«Le Royaume représente 10% des investissements du groupe au maroc»

«Le Royaume représente 10% des investissements du groupe au maroc»

Badis

Constructeur et exploitant des trois centrales solaires, Acwa Power a récemment livré, dans les délais, la première phase du plan solaire «Noor1». Badis Derradji, Directeur général d'Acwa Power au Maroc, revient sur les dessous de l’implantation du groupe saoudien dans le Royaume.

Finances News Hebdo : Avec le plan solaire, le Maroc s’est forgé une place importante dans l’échiquier mondial des énergies renouvelables. Pensez-vous qu’il pourrait devenir une «super­puissance solaire» comme cela a été récemment souligné dans un rapport de la Banque mondiale ?

Badis Derradji : Le Maroc est sur la bonne voie en ce qui concerne le lancement et la réalisation de ses programmes en matière d’énergies renouvelables de manière générale, et dans le solaire en particulier. Les objectifs qui ont été fixés dans ce dernier domaine sont des objectifs réali­sables, qui ont été mis en exécution à travers la réalisation des premières phases du projet Noor. Voir les choses se concrétiser est très important lorsqu’on se lance dans le développement du renouvelable. Personnellement, c’est la lecture que je fais de ce que dit la Banque mondiale. La méthode est bonne. Le choix de la technologie, qui émane d’une concertation entre l’opérateur du réseau et Masen répond parfaitement au profil de la demande en électricité du Maroc. Sans oublier aussi le rythme de réalisation de ces projets qui est intéressant. Sur ce point, Masen a réussi le pari en respectant les délais fixés, que ce soit en termes de réalisation, de préparation, de faisabilité, de lancement des appels d’offres… De notre part, en tant que développeur et investisseur, et en collaboration avec toutes les parties concernées, nous avons également tenu nos engagements en livrant dans les délais la centrale Noor1. Globalement, le déroulement du plan solaire se fait d’une manière très correcte, voire accélérée.

 

F.N.H. : Acwa Power est l’un des premiers acteurs à croire au rêve marocain en répondant au premier appel d’offres lancé pour la réalisation de Noor1. Qu’est-ce qui explique cet intérêt pour ce marché, tout en sachant que les énergies renouvelables ne sont pas le coeur de métier du groupe ?

B. D. : Notre coeur de métier est la construction et l’exploi­tation des centrales électriques. Pour la réalisation de la centrale solaire Noor1, nous avons donc fait des alliances avec des sociétés qui ont une expérience avérée dans ce domaine, ce qui nous a permis d’être retenu. Par rapport au marché marocain, il a été identifié par la société comme étant l’un des marchés porteurs dans lequel le groupe pouvait se développer. C’est à l’issue de ce constat, et en faisant confiance aux autorités du pays, que la décision de se lancer dans ce marché a été prise. Aujourd’hui, le groupe est ravi d’être présent sur ce marché et de ce qu’il a réalisé dans ce domaine.

F.N.H. : Le groupe a remporté les 3 appels d’offres pour la construction et l’exploitation des trois centrales solaires Noor1, 2 et 3. Comment Acwa Power a-t-elle réussi à surpasser les concurrents qui étaient en compétition ?

B. D. : Sur le premier projet Noor1, la différence entre nous et les autres soumissionnaires était énorme, de l’ordre de 29% comparativement à la deuxième offre. Ce qui nous a différencié, c’est le travail accompli par les équipes de développement qui ont exploré tous les moyens pour réduire les coûts. Un travail qui a donné ses fruits en remportant ce premier marché. Pour les appels d’offres de Noor2 et Noor3, cet écart a été considérablement réduit au point que sur le dernier marché, les offres des 3 soumis­sionnaires étaient très proches. Cela veut dire que le prix proposé par Acwa Power était le prix réel et c’est ce qui a poussé les autres soumissionnaires à revoir leur copie et à baisser leur prix. Réussir à tirer tout le monde vers le prix le plus juste est en soi une satisfaction pour nous.

