Le commerce intra-régional à l’échelle africaine affiche un taux de 17% contre plus de 68% pour le continent européen.
Les barrières linguistiques, culturelles, tarifaires et non tarifaires ainsi que le manque d’infrastructures de connectivité sont autant de freins à la fluidification des échanges.
La sixième édition du Forum Afrique développement constitue un creuset d’idées et de solutions afin de faire sauter les multiples barrières à l’intégration.
Par M. Diao
Les raisons d’accroître le rythme de développement inclusif du continent africain sont multiples. L’Afrique qui concentre plus de la moitié des terres arables, fait partie des bastions qui souffrent le plus de l’insécurité alimentaire.
Le PIB global du continent, de l’ordre de 2.400 milliards de dollars, équivaut à peu près à celui d’un pays développé comme la France. «Afin d’atteindre le PIB de 9.000 dollars/habitant correspondant à celui des pays émergents (contre 1.800 dollars/habitant actuellement), l’Afrique qui verra sa population doubler d’ici 2050, devra enregistrer un taux de croissance annuel moyen supérieur à 7%», confie Mohcine Jazouli, ministre délégué chargé de la Coopération africaine. Ce dernier insiste également sur la nécessité de mettre en place une approche disruptive du modèle de développement africain.
Des incongruités
A cette situation qui impose aux gouvernants de revoir les stratégies de développement de leur pays, s’ajoutent plusieurs incongruités. Pour bon nombre d’Etats du continent, le coût d’importation d’un bien provenant de l’Asie équivaut à celui qui vient d’un pays voisin. C’est dire le long chemin à parcourir avant d’arriver à l’intégration économique, pourtant indispensable pour l’émergence.
Le commerce intra-régional affiche un taux de 17% contre plus de 68% pour le continent européen. La faible capacité à transformer les multiples ressources naturelles constitue un frein puissant à l’essor du commerce intra-régional et l’intégration aux principales chaînes de valeur mondiale. Aujourd’hui, l’Afrique ne pèse qu’un petit 3% du commerce international.
Tout ce qui précède confère un intérêt autrement plus important à la sixième édition du Forum Afrique développement (FIAD 2019), organisé par Attijariwafa bank et soutenu par son actionnaire de référence le Fonds privé panafricain Al Mada.
Ce rendez-vous qui fédère «les Afriques» et croisent les multiples identités du continent, a été rehaussé par la présence du président sierra léonais, Julius Maada Bio. Ce dernier a été dithyrambique à l’égard du modèle de développement du Royaume. «Le Maroc est une success-story qui œuvre pour la coopération avec les pays africains», dixit le jeune président, guest star du FIAD 2019.
Faire sauter les barrières
Placée sous le thème : «Quand l’Est rencontre l’Ouest», la manifestation a suscité cette année l’intérêt de plus de 2.000 participants venus de 34 pays. Le travaux ont mis l’accent sur l’intégration économique sans laquelle le continent sera dans l’incapacité de relever les multiples défis ayant trait à la création de valeur, le foisonnement d’entreprises prospères et la réduction du taux de chômage des jeunes et des femmes.
«La combinaison des multiples opportunités et défis appelle à une meilleure intégration de l’Afrique», rappelle Mohamed El Kettani, PDG du groupe Attijariwafa bank, qui emploie plus de 20.000 personnes dans 16 pays.
L’intégration économique africaine souffre de plusieurs maux. Les barrières linguistiques, culturelles, tarifaires et non tarifaires, ainsi que le manque d’infrastructures de connectivité (ports, routes transnationales, etc.) sont autant de freins à la fluidification des échanges multiformes.
«Le manque de complémentarité à l’échelle africaine est une contrainte majeure», constate Moulay Hafid Elalamy (MHE), ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Économie numérique. Ce dernier a attiré l’attention sur l’urgence de développer le tissu industriel africain, vecteur d’intégration et pourvoyeur de richesse et d’emplois.
C’est possible, le Maroc en est l’exemple
«Nous, Africains, avons pensé, à tort, pendant longtemps que l’industrie est faite et réservée aux Etats développés», déplore MHE, qui a cité le Royaume en exemple de réussite, précisant que tout est possible, mais à condition de se doter des moyens nécessaires.
«Il a fallu au Maroc cinquante ans pour mettre en place une véritable industrie automobile. Le pays joue également sa partition dans le domaine de l’aéronautique comme en témoigne la présence des ténors mondiaux (Safran, Boeing, etc.)», assure-t-il.
