Les chiffres confortent amplement la profondeur du partenariat entre la Banque mondiale et le Maroc, qui représente, à lui seul, 75% des engagements de l’institution financière internationale au Maghreb, soit plus de 2 Mds de dollars. L’institution de Bretton Woods s’emploie par le truchement de multiples instruments à soutenir la compétitivité, la croissance verte et l’amélioration de la gouvernance économique et politique au Maroc.
En poste au Maroc depuis seulement trois mois, Marie Françoise Marie-Nelly, Directrice Maghreb et Malte auprès de la Banque mondiale, s’est employée à mettre en lumière la teneur de la coopération entre l’institution de Bretton Woods et le Royaume lors de sa première rencontre avec la presse nationale. «Notre institution noue un partenariat fécond avec le Maroc», précise-t-elle d’emblée. D’ailleurs, les chiffres donnent amplement raison à la Directrice Maghreb et Malte auprès de la Banque mondiale. En effet, au niveau de la région du Maghreb, le Maroc concentre près de 75% des engagements de l’institution financière, ce qui représente plus de 2 Mds de dollars sur un total de 3,5 Mds de dollars pour l’ensemble de la zone. Faudrait-il aussi rappeler que l’entité bancaire à travers son bureau implanté au Maroc depuis 1998, épaule le Royaume dans son processus de développement par le biais des prêts, des dons et de l’assistance technique (partage d’expertise). Par ailleurs, au registre du degré d’implication des pouvoirs publics dans les projets financés par la banque, Marie Françoise Marie-Nelly a martelé que son institution soutient financièrement les programmes et les projets inscrits dans le Budget de l’Etat. Ce qui prouve, quelque part, que l’institution de Bretton Woods apporte son concours financier aux projets jugés prioritaires par l’Etat marocain.
Cette rencontre a, par ailleurs, permis au top management de la banque d’annoncer que le concours financier de certains projets se feront avec des objectifs de résultat et de performance clairement définis. «Le financement basé uniquement sur des critères d’intrants (construction de routes, d’hôpitaux, etc.), a montré ses limites. D’où la nécessité de s’orienter vers des projets et des programmes ayant des objectifs de performance mesurables et chiffrables à l’instar de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH)», assure la patronne de la Banque mondiale au Maghreb et à Malte. A noter que la collaboration entre l’institution financière basée à Washington avec le Maroc s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique (CDS), qui s’étale sur la période 2014-2017.
Principaux axes du partenariat
A en croire Marie Françoise Marie-Nelly, en vertu du CDS, l’intervention de la Banque mondiale au Maroc s’appuie sur trois piliers que sont l’amélioration de la compétitivité, la promotion de la croissance verte et l’amélioration de la gouvernance économique et politique, avec des thématiques majeures pour ne citer que la jeunesse et la question du genre. Ces piliers et thématiques sont d’autant plus cruciaux que le Maroc doit relever le défi de baisser le coût du travail unitaire, tout en augmentant la productivité. Le challenge d’une croissance durable et inclusive se pose avec acuité dans le pays. Il en est de même pour ce qui est de la modernisation de la gestion publique et du renforcement du contrat social entre les citoyens et les politiques. Dans le même ordre d’idées, la question du genre n’est pas moins importante au regard des inégalités sociale, économique et politique entre hommes et femmes. A ce titre, il est utile de rappeler que les dernières statistiques montrent que le taux d’activité est trois fois moins important chez la gente féminine que chez les hommes. «Avec l’exclusion économique des femmes, le Maroc n’exploite pas tout le potentiel de son capital humain», assure Jean-Pierre Chauffour, économiste principal pour le Maroc et coordonnateur des échanges régionaux pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) auprès de la Banque mondiale. Même
constat alarmant au niveau du taux de chômage des jeunes, notamment diplômés. «Une personne sur deux en âge de travailler ne trouve pas d’emploi au Maroc, et si elle travaille, sa productivité n’est guère optimale», poursuit l’économiste principal pour le Maroc.
Au regard de ce qui précède, force est de constater que du chemin reste à faire pour mettre le Maroc sur le même pied d’égalité que les pays développés.
Toutefois, la Banque mondiale compte accompagner le Royaume dans ce long processus. Pour ce faire, elle s’attèle à renforcer la faible intégration régionale au niveau du Maghreb. Selon la Directrice Maghreb et Malte auprès de la Banque mondiale, les domaines de l’eau, de l’énergie et de l’éducation constituent, dans un premier temps, des domaines de coopération pertinents pour les pays du Maghreb. Par ailleurs, au cours de la rencontre, le dynamisme du secteur privé national a été salué.
