La professionnalisation des agents immobiliers au point mort

La professionnalisation des agents immobiliers au point mort

Entretien // Mohamed Lahlou, président fondateur de l’Association marocaine des agents immobiliers 


 

A cause du cumul de plusieurs irrégularités, l’Association marocaine des agents immobiliers a été dissoute. 

Le projet de loi concernant le statut d’agent immobilier est encore au SGG. 

Le marché immobilier est toujours en berne. Mohamed Lahlou livre ses recommandations pour le relancer. 

 

Par : Charaf Jaidani

 

Finances News Hebdo: Suite à une assemblée générale extraordinaire de l’AMAI tenue récemment, une commission provisoire a été chargée de préparer la dissolution de l’AMAI. Que s’est-il passé exactement pour en arriver à cette situation ? 

Mohamed Lahlou : Cette situation est due au cumul de plusieurs faits. Tout a commencé quand le ministre de tutelle a demandé que les professionnels soient regroupés autour d’une fédération qui a des antennes régionales. Un projet a été préparé pour l’AGE du 31 mars 2019 afin de réviser les statuts, qui a été rejeté. Une commission a été créée pour proposer une nouvelle mouture, puisqu’une fédération ne peut être créée que si elle regroupe des associations régionales.

J’ai travaillé durement pour réussir ce projet. Malheureusement, j’ai eu des complications de santé. Entre-temps, l’ Association marocaine des agents immobiliers (AMAI) a organisé des réunions régionales dans plusieurs villes (Rabat, Casablanca et Tanger). J’ai demandé une AGE pour approuver les nouveaux statuts, mais les membres de Rabat ont créé toute une spirale négative pour saboter le projet. Au départ, ils étaient tous unanimes pour que je reste à la tête de l’AMAI une fois transformée en fédération, pour poursuivre les différents chantiers lancés. Mais par la suite, ils ont proposé Hicham Bensaid, qui est membre de l’association pendant une année seulement pour briguer le mandat de président. 

Le cumul des irrégularités devait se poursuivre par la suite lors de l’AGE, puisque nous avons recensé des votants munis de procurations dont il fallait vérifier la conformité. Outre l’approbation des rapports moral et financier, l’AGE était l’occasion pour présenter les programmes des deux candidats en lice. Elle a vite dégénéré et devenue houleuse. Au final, Bensaid a été choisi in extremis. 

La passation de pouvoirs nécessite une approbation des autorités qui ont estimé que l’élection n’est pas conforme, à cause de la non désignation du bureau, une clause prévue dans les statuts. Face à ces conflits et une forte dissension entre les membres, nous avons décidé de dissoudre l’AMAI. 

 

F.N.H. : Allez-vous créer une nouvelle entité ? 

M. L. : Je vais créer une nouvelle association regroupant plusieurs membres de la région Casablanca-Settat et qui sont le noyau dur de la profession. 

Je ne vais pas me présenter pour la présidence mais nous allons travailler pour poursuivre le projet que nous avons commencé, puisque nous avons le soutien des autorités, des partenaires et des sponsors. 

Nous voulons tabler sur la nouvelle dynamique du secteur avec les compétences de la profession pour continuer le programme que nous avons entamé au départ. 

 

F.N.H. : Où en est le projet de loi concernant le statut d’agent immobilier ? 

M. L. : Ce projet de loi concernant le statut d’agent immobilier que j’ai beaucoup défendu est mon souci majeur. Il a été déposé le 12 février 2014 et a été étudié par le service juridique du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat. Maintenant, il est entre les mains du Secrétariat général du gouvernement. Nous voulons que l’agent immobilier soit indépendant, localisé et parfaitement identifié. 

Il a un rôle majeur à jouer pour organiser le secteur de l’immobilier, à l’image de ce que font les autres professions notamment les notaires, adouls, avocats etc. 

