Le bureau de l'AIVAM tenait une conférence de presse en début de semaine pour faire le bilan des réalisations 2018. Photo : S. Zefri
Un nouveau record franchi dans les ventes en 2018.
Mais bien des chantiers contenus dans le contrat-programme signé avec les pouvoirs publics n’ont pas encore abouti.
Par D. William
A la lecture des chiffres donnés lundi dernier par l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM), le marché de l’automobile se porte bien. Un nouveau record de ventes a été réalisé, puisqu’à fin décembre 2018, ce sont au total 177.359 véhicules neufs qui ont été commercialisés, soit une hausse de 5,2% par rapport à la même période de l’année dernière (voir encadré 1).
Mais la santé du marché marocain de l’automobile ne saurait se résumer uniquement aux statistiques des ventes. Surtout que la hausse des véhicules neufs commercialisés constatée au cours de ces dernières années semble avoir plutôt profité d’un effet de base qui favorise le renouvellement, au regard notamment du faible taux de motorisation : il est de 80 véhicules pour 1.000 habitants contre 600 véhicules pour 1.000 habitants en Europe. Elle a également profité des politiques de financement mises en place par les sociétés de crédit qui ont su adapter leurs offres aux besoins des acheteurs.
L’ AIVAM, dont la mission est de créer un environnement propice au développement du secteur de l'automobile dans le but de favoriser une meilleure mobilité des personnes, est-elle parvenue à engager des négociations avec les pouvoirs publics pour mieux servir la profession ? Les actions initiées par l’AIVAM ont-elles été suffisantes pour faire du secteur une composante économique essentielle en termes de création d'emplois, de réduction des accidents de la circulation ou encore pour la protection de l'environnement ?
Aujourd’hui, les enjeux du secteur sont tels que l’Association ne saurait se satisfaire des seules performances des ventes automobiles. C’est d’ailleurs pourquoi l’AIVAM a initié un contrat-programme avec les pouvoirs publics, soutenu par une feuille de route 2017-2020, avec un certain nombre de points à traiter, notamment la clarification du processus d’homologation; la reprise et la revente des véhicules d’occasion; la réglementation des importations de véhicules et des pièces de rechange d’occasion; la réglementation du secteur des pièces de rechange; la prime à la casse pour les petits taxis et grands taxis ainsi que le fonds de garantie pour l’acquisition d’automobiles neuves et d’occasion.
A cela, s’ajoutent une fiscalité incitative pour les véhicules propres, mais aussi la digitalisation de certaines procédures comme l’immatriculation, le contrôle technique, ou encore l’homologation …
Qu’est-ce qui a été fait ?
Le secteur a-t-il enregistré de réelles avancées ? Au niveau des pièces de rechange, oui. Car, le 15 novembre dernier, les premiers labels du système de labellisation du circuit de distribution des pièces de rechange automobiles (Salamatouna) ont été décernés à 17 entreprises couvrant 36 points de vente, lors d'une cérémonie organisée par le ministère de l'Industrie.
Sur les autres points figurant dans le contrat-programme, il n’y a que très peu d’avancées, voire aucune, hormis le dossier relatif à la dématérialisation des services d’immatriculation. Concrètement, il s’agissait de mettre en place une application Web sécurisée chez les concessionnaires leur permettant de procéder directement à la demande de nouvelles immatriculations et de dématérialiser l’ensemble des échanges avec les partenaires de l’écosystème transport. Ce système, mis en place de manière progressive depuis 7 mois, est actuellement en phase de généralisation chez l’ensemble des distributeurs, avec un taux d’utilisation de 83% chez les importateurs et 40% chez les revendeurs. Au total, «15.000 dossiers ont été traités via ce système», nous le ministère des Transports.
Pour sa part, la prime à la casse pour les petits et grands taxis se solde par des résultats très mitigés. A fin 2017, les crédits mobilisés pour le financement de l’octroi de primes de renouvellement des taxis de deuxième catégorie (petits taxis) s’élèvent à 535 MDH, nous renseigne le rapport sur les comptes spéciaux du Trésor accompagnant le projet de Loi de Finances 2019. Et au total, à cette date (fin 2017), le nombre de taxis renouvelés atteint 14.299, soit 44% du parc des petits taxis.