Ceci dit, le ministre et homme d’affaires chevronné, qui a fait le pari d’investir sur le continent il y a quelques années, a révélé qu’il est en train de travailler avec certains homologues africains afin de développer des complémentarités, notamment dans le domaine de l’industrie automobile.
Cette démarche est d’autant plus louable que les pays du continent ont intérêt à redresser leur industrie respective afin de tirer profit de la délocalisation des industriels chinois, qui cherchent de nouveaux débouchés afin d’accroître leur compétitivité.
UEMOA et CEDEAO, deux modèles d’intégration
44 Etats africains sur 54 appartiennent à un bloc régional économique. Ce qui conforte leur volonté de se regrouper au sein de blocs régionaux censés générer des économies d’échelle, accroître la taille du marché commun et créer davantage d’opportunités d’affaires pour les entreprises locales.
Sauf que le niveau de convergence et d’intégration entre les différents blocs économiques à l’échelle continentale est loin d’être suffisant. «L’Afrique est trop fragmentée», affirme Salaheddine Mezouar, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM.
Le retour d’expérience de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ainsi que celui de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en matière d’intégration seraient d’une grande utilité pour la réussite de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) en construction, dont le Maroc et 48 autres pays sont signataires de l’accord de création. Rappelons que jusqu’ici, seule une vingtaine d’Etats ont ratifié l’accord visant à mettre en place un marché commun africain, dont l’objectif serait de fluidifier les échanges commerciaux et les investissements intra-africains.
«La CEDEAO, qui est un marché commun, comme en témoigne la suppression des taxes d’importation et d’exportation, pourrait servir de modèle pour la mise en place de la ZLECA», assure le représentant de l’organisation régionale ouest africaine, créée en 1975 et qui regroupe 15 Etats anglophones, lusophones et francophones.
Du côté de l’organisation dont font partie les 8 pays de l’UEMOA, les principaux obstacles à l’intégration du continent sont principalement l’insécurité, le coût élevé des services, la faible transformation des matières premières ainsi que le manque d’infrastructures. La demande d’adhésion du Royaume à la CEDEAO est quelque part une réponse à la fragmentation et au manque de convergence économique et financière du continent. Faudrait-il rappeler que les opérateurs économiques nationaux entretiennent des relations économiques étroites avec leurs homologues des pays de l’Afrique de l’Ouest.
Par ailleurs, l’UEMOA (120 millions d’habitants) a mis en place plusieurs dispositifs afin de favoriser une meilleure intégration économique. Il y a lieu de citer le mécanisme de financement et la construction d’un marché commun, l’harmonisation de la fiscalité, la surveillance des agrégats macroéconomiques (inflation, déficit budgétaire, endettement, etc.), la convergence des politiques dans les secteurs clefs (agriculture, énergie, TIC, etc.) et le programme de réduction des disparités entre les 8 pays membres. ◆
Encadré : Le business a encore triomphé
«L’énergie et l’audace ont été au rendez-vous et nous laissent confiants et déterminés pour l’avenir», a souligné Mohamed El Kettani, lors de la cérémonie de clôture, qui a fait la part belle aux recommandations issues du Forum. Lequel a enregistré plus de 5.000 rendez-vous BtoB et BtoG, auxquels s’ajoutent les rencontres informelles d’affaires entre les opérateurs économiques et étatiques.
Les principaux secteurs concernés par ces rencontres sont l’agroalimentaire (42%), les BTP (26%), le négoce et la distribution (18%) ainsi que l’énergie (8%).
Le marché de l’investissement qui a permis à 8 pays africains dont le Maroc d’exposer leurs projets d’investissements phares ainsi que les secteurs qui regorgent de potentialités pour les investisseurs, a également été fortement sollicité par les participants, d’après Mohamed El Kettani. Ce dernier a mentionné dans son allocution de clôture une série de recommandations à même d’améliorer les échanges entre les pays africains. Celles-ci concernent le développement du digital et la mise en place d’infrastructures de connectivité, leviers de l’intégration. Par ailleurs, l’entrepreneuriat féminin, les startupeurs africains et l’impact positif (Positive Impact) des grands groupes ont dominé les débats dans le cadre de panels dédiés.
Soulignons enfin que trois start-up africaines ont été récompensées pour leur innovation. La banque panafricaine a également décerné des prix à trois autres entreprises bien implantées sur le continent dans le cadre des trophées de la coopération Sud-Sud. ◆