Avec la hausse des opérations de spoliation foncière et d’arnaque, il est temps d’organiser l’activité pour bien encadrer le marché. C’est un secteur vital pour l’économie du pays qui assure des recettes fiscales importantes pour l’Etat. 

 

F.N.H. : Pensez-vous à une relance du secteur immobilier en 2020 ? 

M. L. : Le secteur vit une conjoncture défavorable. Il est temps d’organiser une conférence, qui peut être l’oeuvre de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), pour discuter des moyens pouvant relancer l’activité qui a été impactée pendant des années durant. 

L’essentiel est de redonner confiance aux acquéreurs et de revoir certaines réglementations et dispositions qui ont des effets défavorables, notamment au niveau de la Conservation foncière et la Direction générale des impôts (DGI). 

Il faut aussi améliorer le référentiel des prix, qui a apporté, certes, de nombreuses solutions en matière de régularisation du marché, mais il présente toutefois quelques lacunes. En France, le référentiel n’est pas fixé par l’administration fiscale, mais il est le recueil mixte des notaires, des promoteurs et des agents immobiliers. Ces derniers constituent une véritable force de proposition.

 

F.N.H. : La baisse les taux d’intérêt n’a-t-elle pas eu d’effets positifs sur le marché ?

M. L. : L’impact de la baisse des taux d’intérêt sera limité. L’expérience l’a montré. Les différentes révisions à la baisse des taux n’ont pas eu un effet immédiat sur le marché. Il faut noter que les banques sont impactées par le manque de liquidité, même si Bank Al-Maghrib fait de son mieux pour les approvisionner.

Le problème réside surtout dans le pouvoir d’achat, les ménages sont de plus en plus endettés. Les autres charges courantes sont devenues, elles aussi, très pénalisantes comme les frais de scolarité. 

Il faut actuellement une phase pour écouler l’important stock existant. Les promoteurs ont fait un effort pour baisser les prix avec des régressions allant de 10 à 15%, mais le marasme continue de frapper l’activité. 

Il est temps aussi de revoir le modèle habitat au Maroc, basé essentiellement sur les acquisitions. Il faut intéresser davantage le locatif qui a un rôle à jouer pour absorber le déficit en logements. C’est aussi un créneau très important pour les investisseurs. Le système des HLM continue de fonctionner en France. Pourquoi ne pas créer un modèle similaire ici au Maroc mais avec des conditions adaptées à l’environnement local ?

Il y a des personnes qui ont une forte mobilité professionnelle et ont besoin de changer souvent de logement. Pour les jeunes couples, le créneau leur permet de démarrer leur vie conjugale et de constituer, avec le temps, un apport et acquérir un logement futur. C’est une solution préconisée également pour les familles recomposées.

Actuellement, le marché a besoin d’une nouvelle impulsion pour sa relance. Comme je l’ai dit auparavant, le logement social a fait ses preuves, avec ses qualités et ses défauts. Il a montré plusieurs signes d’essoufflement mais il a permis à des milliers de citoyens d’accéder au logement. C’est plutôt l’offre pour la classe moyenne qu’il faut travailler. Le produit lancé n’arrive pas à s’imposer, car il est en décalage avec les besoins de la cible, d’autant que celle-ci a du mal à épargner.

Au niveau fiscal, il est opportun d’exonérer l’acquisition d’un deuxième logement, comme en France. Cela permettra de donner une nouvelle dynamique au secteur. 

 

F.N.H. : N’y a-t-il pas aussi un équilibre à faire entre l’offre de logements en centre-ville et celle en périphérie urbaine ? 

M. L. : A l’intérieur de Casablanca, toutes les offres de type appartement dans des immeubles R+5 ne trouvent pas de difficultés pour être écoulées. 

Mais le problème réside surtout dans les nouvelles zones urbanistiques, comme Dar Bouazza, Nouaceur, Bouskoura, où on recense un stock important. 

Les ventes se font lentement et la période d’écoulement des produits prend de plus en plus de temps. 

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