Concernant les taxis de 1ère catégorie, le nombre de nouveaux véhicules (grands taxis) mis en circulation grâce à l’octroi des primes à la casse s’élève à 23.900 taxis, représentant 54% du parc des grands taxis en circulation.
«La réflexion se poursuit au sein du gouvernement pour la gestion de fin de vie des véhicules», explique-t-on auprès de l’Association, qui estime toutefois qu’un premier pas a été franchi avec l’augmentation de la prime à la casse de 25% pour les camions de transport de marchandises.
De même, les véhicules propres semblent être le parent pauvre du secteur en ce moment. Certes, les ventes de véhicules hybrides, tirées par Toyota, ont fortement augmenté en 2018 pour atteindre 1.140 unités (vs 181 unités en 2016 et 342 unités en 2017), mais elles ne représentent que 0,67% des ventes globales du marché. A ce titre, l’AIVAM souhaite que le gouvernement définisse «une feuille de route claire» afin de booster ce segment, à travers notamment des incitations fiscales.
Force donc est de constater que le bilan de l'Association reste très mitigé. Certes, la réalisation des différents chantiers contenus dans le contrat-programme n’est pas du ressort exclusif de l’Association, puisque les pouvoirs publics y sont fortement impliqués, mais il est du devoir de l’AIVAM de faire bouger les lignes. Quitte à faire un intense lobbying, comme le font d’autres acteurs dans d’autres secteurs. ◆
Encadré 1 : Le SUV tire le marché vers le haut
Les ventes cumulées sur l’année 2018 (177.359 unités, +5,2% par rapport à 2017) ont aussi bien profité aux segments VP (+5%) que VUL (+6,8%). Les marques du Groupe Renault (Renault et Dacia) restent en tête des ventes avec 43,6% de parts de marché (PDM).
Alors que les citadines, premier segment du marché avec 25,8%, ont marqué le pas en 2018, les motorisations hybrides ont réalisé une belle percée, tout comme le segment des SUV dont les ventes ont progressé de plus de 27%, s’accaparant désormais près du quart du marché. Cette dynamique du SUV n’est pas sans effet sur le prix moyen des véhicules vendus : celui-ci passe de 203.000 DH en 2017 à 225.000 DH en 2018.
Les achats sont financés à travers un apport moyen de 38% sur une durée de 47 mois (contre 41% en 2017).
A noter que le marché reste extrêmement diéselisé, avec une PDM de 95%.
Pour 2019, l’AIVAM s’attend à une croissance des ventes de 5%, dans un contexte de croissance économique limitée (autour de 3% selon les prévisions).
Encadré 2 : Où est passé l’Observatoire de l’automobile ?
«C'est un outil qui permet à tous les membres de l'AIVAM d'avoir une idée sur les tendances du marché. C'est une réelle topographie du marché automobile marocain en termes d'équipement, d'usage et de comportement des personnes». C’est ce qu’avait déclaré l’ancien président de l’AIVAM, Mohamed Amal Guédira, au lancement de l’Observatoire de l’automobile par l’Association. C’était en 2013.
Et à l’occasion, une étude intéressante, réalisée par le cabinet Nielsen, avait été publiée sur le parc roulant au Maroc, la segmentation du marché du neuf, la structure du marché, les comportements d’achat des Marocains…
Depuis, plus rien. L’Observatoire qui, visiblement, peut permettre de donner davantage de visibilité au secteur, voire apporter des réponses stratégiques à certaines problématiques rencontrées, a disparu des radars. Un mort-né ?
Encadré 3 : L’AIVAM et la digitalisation
L’AIVAM milite pour la digitalisation de certaines procédures comme l’immatriculation, le contrôle technique, l’homologation… Sauf qu’en la matière, son site Internet (www.aivam.ma) renvoie une bien piètre image : un site terne, avec une liste des membres non actualisée et dont l’actualité la plus récente remonte … à août 2017.
Bref, pour le grand public, c’est le dernier endroit où il faut se rendre pour avoir des informations et se renseigner sur le marché. Une association de cette envergure, qui nourrit autant d’ambitions pour le secteur automobile, devrait commencer par s’offrir une vitrine à la hauteur de ses ambitions.