Le rendement de l’investissement dans des secteurs budgétivores demeure inférieur à d’autres qui le sont moins.
Le ratio FBCF/PIB au Maroc est passé de 21% entre 1970 et 1979 à 28% entre 1980 et 1989, puis 23% entre 1990 et 1999. Il s’est stabilisé à 31% entre 2010 et 2014.
A quoi est due cette hausse ? Une question à laquelle les économistes essaient d’apporter des éléments de réponse. L'objectif est de savoir si cette structure est due à la composition de l’investissement et à sa qualité ou à la méthode de calcul. Assurément, depuis le début des années 2000, avec l’aisance financière induite par les privatisations et l’importance des revenus en provenance du reste du monde, une phase d’intensification capitalistique a été mise en œuvre, en liaison avec le lancement de grands chantiers structurants. Mais quid de la qualité de l’investissement ? L’inverse du précédent ratio, soit PIB/FBCF nous renseigne sur l’effet multiplicateur de l’investissement en termes de valeur ajoutée produite. Il peut même fournir des explications sur la qualité de l’investissement. D’après les conjoncturistes, sur les quinze dernières années, l’effet multiplicateur de l’investissement a été de 3,5. Comparé à d’autres pays tels que la Turquie, dont le taux est de 5,1, ou la Corée du Sud, dont le taux est de 3,3, la rentabilité de l’investissement au Maroc est inférieure à celle de la Turquie et supérieure à celle de la Corée. Mais tout cela suppose, bien entendu, que l’estimation de ces agrégats se fasse de la même manière dans les quatre pays.
Investissements vs valeur ajoutée
Autre fait important, l’analyse sur le long terme (2000-2015) au Maroc fait montre que l’investissement se concentre dans des secteurs à faible valeur ajoutée et qui créent moins d’emplois. «C’est un constat presque évident qui va à l’encontre des choix stratégiques du pays», constatent les conjoncturistes. En effet, le secteur du BTP absorbe le plus d’investissement (52%). Ce même secteur n’est concerné que par 9% du stock d’emploi et 7% de la valeur ajoutée créée annuellement. Le secteur de l’industrie (y compris l’artisanat) est concerné par 40% des investissements, mais il ne représente que 11% du stock d’emploi et 23% de la valeur ajoutée moyenne annuelle.
Par contre, l’agriculture, qui n’est concernée que par 2,1% des investissements, représente le plus grand employeur (39%) et génère près de 16% de la valeur ajoutée. Idem, le secteur des services n’est concerné que par 6,2% des investissements, mais génère le plus d’emplois (40%) et de valeur ajoutée (55%). Les chiffres disponibles couvrent jusqu’à l’exercice 2015. Mais les stratégies sectorielles suivies au cours de 2016 augurent que la même tendance se poursuivra. A la lumière de ces chiffres, faut-il investir davantage dans les services et l’agriculture ou continuer à investir dans le BTP et l’industrie ? Le choix s’avère délicat, d’autant plus que la croissance du PIB reste étroitement liée à celle de l’agriculture. En revanche, l’industrie ne produit les effets escomptés que dans le long terme.
Pour ce qui est du paradoxe, une partie de la réponse se trouve dans la nature des secteurs. Par essence, certains exigent des fonds importants pour l’achat de machines et d'équipements lourds. D’autres, par contre sont très consommateurs de main-d’œuvre, voire de ressources humaines. C’est ce qui fait toute la différence. Si l’on prend l’exemple du BTP, ce dernier est connu par son impact limité et non durable sur la création de la richesse et de l’emploi. Le deuxième secteur en termes d’absorption des investissements est l’industrie et les mines, soit 39%. Ce secteur est surtout connu par ses effets sur la croissance à long terme. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi le Plan d’accélération industrielle n’arrive pas jusqu’à présent à impacter positivement la croissance économique.
Autre constat important à signaler : la formation brute du capital fixe au Maroc est restée marquée par la prépondérance de l’investissement public au Maroc : près de 52% contre 34% pour l’investissement des ménages et 15% pour l’investissement des entreprises privées. L’investissement des ménages et des entreprises privées représente donc près de 48%, moins que l’investissement public. Des mesures fiscales incitatives sont à prévoir pour au moins assurer un équilibre entre les différentes catégories d’investissements. C’est de cette manière que l’Etat régulateur pourrait se consacrer, comme il se doit, aux projets sociaux, qui restent le parent pauvre de la politique économique.
Par S. E.