Cela dit, nous avons remporté ces marchés, tout simple­ment parce que nous avons présenté les meilleures offres. Il faut dire aussi que la réalisation de Noor1 a joué en notre faveur pour remporter l’appel d’offres de Noor2 puisqu’elle nous a permis d’avoir une appréciation et des estimations beaucoup plus précises. Quant à Noor3, nous l’avons remporté parce que nous étions très compétitifs. Je tiens également à souligner que les projets ont été évalués d’une manière rigoureuse et extrêmement transparente.

 

F.N.H. : En plus de 3 projets solaires, Acwa Power a également remporté le projet éolien Khalladi à Tanger mais pas le dernier appel d’offres de 850 MW. Comment expliquez-vous cela ?

B. D. : Je dois souligner que nous abordons chaque offre en remettant en cause les différentes hypothèses. En d’autres termes, nous ne calquons pas les offres que nous présentons, ni pour le solaire ni pour l’éolien. Mais nous travaillons séparément, sur chaque hypothèse puisque pour chaque projet, nous avons un constructeur, un fournisseur de technologie, des opérateurs et des hypothèses diffé­rents. Et cela se répercute sur le prix. Nous sommes dans une compétition où c’est la meilleure offre qui l’emporte. Il faut dire qu’Acwa Power ne gagne pas tous les appels d’offres auxquels elle participe. Néanmoins, le taux de réussite reste élevé, supérieur à la moyenne. Aujourd’hui, nous remportons en moyenne 6 à 8 sur 10 appels d’offres auxquels nous participons.

 

F.N.H. : En pourcentage, que représente le marché marocain pour le groupe Acwa Power ?

B. D. : Aujourd’hui, le groupe a un portefeuille d’environ 30 milliards de dollars au niveau mondial. Au Maroc, les 4 pro­jets représentent un investissement d’environ 3 milliards de dollars, ou en d’autres termes 10% des investissements du groupe au Maroc, ce qui est énorme. Etre présent au Maroc avec ce niveau d’investissement en très peu de temps, cela témoigne de l’importance de ce marché pour le groupe.

 

F.N.H. : Comment jugez-vous l’engagement des acteurs financiers au Maroc comparativement à d’autres pays où vous êtes implantés ? Qu’en est-il du taux de décaissement des Fonds ?

B. D. : Pour les projets Noor, le Maroc se différencie de plusieurs autres pays où nous sommes présents. Il faut dire que le travail accompli par Masen en termes de finance­ment de ces projets est titanesque et exceptionnel. Avoir cette capacité à structurer tous ces financements avec des conditions extrêmement avantageuses, a permis à tous ces projets de voir le jour à des tarifs très compétitifs. Pour le décaissement des fonds, il y a toujours des courbes d’ap­prentissage par rapport à ce type de projet. Ce que nous avons toutefois constaté, c’est qu’il y a une amélioration d’un projet à un autre. Nous avons entamé Noor1 avec une équipe jeune qui a démarré dans ce domaine. Aujourd’hui, force est de constater que cette équipe a capitalisé un certain savoir-faire, qui lui permet d’affronter les difficultés, notamment en matière de mécanismes de financement.

 

F.N.H. : Pour rebondir sur la question du savoir-faire, pensez-vous que le Maroc est aujourd’hui en mesure d’exporter l’expertise acquise dans ce domaine vers d’autres pays ?

B. D. : L’expérience du Maroc dans ce domaine est en train de grandir de jour en jour. Je pense aussi que cette expertise, en termes d’approche, de méthode, de structura­tion et financement de projet, de choix technologique…, est parfaitement exportable dans beaucoup de pays, aussi bien en Afrique qu’ailleurs. Il y a eu une capitalisation très inté­ressante qui peut parfaitement être transférée vers d’autres pays pour les aider à amorcer le développement du renouve­lable. La difficulté dans ce domaine est de lancer la machine et voir les choses se développer et s’implémenter.

Propos recueillis par L. Boumahrou

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