◆ Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, déplore l’absence de bonne gouvernance des institutions multilatérales durant cette crise sanitaire.
◆ Dans pareil contexte, le Maroc a amélioré ses relations internationales avec l’Europe et les pays africains.
Par B. Chaou
La crise de la Covid-19 a suscité un grand débat sur le nouveau visage de l’économie de demain. Une économie qui serait plus renfermée sur elle-même suite à une relocalisation massive des multinationales vers leurs pays d’origine, notamment l’Europe et les Etats-Unis.
Si certains pays ont d’ores et déjà entamé ce processus, d’autres sont actuellement en plein débat sur le pour et le contre de cette politique, ainsi que les alternatives qui se présentent à eux. Des alternatives pouvant pallier la forte dépendance au marché chinois, surtout en ce qui concerne les matières premières. Il s’agit, à juste titre, d’une réflexion sans précédent dans l’histoire contemporaine, porteuse de véritables mutations structurelles dans les relations internationales.
L’Association pour le progrès des dirigeants s’est penchée sur le sujet, avec comme invité Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), enseignant à l’Institut d’études européennes de l’Université de Paris VIII, et sommité mondialement reconnue en matière de géopolitique et de relations internationales. Parmi les problématiques relevées par l’expert lors de ce débat, c’est la montée de la puissance chinoise au détriment des ÉtatsUnis.
Pour Pascal Boniface, la crise sanitaire n’est pas derrière ce changement, mais elle n’a fait qu’accélérer cette perspective qui avait déjà débuté il y a quelques temps. «Ce qui change avec la Covid-19, c’est l’accélération du développement de la Chine. Les Chinois sont en train de rattraper, voire de dépasser la présence américaine au sein du multilatéralisme. C’est dans la logique du président américain Donald Trump de s’attaquer à toutes les institutions internationales, dont dernièrement l’Organisation mondiale de la santé», a indiqué l’expert.
Il poursuit : «En faisant ça, les Etats-Unis se renferment sur eux-mêmes, s’isolent de plus en plus de la scène politique internationale, au moment où la Chine accroît sa position dans les différentes institutions internationales».
Un multilatéralisme mal gouverné
Par ailleurs, l’expert en géopolitique a remis en question la qualité de gouvernance du système multilatéral durant cette crise. Un système qui a notamment été marqué par le repli sur soi et la prise de décisions unilatérales, surtout de la part des pays européens où les choix des politiques à prendre devaient être conduits d’une manière plus unifiée.
«Cette crise a montré un écart entre la réalité de la globalisation et l’absence de gouvernance mondiale. On voit bien que les frontières ont réapparu suite à cette crise. Même si elles ne seront pas durables, elles ont démontré qu’il y a une crise du multilatéralisme aujourd’hui et qu’il faut résoudre», explique Pascal Boniface.
Le Maroc a pu se distinguer
Par ailleurs, durant cette crise, le Maroc a pu améliorer ses relations internationales, que ce soit avec l’Europe ou avec les pays africains. Justement, il a fourni plusieurs pays du continent en masques et matériels médicaux afin de les aider à faire face à la pandémie de la Covid-19.
«Le fait que le Maroc ait soutenu les autres pays du continent prouve qu’il a été en cohérence avec son objectif, qui est d’être le partenaire des pays africains. Ces aides ont renforcé ses liens sur un nouveau volet, qui est le sanitaire», rappelle Pascal Boniface.
Concernant l’Europe, le Maroc a pu démontrer qu’il pouvait être un partenaire sur lequel le Vieux continent pouvait compter. En effet, afin de s’adapter à la crise, plusieurs industriels ont changé d’activité pour produire des masques; cela a permis d’en fournir à des pays d’Europe. «Je ne pense pas que le Maroc soit abandonné économiquement. Déjà avec la France, il y a des enjeux majeurs sur le plan politique et économique. Et les IDE au Maroc restent importants», estime par ailleurs Pascal Boniface