«Le gel définitif me parait improbable vu les relations historiques du Maroc avec l’UE»

«Le gel définitif me parait improbable vu les relations historiques du Maroc avec l’UE»

kerdoudi

Résumons tout d’abord les faits : le Maroc avait signé avec la Commission euro­péenne un accord agricole en 2012, qui avait été ratifié par le Conseil de l’Union européenne et les Parlements marocain et européen, et qui est donc entré en vigueur.

Le 10 décembre 2015, le tribunal de l’Union européenne a invalidé cet accord suite à une plainte du mou­vement séparatiste polisario sous prétexte qu’il n’a pas été tenu compte de l’impact de cet accord sur la population du Sahara. Suite aux protestations du Maroc, le 19 février 2016 la Commission euro­péenne, à la demande du Conseil de l’Union euro­péenne, a interjeté appel du jugement du tribunal de l’Union européenne. Le 25 février 2016, le gouvernement marocain a suspendu tout contact avec les institutions de l’Union européenne, hor­mis la question de l’appel. La position ferme du Maroc s’explique par le fait que si l’annulation de l’accord agricole est confirmée, cela fera jurispru­dence pour les futurs accords entre le Maroc et l’UE quant à leur application dans les provinces sahariennes. Le 26 février 2016, la vice-prési­dente de la Commission de l’Union européenne a prôné le dialogue avec le Maroc pour résoudre ce problème. La décision du gouvernement marocain du 25 février 2016 constitue donc un gel de tout contact du Maroc avec les institutions de l’Union européenne jusqu’à nouvel ordre.

En termes d’impact, il est à rappeler tout d’abord que les échanges commerciaux entre le Maroc et l’UE ont été de 29 milliards d’euros en 2014, avec un déficit du Maroc de 7,2 milliards d’euros. Cependant, pour les services, le Maroc bénéficie d’un excédent de 1,5 milliard d’euros pour la même année. Les exportations agricoles et de pêche du Maroc vers l’Union européenne représentent 22% des exportations totales du Maroc. C’est donc un volume d’affaires important qui est réalisé entre le Maroc et l’Union européenne. La décision du gouvernement marocain du 25 février 2016 n’a aucune retombée économique pour le moment, car l’accord agricole est toujours en vigueur. C'est-à-dire que les exportations marocaines de produits agricoles et de pêche continuent à bénéficier du régime préférentiel prévu par l’accord. Une toute autre situation prévaudra si le jugement du tribunal de l’Union européenne est confirmé par la Cour européenne de justice. Ce dernier cas me parait improbable vu les relations historiques du Maroc avec l’UE, qui datent de 1969, et qui ont abouti en 2008 au Statut avancé. D’autre part, le Maroc joue un rôle incontournable vis-à-vis de l’UE quant aux problèmes sécuritaires et de migration. Si c’est le cas, il y a risque de détérioration durable des relations entre le Maroc et l’UE

Jawad Kerdoudi, président de l’IMRI

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