Le Maroc de l’après Covid 19 : Plus pauvre, plus faible économiquement mais plus solidaire et plus fort politiquement

Le Maroc de l’après Covid 19 : Plus pauvre, plus faible économiquement mais plus solidaire et plus fort politiquement

Par Lahcen Haddad 

 

Après la pandémie de la Covid 19, le monde sera très différent de ce qu’il est actuellement : hausse du chômage, dégringolade de plusieurs catégories socioprofessionnelles et faillite de milliers d’entreprises, chute de la croissance économique, déclin du PIB aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Tous ces indicateurs sont les prémices d’une crise économique et sociale sans précédent que le monde n’a vécu depuis les années 30 du siècle dernier. La situation ne devrait pas retourner à la normale dans les brefs délais du fait que la conception d’un vaccin prendra plusieurs mois. Plusieurs précautions doivent être prises en matière de déplacement, de shopping ou pour les services de loisir ce qui impactera les chaînes de production et d’approvisionnement. Un constat qui accélérera la création de nouveaux modèles économiques prenant en considération les risques sanitaires et épidémiologiques. Les activités de télétravail, les achats online, les services numériques prendront le relais à la place des modèles conventionnelles.

Le Maroc ne fait pas l’exception, la cartographie de la pauvreté devrait s’élargir pour atteindre la classe moyenne qui est le moteur de la consommation entraînant en cela une hausse du chômage et un recul des activités économiques liées au secteur du tourisme, de loisir ou de voyage d’une façon significative. Les partenaires historiques du Maroc (France, Espagne et les pays de l’UE) sont fortement impactés par la crise sanitaire devenue économique. Le Royaume ne peut compter sur eux pour assurer ses exportations, drainer des investissements ou attirer des touristes qu’après quelques années. Les effets pervers sur l’agriculture, l’industrie, le tourisme et les services au niveau national seront nettement visibles. Les effets de ces dégâts peuvent être évalués quelque temps après la fin de la pandémie.

Cela aura un impact majeur sur les indicateurs macroéconomiques. L’endettement devrait grimper avec un coût tiré vers le haut tant que les fondamentaux s’approchent des seuils critiques. Le déficit public, celui de la balance commerciale ou de paiement s’inscriront eux aussi dans des tendances haussières. On notera à cet égard une forte pression sur les réserves de devises surtout avec le ralentissement du tourisme ou des transferts des MRE. Il est difficile actuellement d’évaluer ces manques à gagner.

Sur le plan sociologique, on note le retour de la place de la famille dans la société après des années de recul au profit de l’individualisme du domaine public ou de l’espace virtuel. La réinvention du rôle de la famille devrait se faire à travers la présence de canaux numériques entre les individus. Un nouveau mode social verra le jour faisant un mixage entre les valeurs traditionnelles et les interactions  numériques où il est possible aux individus de trouver refuge en ces temps de confinement et aussi après la crise. Ce concept existait auparavant mais actuellement il a pris plus d’importance à travers l’utilisation de l’espace numérique dans un cadre familial.

La redéfinition de la place de l’État après son retrait partiel pendant des décennies au profit des individus et des groupes sociaux est l’autre effet sociologique de la pandémie. La gestion du confinement, de la crise économique et des mesures de lutte sanitaire relève exclusivement des institutions publiques avec la bénédiction de la quasi totalité de la société. La résistance face aux décisions politiques des institutions de l’Etat qui était auparavant monnaie courante, devient actuellement marginale et rejetée par la société et l’Etat. Certains redoutent le retour de l’Etat autoritaire. Mais je pense que ce scénario est à écarter. Il est pertinent de renforcer le rôle de l’Etat en matière d’encadrement des citoyens mais en même temps en redéfinissant le rôle des institutions comme les partis et le parlement qui connaissent une véritable crise avant le Covid-19 et après.

La question qui se pose actuellement pour la société marocaine : Quel modèle de développement nous voulons pour le Maroc de l’après Covid-19 ? Est-ce que nous allons toujours s‘appuyer sur nos partenaires historiques ou nous allons ériger les bases d’une économie nationale basée sur la consommation intérieure et l’industrie avec le soutien d’une classe moyenne forte. Tout cela afin d’être en mesure de faire face à la mondialisation et les aléas extérieurs y compris les pandémies comme le Covid-19 ? Tout le monde privilégiera la réponse par l’affirmatif pour la dernière question.

Mais cette option nécessitera un courage politique et une clairvoyance stratégique avec une capacité de suivi et d’observation. Il est question d’encourager la recherche scientifique, l’innovation et l’économie du savoir comme moteurs essentiels de l’économie. Il est pertinent de revoir le système fiscal national pour être plus juste permettant une répartition équitable des richesses afin de lutter contre la pauvreté et d’élargir la classe moyenne. Par ailleurs, il faut noter que le mode de gouvernance nécessite une profonde réforme pour qu’il soit plus clair afin de préciser les rôles et les responsabilités dans le cadre de l’esprit de la reddition des comptes et du contrôle. Enfin, il est primordial de mettre en place les jalons d’une économie solidaire basée sur la production collective et le produit local et du terroir, les plateformes d’échanges numériques et non numériques locales sur la base d’une utilisation durable des ressources et des énergies, le développement des compétences locales dans le cadre d’un système, culturel, intégré, solidaire et durable.

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