Maroc-Chine : F. Oualalou prône la coproduction

Maroc-Chine  : F. Oualalou prône  la coproduction

Oualalou

En un tiers de siècle, la Chine, pays en développement, est devenue une économie émergente,  puis une puissance économique mondiale. Cette situation interpelle le Maroc, le Maghreb, l’Afrique et l’espace sud-méditerranéen parce qu’elle porte en son germe un second dépassement historique, provenant, cette fois-ci non pas de l’Occident, mais de la Chine lointaine pourtant tellement présente.

Chaque jour qui passe, le monde change, évolue, se dessine à nouveau… avec pour toile de fond une Chine qui tisse sa toile. Le débat animé récemment à la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc avec pour invité F. Oualalou, ancien ministre de l’Economie et des Finances et ancien maire de Rabat, s’est focalisé sur les perspectives des relations économiques entre la Chine et nous.

«Aujourd'hui, je vais parler d'une manière générale sur comment la Chine nous interpelle, vous laissant le soin de lire mon dernier livre», lance d'emblée F. Oualalou. L’ancien ministre entend par nous le Maroc, l’Afrique, le Maghreb, le sud de la Méditerranée… Pendant quasiment une heure, l’homme d’Etat a passé en revue l’histoire de la Chine, ses perspectives de développement et surtout le changement de son modèle de développement.

Une analyse à couper le souffle, agrémentée chaque fois par des réalisations et des chiffres. Depuis les années 1990 et 2000, les réformes se poursuivent et l’économie de la Chine connaît une croissance très rapide, supérieure à 8-9% par an, en raison du bas coût de la main-d’oeuvre et des possibilités d’échange offertes par les technologies. Par le biais d’une politique d’industrialisation fondée sur les exportations et une main-d’œuvre bon marché, la Chine devient le premier exportateur industriel, le premier émetteur de touristes… Bref, elle est au cœur de la demande mondiale.

A partir des années 2000, le taux de croissance dans les pays producteurs des hydrocarbures oscillait autour de 5% et cela a duré jusqu’en 2014, année où le taux de croissance de la Chine a baissé. Certes, il ne s’agit plus de taux de croissance à deux chiffres, mais c’est toujours un 6%. Depuis, l’empire du Milieu change de modèle de développement en accordant plus d’importance au marché local. Avec ce nouveau modèle de développement, cette puissance asiatique a mis en place une nouvelle stratégie mondiale. Elle achète des obligations dans tous les pays déficitaires  (USA, Europe…). La Chine devient ainsi la 3ème puissance économique mondiale derrière les EtatsUnis et le Japon. De nombreuses délocalisations et installations d’entreprises étrangères sur le sol chinois valent à la République populaire de Chine le surnom d’«atelier du monde». «Donc, la Chine nous interpelle», prévient F. Oualalou.

La Chine et l’Europe

A partir de 1975, la Chine s’est rapprochée de la CEE (ex-UE). En 1979, ce rapprochement parvient à réduire la dualité incarnée par les Etats-Unis et la Russie. En 1990, l’empire du Milieu fait tout pour éloigner l’Europe des Etats-Unis. Durant cette période, l’évolution sur le plan économique a été positive. Dans sa stratégie, elle a accordé une importance à l’économie en continuant à soutenir l’intégration européenne pour qu’elle soit forte et à même d’affronter la puissance américaine. D’ailleurs, aujourd’hui, elle déplore l’état actuel d’une Europe fragile, non unifiée et surtout incapable de prendre une décision face aux Etats-Unis. Il sied de rappeler qu’en 10 ans, les échanges commerciaux entre l’Europe et la Chine ont triplé. En 2010, ils se chiffraient à 1 Md d’euros par jour. Rien que ça !

Le dernier Sommet de Hambourg de 2016 a encore une fois réuni les dirigeants issus du monde politique, économique et scientifique afin qu’ils échangent sur les questions et les défis actuels du dialogue économique entre la Chine et l’Europe. Face à des périodes de crise économique mondiale comme celle qui a éclaté juste après la conférence de Hambourg de 2008, ou de l’actuelle crise de la dette, les forums, tels que «le Sommet de Hambourg», se révèlent nécessaires, non seulement pour maintenir le dialogue avec la Chine sur un plan politique neutre, mais pour l’intensifier.

La Chine et le Maroc

Entre le Maroc et la Chine, les rapports étaient au départ logés dans l’enceinte Sud-Sud. Après être devenue une puissance mondiale, un atelier du monde, elle s’est ouverte sur plusieurs économies. Au départ, les liens entre les deux empires marocain et chinois étaient politiques.  Le Maroc étant le second pays après l’Europe à reconnaître la Chine. Il a fallu attendre l’ouverture économique et la politique de réforme (1980) pour que la stratégie Chine-Maroc-Afrique ait plus de sens.

Depuis les années 80, le commerce extérieur entre le Royaume et l’empire du Milieu a évolué, mais pas de manière significative. Il sied de dire que si le Maroc dispose de très grandes réserves de phosphates, la Chine produit 3 fois plus que le Royaume. Comme rappelé par le ministre, la Chine a organisé un sommet en décembre 2015 à Johannesburg au cours duquel le président chinois avait fait deux propositions aux pays africains.

La première, face à la baisse de la demande chinoise en hydrocarbures, le président propose un transfert des capitaux publics et privés de 60 Mds de dollars en faveur du continent. La deuxième idée principale a trait à la promotion de l’industrialisation des pays africains dans le cadre de la stratégie de délocalisation conçue par l’Etat chinois. C’est dire qu’un nouveau modèle de partenariat est en train de se dessiner. C’est dans ce cadre que s’est inscrite en 2016 la visite de Sa Majesté. La Chine accorde un intérêt au Maroc parce que c’est un pays qui est intégré à l’espace euro-méditerranéen couplé à un statut avancé avec l’UE.
«Pour répondre à cette situation de dépassement, la réponse doit être commune», insiste l’homme d’Etat. Et d’ajouter : «Il ne faut pas avoir peur de la Chine, il faut travailler avec elle». A ce sujet, il insiste sur la promotion d’un travail en commun en matière de coproduction au niveau de l’industrie, de l’agriculture et de la formation. Désormais, le maîtremot est la coproduction. L’assistance, la coopération et le partenariat sont devenus obsolètes.

Par S. Es-siari

Dernière publication de F. Oualalou

Un nouvel ouvrage intitulé «La Chine et nous : répondre au second dépassement» de Fathallah Oualalou vient de paraître aux éditions «La croisée des chemins». Cet ouvrage, comme indiqué par d’éminents professeurs universitaires, reflète le point de vue «d’un grand connaisseur» de la Chine, et énumère les raisons ayant rendu possible cette ascension chinoise au cours de ces quatre ou cinq décennies. S’exprimant lors d’une table-ronde consacrée à la présentation du livre, Karima Yatribi, professeur universitaire et directrice de l’Institut Confucius à l’Université Mohammed V de Rabat conseille ce livre aux étudiants et aux intéressés par la Chine et sa culture, précisant que l’ouvrage est rédigé dans un style pédagogique propre à un vrai enseignant et permet de mieux appréhender la réalité de cette croissance. Cet ancien chef du groupe parlementaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) est auteur de plusieurs publications en matière de théorie économique, de politique financière…

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