Infrastructures socioéconomiques : Les clés pour un modèle de développement inclusif

Infrastructures socioéconomiques : Les clés pour un modèle de développement inclusif

1graphe david

L’un des grands défis du Royaume est de réduire les inégalités sociales en créant une dynamique régionale porteuse de richesses pour un développement équitable et inclusif. Un challenge de taille, vu les déficits en termes d’infrastructures socioéconomiques.

 

Entre réformes structurelles, modernisation de l’économie et régionalisation avancée, le Maroc a résolument opté pour un modèle de développement soutenu, plus équilibré et, surtout, beaucoup plus inclusif. Car, aujourd’hui, l’un des grands défis du Royaume est de réduire les disparités sociales en créant une dynamique régionale porteuse de richesses, où les infrastructures socioéconomiques sont appelées à jouer un rôle central. C’est dans cet esprit que s’inscrit d’ailleurs le nouveau modèle de développement des provinces du Sud, doté d’une enveloppe budgétaire de 77 Mds de DH. Et pour mieux cerner les défis qui attendent le Maroc dans ce sens, la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) vient de publier une étude intitulée «Les infrastructures socioéconomiques au service d’un développement régional, équitable et inclusif». Objectif : apporter un éclairage précieux sur les disparités interrégionales et les gaps à rattraper pour un développement régional inclusif et équilibré, et ce à travers le croisement de l’analyse de la dynamique économique régionale et celle des infrastructures socioéconomiques.


Disparités criardes
L’un des premiers constats révélés par l’étude est le déséquilibre géographique dans la répartition démographique, d’autant que dans les 33,8 millions d’habitants que comptait le Maroc en 2014, 51% de la population globale sont concentrés sur cinq régions: Grand-Casablanca, Souss-Massa-Draâ, Marrakech-Tensift-Al Haouz, Tanger-Tétouan, Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, avec 57% de la population urbaine. Rien que pour le Grand-Casablanca, la densité au km² s’élève à 3.588 personnes en 2014, loin devant la deuxième région (Rabat-Salé-Zemmour-Zaer) avec une densité 267 habitants/km2. Cela explique certainement les fortes inégalités entre les différentes régions en termes de répartition du PIB nominal, lequel est passé d’environ 445,4 à 827,5 Mds de DH sur la période 2002- 2012, avec un TCAM de 6,4%. Ainsi, relève l’étude, «48% de la richesse nationale est concentrée dans quatre régions, à savoir Grand-Casablanca (18%), Souss-Massa-Draâ (12%), Rabat-Salé-Zemmour-Zaer (9%) et Marrakech-Tensift-Al Haouz (9%)». De ce fait, sur la même période, le PIB par habitant du Grand-Casablanca (35.900 DH) est plus que le triple de celui de Taza-Al Hoceima-Taounate (11.900 DH), ce qui impacte, en partie, le niveau de vie des populations des différentes régions.
Pour autant, le classement des régions par PIB/habitant est différent de celui établi en termes de taux d’emploi. La région de Taza-Al Hoceima-Taounate par exemple, 5ème en matière de taux d’emploi, occupe la dernière place en termes de PIB/habitant. «Plusieurs raisons seraient derrière cette situation, notamment le poids de l’informel dans l’économie, la migration interne et externe et les transferts monétaires qui en découlent, la possibilité d’accès aux crédits bancaires…», souligne l’étude, relevant par contre que «les régions qui dépendent marginalement de l’agriculture sont les mieux classées en termes de PIB régional et de PIB par habitant, même avec un taux d’emploi inférieur par rapport à la moyenne nationale comme c’est le cas pour le Grand-Casablanca et Rabat-Salé-Zemmour-Zaer».


Les maillons faibles
Pour les rédacteurs de l’étude, le développement régional ne pourra se faire sans la mise en place d’infrastructures sociales de base adéquates, notamment celles liées à l’enseignement, à la santé et au transport, qui restent des maillons faibles dans le processus de développement économique, malgré les efforts consentis par l’Etat.
Par ailleurs, quatre groupes de régions émergent si l'on analyse l’évolution du développement régional sous le prisme des infrastructures économiques et sociales sur la période 2002-2012. Il y a d’abord les régions moins dotées en infrastructures économiques et sociales (Taza-Al Hoceima-Taounate, Tadla-Azilal, Gharb-Chrarda-Béni Hsen et de Marrakech-Tensift), caractérisées par une prédominance de la population rurale qui travaille dans l’agriculture et l’élevage.
A côté, on trouve les régions bien équipées en infrastructures sociales avec un gap à rattraper en infrastructures économiques (Fès-Boulemane, Meknès-Tafilalt, l’Oriental et les régions du Sud). «Elles se caractérisent par une prédominance des activités tertiaires dont la part dans la valeur ajoutée varie entre 50% et 72%», est-il souligné.
Le 3ème groupe est composé des régions bien équipées en infrastructures économiques, avec un gap à rattraper en termes d’infrastructures sociales (Grand Casablanca, Doukala-Abda et Tanger-Tétouan) à cause notamment de l’importance de la demande et la plus forte densité démographique.
Enfin, le dernier groupe est composé des régions relativement bien équipées en infrastructures aussi bien économiques que sociales (Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, Chaouia-Ouardigha et Souss-Massa-Drâa). «Ces régions, même avec des niveaux supérieurs à la moyenne nationale, accusent des insuffisances en matière de l’offre publique dans les domaines de la santé et de l’enseignement», fait remarquer l’étude.
In fine, soulignent les analystes de la DEPF, «dans le sillage de l’opérationnalisation de la régionalisation avancée, l’enjeu du Maroc est de consolider la modernisation et la mutation progressive et profonde de son tissu productif national et d’accélérer le rythme des grandes réformes structurelles pour une croissance économique équilibrée et durable permettant la réduction des inégalités sociales, spatiales et de genre». Les multiples stratégies sectorielles structurantes lancées au cours de cette dernière décennie devraient permettre de concrétiser ce nouveau modèle de développement, en impulsant une véritable dynamique territoriale.

Sureffectif dans l’école publique et déficiences dans le système de santé
Les taux de scolarisation à l’enseignement primaire et collégial sont passés respectivement de 87,9% et 68,2% pour l’année scolaire 2004-2005 à 99,5% et 87,6% au titre de l’année 2013-2014, soit des gains respectifs de 11,6 points et 19,4 points. Avec l’amélioration des taux de scolarisation, l’école publique marocaine doit faire face à de nombreux problèmes, dont notamment, le sureffectif des classes qui a des effets néfastes sur la qualité de l’enseignement public.
Pour sa part, le système de santé au Maroc se caractérise par une insuffisance à la fois de l’infrastructure et du personnel médical, ce qui se reflète sur la qualité des services offerts aux citoyens. En 2012, le Maroc comptait 2.759 établissements de soins de santé de base (ESSB), soit un taux moyen d’environ 11.815 habitants par ESSB, et 143 hôpitaux publics, avec une capacité litière d’un total de 27.746 lits, soit une moyenne nationale de 1.175 habitants par lit. Les régions du Grand-Casablanca et Rabat-Salé-Zemmour-Zaer détiennent 37% du total des médecins. Le nombre d’habitants par médecin dans ces deux régions (soit respectivement 935 et 1.119 habitants/médecin) est inférieur à la moyenne nationale (1.876 habitants/médecin), et démesurément faible par rapport à celui des régions comme Tadla-Azilal (3.132) et Taza-Al Hoceima-Taounate (3842).

David William

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