La politique de l'Union européenne concernant les pays de l'Afrique du Nord, et plus particulièrement le Maroc, est axée sur 2 principes : la libéralisation des échanges et la diminution de la migration (régulière et irrégulière).
Jugées intrinsèquement incohérentes et aux effets extrêmement négatifs, ces 2 paradigmes articulant les politiques européennes vis-à-vis de l’Afrique du Nord doivent changer, selon Oxfam. Dans un rapport d’une trentaine de pages, “Le mouvement qui refuse la pauvreté", détaille l’effet inverse produit par les priorités politiques et économiques européennes “imposées” aux pays d'Afrique du Nord, qui accentuent les inégalités au Maghreb et alimentent les principales causes de la migration.
L’UE et les pays du Maghreb devront réévaluer leurs relations politiques et économiques élargies, selon la même source. Et ce, en profitant de l’ajournement des négociations concernant les ALECA (Accords de libre-échange complet et approfondi) à cause de la pandémie pour repartir sur de nouvelles bases.
Les pays du Maghreb sont mis sous pression par leurs voisins européens au travers de pressions politiques, monétaires et autres incitations complexes.
La politique européenne de voisinage en question
La PEV (politique européenne de voisinage) est la stratégie politique globale régissant les relations institutionnalisées entre l’UE et ses voisins du Sud, fixant «les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux ».
La problématique migratoire n’occupe pas une place importante dans ces accords, mais fait bien partie des principaux objectifs cités dans l’instrument financier s’y référant.
Grâce à la PEV et aux ALECA, l’Europe profite d’une asymétrie et d’une dépendance au niveau des échanges commerciaux des pays du Maghreb. Et ce, d’autant que les échanges commerciaux avec l’UE représentaient en 2018 plus de 50% du total des échanges des pays du Maghreb, alors que ces pays ne représentent que 1% ou moins du total des échanges de l’UE.
“La mise en œuvre de ces accords s’est accompagnée d’indicateurs socio-économiques qui restent faibles aujourd’hui : PIB/habitant relativement bas, un taux de chômage important, des emplois précaires et des inégalités croissantes. Même la balance commerciale ne présente aucune amélioration structurelle. Outre un environnement volatile, on constate ces dernières décennies une aggravation du déficit commercial entre ces pays et l’UE qui nourrit les critiques selon lesquelles la libéralisation des échanges est unilatérale”, relève Oxfam.
Les incohérences économiques incitent à la migration, se traduisent par des pertes d’emploi (particulièrement auprès de mains d'œuvres peu qualifiées), et ne changent structurellement pas les économies pour leur permettre de compenser ces pertes par de nouvelles créations d’emploi.
Les politiques migratoires, quant à elles, font barrière à la libéralisation du commerce de services à travers le mouvement temporaire de personnes physiques, ce qui ralentit le développement économique des pays du Sud.
Ces tendances sont susceptibles de se poursuivre si les ALECA sont signés, car ils ne prévoient aucune augmentation de la libéralisation dans ce domaine, mais anticipent un mouvement accru des marchandises et des capitaux.
Cela restreint structurellement les avantages de la libéralisation économique pour les pays de la région.
Ainsi, il est suggéré aux pays du Maghreb de réaliser des études d’impact sur les ALECA, formuler des propositions concrète visant à modifier les accords pour endiguer la perte d’emploi dans les secteurs les plus affectés, demander un soutien structurel pour garantir des programmes de reconversion, améliorer les services publics en matière de santé et d’éducation, et enfin assurer que les politiques économiques permettent la bonne application des ALECA.
Il est aussi suggéré aux pays de l’UE d’analyser les incohérences et d’ajuster au cas par cas les politiques migratoires et économiques, évaluer et proposer des solutions visant à réduire l’impact des ALECA sur les groupes vulnérables, et s’assurer que les priorités de gestion des migrations ne nuisent pas à l’efficacité des mécanismes économiques inscrits dans ces accords.