«La RSE 2.0 est encore rare au Maroc»

«La RSE 2.0 est encore rare au Maroc»

Sofia Harouchi, Regional manager de Utopies


 

Les questions sociales et environnementales créent des opportunités  d’affaires et d’innovation pour les entreprises.

Le point sur la réalité de la RSE au Maroc avec Sofia Harouchi, Regional manager de Utopies, cabinet spécialisé dans le conseil en stratégie de  développement durable et RSE.

 

Propos recueillis par Momar Diao

 

Finances News Hebdo : Dans quelle mesure la RSE peut-elle avoir un impact positif sur les performances de l’entreprise ?

Sofia Harouchi : Une démarche RSE permet tout d’abord une utilisation plus efficace des ressources, ce qui impacte directement la marge opérationnelle de l’entreprise.

D’un point de vue cœur de métier, la résolution des problèmes écologiques et sociétaux constitue une réelle opportunité d’innovation et de business pour les entreprises, via de nouveaux axes de différentiation et de nouvelles parts de marché.

Par ailleurs, l’impact positif sur la marque employeur, et donc sur l’attraction et la fidélisation des talents, est palpable lorsqu’on connait la part qu’occupent les sujets sociaux au sein de la RSE. Ainsi, d’après the Harvard Business Review, plus de 80% des cadres dirigeants pensent qu’une raison d’être puissante, améliore la satisfaction des salariés, la résilience de l’entreprise et la fidélité de ses clients. 

L’image de marque et la réputation s’en trouvent également fortement impactées. L’étude Meaningfull Brands menée dans 33 pays  a ainsi démontré que les marques engagées et porteuses de sens surperforment le marché financier de 206% sur dix ans ! Cette même étude a prouvé que 74% des marques dans le monde pourraient disparaître sans que les consommateurs n’en soient affectés.

C’est dans ce contexte que le cabinet Utopies a développé un référentiel sur la marque positive, visant à définir ce qu’est une vraie marque engagée portée par une entreprise qui fait progresser en permanence ses pratiques, précise ses engagements et l’expérience qu’elle propose à ses clients.

L’Observatoire des marques positives porté par Utopies démontre chaque année une forte corrélation entre positivité perçue et intention d’achats. Un consommateur percevant l’engagement sociétal d’une marque a une intention d’achat 2,4 fois supérieure à celui qui ne le perçoit pas  ! D’où le sens de l’assertion de Richard Branson : «Chaque entreprise a le potentiel de changer le monde et ne survivra pas si elle ne le fait pas».

 

F.N.H. : Quel regard portez-vous sur le degré de maturité des entreprises marocaines en termes de RSE et de développement durable ?

S. H. : Chez Utopies, nous avons une vision claire de l’évolution de la RSE, allant de la philanthropie à l’intégration dans la stratégie puis à la définition de la mission d’entreprise. En effet, à la naissance du concept, la RSE était assimilée au mécénat et c’est toujours le cas pour beaucoup d’entreprises marocaines.

Elle a par la suite évolué vers l’éco-efficacité pour économiser les ressources, la conformité réglementaire, la certification et le reporting. C’est une approche de prévention des risques, réputationnels notamment, et de limitation des impacts négatifs. C’est la RSE 1.0 et au Maroc, certaines grandes et moyennes entreprises se sont structurées et déploient des pratiques internes dans ce sens.

Mais ces pratiques et stratégies RSE sont gérées en marge du business et ne permettent pas aux entreprises de saisir les opportunités externes qui s’offrent à elles.

Le passage à la RSE 2.0, ambitieuse et intégrée aux activités de l’entreprise est encore rare au Maroc. Il s’agit d’une RSE qui irrigue l’ensemble de l’offre dans une démarche d’innovation durable, une RSE affichée fièrement par l’entreprise dans sa raison d’être et qui se retranscrit dans un marketing proactif faisant valoir son utilité sociale et environnementale.

Cela passe nécessairement par une RSE co-construite avec les parties prenantes, source d’innovation en interne et externe.

A l’échelle mondiale, nous vivons une véritable révolution de l’impact positif et du sens. Définir sa mission d’entreprise et s’inscrire dans le cadre de ce mouvement mondial s’imposera sans nul doute aux entreprises marocaines.

 

F.N.H. : La circulaire sur le reporting ESG des entreprises cotées, sortie en juin 2019, sera obligatoire dès fin avril 2020. Quelle est la pertinence d’une telle mesure et selon vous les entreprises en question seront-elles prêtes pour se livrer à l’exercice ?

S. H. : C’est une excellente mesure qui a le mérite d’avoir porté le sujet auprès des Directions générales, quand la RSE est encore trop souvent cantonnée à un seul département de l’entreprise.

Il s’agit d’une circulaire ambitieuse pour trois raisons : elle requiert des entreprises de se baser sur un référentiel de reporting international reconnu, d’insérer une analyse de matérialité et de communiquer de nombreux indicateurs dont certains ont jusqu’ici été considérés confidentiels par les entreprises.

Beaucoup d’entreprises concernées n’ont pas anticipé toutes ces exigences, qui demandent de s’organiser et de réaliser un travail de fond, notamment concernant l’étude de matérialité.

Cette dernière nécessite, en effet, de consulter ses parties prenantes, internes et externes, afin de confronter l’importance business des enjeux RSE potentiellement pertinents aux attentes des parties prenantes avec l’ultime objectif de définir ses priorités.

 

F.N.H. : Comment se comporte l’activité de votre cabinet de conseil en stratégie de développement durable au Maroc ?

S. H. : Notre positionnement est celui d’un cabinet de conseil en RSE multispécialiste, dans le sens où nous accompagnons les entreprises de la stratégie au reporting en passant par le plan d’actions. Nous proposons aussi des offres pointues d’innovation durable, de marque positive, d’empreinte carbone et socio-économique, et d’économie circulaire.

Au Maroc, nous avons commencé par accompagner de grands comptes sur des définitions de stratégie et de plans d’actions, ainsi que sur du reporting. Nous ambitionnons de déployer toute la chaîne de valeur de l’offre Utopies et d’accompagner également des comptes de taille intermédiaire. ◆

 

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