Mise en oeuvre concrète
Si la Banque mondiale est impliquée dans la réalisation de projets d’infrastructures structurants du pays grâce à son instrument de politique d’investissement (PI), l’institution financière accorde aussi une importance particulière à l’amélioration de l’éducation au Maroc. En effet, celle-ci devrait débloquer 200 millions de dollars pour ce secteur hautement important pour l’émergence du Royaume. «Dans le domaine de l’éducation avec l’implication de l’Agence française de développement, la banque compte adopter une approche régionale. C’est-à-dire se concentrer dans un premier temps sur une région, ce qui limite la déperdition des forces», assure Marie Françoise Marie-Nelly. Au volet économique, en procédant par une approche sectorielle, l’institution de Bretton Woods devrait, dans une première phase apporter son concours financier aux branches de l’agro-industrie et du tourisme, de nature à générer davantage d’emplois pour les femmes. Cela dit, les efforts déployés par le Maroc pour l’amélioration du climat des affaires et de la compétitivité (loi sur la concurrence, mise en place des Centres régionaux d’investissement, réforme de la charte de l’investissement en cours, etc.) ont été salués par les responsables de la Banque mondiale, qui exhortent tout de même les autorités publiques à accélérer les processus de mise en oeuvre. D’ailleurs, selon la Directrice Maghreb et Malte auprès de la Banque mondiale, le portefeuille de la Banque au Maroc accompagne le pays dans le processus de mise en oeuvre, capital à ses yeux. Le soutien de l’agriculture en améliorant les conditions d’irrigation des agriculteurs, la promotion des énergies propres, comme en témoigne l’appui financier apporté à Masen, sont autant d’axes d’intervention prioritaires de l’institution financière internationale au Maroc. Cela dit l’implémentation de la Loi organique des Finances dans la Loi de Finances 2016 place la Banque mondiale au coeur de l’actualité budgétaire.
En effet, l’institution financière à travers le programme Hakama, qui n’est autre qu’un appui budgétaire de 400 millions de dollars sur la période 2013-2016, a soutenu la réforme de la Loi organique des Finances au Maroc. Sachant que celle-ci devrait substantiellement moderniser la gestion publique. Consciente de la place prépondérante des PME dans le tissu économique du pays, Marie Françoise Marie-Nelly a annoncé, lors de la rencontre, qu’un fonds de garantie des prêts des PME était en cours de préparation. Celle-ci a, par ailleurs, mis en évidence la pertinence de mettre en place avec les autorités marocaines un fonds d’amorçage afin de faire émerger de nouvelles entreprises.
Faiblesse du taux de décaissement
Si les engagements de la Banque mondiale au Maroc brillent par leur consistance comme cela a déjà été mentionné, en revanche, le niveau des décaissements des prêts est loin d’être du même acabit. D’ailleurs, Marie Françoise Marie-Nelly s’est personnellement engagée à porter le taux de décaissement, de 13% actuellement, à 18% à terme. Parmi les raisons de cette contre-performance, il y a lieu de citer la question du foncier. En effet, certains projets rencontrent des difficultés à cause de l’occupation d’espaces donnant droit aux indemnisations. L’autre information de taille révélée lors de la rencontre, est qu’un mémorandum sur le Maroc est en phase de préparation. Il s’agira pour la banque de mettre en lumière les principaux leviers de réforme à activer pour insérer le pays dans le peloton des puissances émergentes.
Trois instruments d’appui au Maroc
La Banque mondiale utilise trois instruments pour intervenir au Maroc. Le premier concerne le Prêt de politique de développement (PPD), qui donne lieu à une injection budgétaire afin de soutenir des réformes. Son portefeuille actif (secteurs de l’emploi, des déchets solides, de la compétitivité, et des changements climatiques) totalise 430 millions de dollars. Le deuxième instrument concerne le Projet d’investissement (PI) portant sur l’exécution et la réalisation de projets d’infrastructures (routes, ponts, etc.). Son portefeuille englobe 11 projets d’investissement chiffrés à 1,6 Md de dollars. Enfin, le troisième instrument est le Programme pour résultats (P4R), qui compte deux projets dont l’INDH totalisant 400 millions de dollars.
Région MENA: changement de paradigme
Jusqu’en 2011, la stratégie de la Banque mondiale était davantage axée sur des projets de développement dans la région MENA. Cette approche s’est fondamentalement transformée avec l’avènement du Printemps arabe, qui a symbolisé la rupture du contrat social entre les gouvernants et les gouvernés des principaux pays concernés. Cette nouvelle donne a induit l’institution financière à soutenir la paix et la stabilité dans cette région actuellement en proie à une déstabilisation, en raison des multiples conflits (Irak, Syrie,) qui s’y déroulent, avec en prime l’épineuse question des réfugiés syriens. «La nouvelle stratégie de la Banque est de soutenir une croissance plus inclusive dans cette partie du monde, tout en aidant au rétablissement du contrat social. Ce qui passe par le soutien de l’éducation, la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes, l’amélioration de l’accès aux soins, etc.», assure la patronne de la Banque mondiale au Maghreb et à Malte. Faudrait-il aussi rappeler que les pays de la région, instables du fait des conflits, rencontrent des difficultés pour obtenir des prêts concessionnels. A ce titre, l’institution financière internationale s’emploie à mobiliser des fonds auprès des donateurs internationaux afin de les épauler financièrement.
Momar Diao