi. Les propriétaires adhèrent peu à l’initiative, évoquant la procédure contraignante et coûteuse, tant sur le plan administratif que fiscal.

Les constructions sans autorisation, des modifi­cations et autres exten­sions sont des pratiques très courantes dans les foyers marocains.

Cherté du foncier, pression démographique, ignorance sont les éléments qui expliquent ce comportement. Pourtant, la loi est claire là-dessus, chaque changement, quelle que soit sa dimension ou sa nature, doit être validé par les autorités, et inscrit sur le titre foncier.

L’Agence nationale de la conser­vation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) orga­nise actuellement une campagne pour sensibiliser les propriétaires ayant entamé des modifications de leurs propriétés à la mise à niveau de leurs titres fonciers.

L’Agence explique qu’«une telle opération permettra de donner de la valeur au titre foncier et d’éviter les problèmes lors d’une vente, d’un partage ou d’un échange».

«C’est une opération qui a été lancée, il y a quelques années, mais qui n’a pas connu l’adhé­sion du grand public. Elle est renouvelée actuellement pour permettre aux citoyens de se conformer à la loi», souligne Mohamed Bennour, notaire à Casablanca.

Il explique l’indifférence des citoyens à cette initiative par «la rigueur de l’administration, une procédure très délicate et aussi des taxes et des charges à payer».

D'importants enjeux socioéco­nomiques amplifient ce phéno­mène. L’accès difficile au loge­ment est un moyen incitatif pour ces habitats anarchiques. Pour contourner la pression démogra­phique, les résidents des quar­tiers populaires n’ont d’autres choix que l’option de la vertica­lité pour s’assurer de nouveaux foyers.

«Deux de mes fils se sont mariés ne disposant pas de moyens ni pour louer ni pour verser l’avance nécessaire pour l’acquisition d’un logement social. J’ai décidé de construire un autre étage dans notre maison de type R+2 pour avoir plus d’espace; ce qui per­mettra à tout le monde de vivre convenablement. Au départ, j’ai voulu réaliser les modifications dans les règles de l’art, mais les tracasseries administratives et les règles dissuasives m’ont poussé à choisir la construc­tion clandestine», explique Haj Ahmed un habitant de Derb Soltane (Casablanca).

Le cas de Haj Ahmed est l’exemple le plus fréquent, et il est confirmé par Rachid Belhoucine, géomètre-topographe.

«Pratiquement, une bonne partie des affaires de mise à jour des titres fonciers concerne les mai­sons de type marocain situées dans les quartiers populaires. Ce sont, à la base, des R+2 qui se transforment clandestinement en R+3 ou R+4. Techniquement, il est possible de procéder à la mise à jour sous certaines condi­tions mais parfois, on découvre des constructions en verticale de plusieurs étages alors que les fondations sont à la base conçues pour ne supporter qu’un ou deux étages», explique-t-il.

En effet, le drame de l’effon­drement des immeubles de Bourgogne rappelle toujours les risques des constructions anar­chiques et explique l’intransi­geance des autorités en matière de délivrance des autorisations.

L’obtention des documents est un véritable parcours du combat­tant. Il faut passer par plusieurs services et plusieurs adminis­trations pour avoir le précieux sésame. L’opération devient compliquée quand l’immeuble est dans l’indivision et il faut recueillir l’accord préalable des héritiers ou des associés. Une option qui nécessite parfois des compromis douloureux.

Outre le permis d’habiter et le plan de construction initial, le propriétaire doit fournir un plan de modification et aussi un visa du service technique de la com­mune.

Par ailleurs, il faut noter que les propriétaires optent pour la clandestinité en maintenant les constructions dans une situation de chantier inachevé afin de ne pas s’acquitter de la TVA de 20% et de la taxe d’habitation.

Outre les villes, les propriétés du milieu rural sont elles aussi concernées par le phénomène. «Il existe des titres fonciers qui, dans les livres sont déclarés terres agricoles nues, alors que dans la réalité, on y trouve des puits, des maisons d’habitation, des murs de clôture, des arbres fruitiers ou des ateliers d’en­graissement. Tous ces éléments doivent être déclarés, car en cas de cession ou de partage entre héritiers, la tâche devient com­pliquée», affirme Mostafa Sordo, adoul à Benslimane.

Pratique

Procédure

La Conservation foncière veille, au moment de faire les mises à jour ou les écla­tements des titres fonciers, à la conformité totale entre les plans d’architecte validés par les communes et ce qui est réellement réalisé par les promoteurs immobiliers, et ce en stricte application de la loi relative à la copropriété.

Cette décision trouverait justification dans le souhait de l’administration à obliger les citoyens au respect des normes urbanistiques en vigueur.

La mise à jour des titres fonciers reste un moyen de remettre de l’ordre dans le secteur de l’immobilier, en mettant fin à l’évasion fis­cale et à la clandestinité. En effet, pour mettre à jour un titre foncier, le proprié­taire doit présenter un dos­sier technique monté par un topographe privé, une copie du plan, un certificat de pro­priété ainsi que le permis d’habiter. A défaut de ce dernier document, le pro­priétaire doit présenter une attestation de construction de la commune.

Une équipe du cadastre procède ensuite à une vérification sur le terrain. L’objectif étant de s’assurer de la concordance du plan de propriété avec l’état des lieux modifiés par la dernière construction.

Le topographe procède ensuite à un relevé. Pour mettre à jour son titre fon­cier, le propriétaire du bien doit s’acquitter d’une rede­vance, correspondant à 0,5% du montant de la construc­tion.

La Conservation foncière se base sur le relevé du topo­graphe faisant état de la superficie couverte. Ensuite, pour calculer le montant de la redevance, l’Agence s’appuie sur un barème spécifique à chaque zone. Casablanca, par exemple, dispose de son propre référentiel fiscal. Un outil qui va être généralisé à toutes les villes du Maroc. La Conservation foncière accorde des facilités lors des mises à jour des titres fonciers notamment en cas d’écarts entre le bâti et les plans autorisés.

Charaf Jaidani

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