Inégalité des revenus : Le Maroc n’arrive toujours pas à inverser la tendance

Inégalité des revenus : Le Maroc n’arrive toujours pas à inverser la tendance

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L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Observatoire national pour le développement humain (ONDH) sont formels quant à la stagnation de l’indice de Gini qui mesure les inégalités de revenus. Les différentes stratégies sociales déployées au cours de ces dernières années à l’échelle nationale n’ont pas eu d’impact sur la résorption du fossé entre riches et pauvres.

 

Nier que le Maroc a accompli des avancées notoires en termes de développement socioéconomique au cours des dernières années semble davantage relever de la mauvaise foi qu’autre chose. D’ailleurs, le pays affiche clairement ses ambitions de regagner à terme le carré des pays émergents. Cela dit, l’un des grands handicaps à même de donner un coup d’arrêt à ce dessein national est sans doute la persistance des inégalités économiques et sociales. Au Maroc, force est de constater que malgré la mise en place des multiples stratégies de développement social, le fossé entre riches et pauvres, traduit par le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus (salaires, patrimoine, etc.), ne se réduit pas. «Contrairement à certains pays émergents, on assiste au Maroc à la stagnation du coefficient de Gini depuis 1998. Ce qui conduit à affirmer que les inégalités persistent toujours», assure Jan Rielander, chef de l’Unité examens multidimensionnels de l’OCDE, qui a participé récemment au Colloque international sur le modèle de développement pour l’entrée du Maroc dans le concert des pays émergents. Dans le même ordre d’idées, le rapport économique et financier de 2015 confirme à certaines périodes une hausse des inégalités économiques à l’échelle nationale. En effet, l’indice de Gini a enregistré en 2011 un niveau (0,408) légèrement supérieur à celui enregistré en 1991 (0,393) ou en 2001 (0,406). A ce stade, il est judicieux de préciser que cet indice variant entre 0 et 1, décrit au niveau 0 une situation d’égalité parfaite lorsque les salaires, les revenus et les niveaux de vie sont égaux. A l’inverse, dans une configuration d’inégalité extrême, il se situe à 1. Au-delà de cette précision, notons que le défi de corriger les disparités économiques et sociales afin de bâtir une société plus juste et une économie plus prospère, ne se pose pas avec acuité juste au Maroc. En effet, d’après les derniers chiffres disponibles, certains pays de l’OCDE (Italie, USA, Slovénie, Luxembourg) ont vu leur indice de Gini se détériorer entre 2011 et 2013.


Des disparités à plusieurs échelles
Au Maroc, certains indicateurs traduisent des disparités flagrantes entre le monde rural et le milieu urbain. D’après les chiffres du rapport économique et financier de 2015, la pauvreté était trois plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain en 2011. Après tout, cette situation qui traduit de façon explicite les différences de niveau de vie entre les deux milieux n’est pas surprenante car l’agriculture, qui emploie près de 46% de la population active et ne contribue qu’à hauteur de 15% au PIB, constitue la principale activité des zones rurales, avec la prédominance des emplois non rémunérés. Autres indicateurs-clefs, notamment en matière d’inégalité de la dépense, les 20% les plus aisés consomment 48,1% de la dépense totale. Alors que les 20% les plus pauvres n’en consomment que 6,5%. La persistance des inégalités, qui s’accompagne d’une augmentation de leur impact sur le seuil de la pauvreté, est une source d’inquiétude pour l’Observatoire national du développement humain (ONDH). Cela dit, le Maroc doit impérativement veiller à l’efficacité de ses différentes politiques résolues à même de limiter l’aggravation des inégalités de revenu et de niveau de vie.


Inverser la vapeur
D’après El Hassan El Mansouri, la question essentielle, qui est posée à travers l’évolution de l’indice de Gini, est celle des disparités territoriales même au niveau d’une même agglomération. «La régionalisation avancée qui suscite beaucoup d’espoir, ne permettra pas d’avoir des espaces homogènes. En revanche, elle peut générer des espaces plus adaptés au développement territorial et à l’amélioration des revenus», note-t-il. Cela dit, force est d’admettre que la réduction des inégalités ou l’amélioration de l’indice de Gini au Maroc passera indubitablement par l’élaboration d’une meilleure politique de redistribution des richesses, l’amélioration des salaires et l’augmentation des égalités de chance. D’ailleurs, les résultats de la dernière enquête nationale sur la mobilité sociale intergénérationnelle montre que la différence entre les niveaux scolaires des chefs de ménage détermine en partie l’inégalité totale des dépenses de consommation. Ce qui confère indubitablement à l’enseignement et à la formation le statut d’ascenseur social au Maroc. En d’autres termes, améliorer le rendement et la qualité de l’enseignement permettrait de réduire les inégalités au Maroc. Pour preuve, les experts du HCP estiment que l’augmentation d’une année de scolarité améliore de 13,7% les chances d’ascension sociale (meilleur statut, emploi mieux rémunéré, etc.). En somme, les récentes recherches de l’OCDE témoignent de l’importance de lutter contre les inégalités car leur amplification bride la croissance économique.

Momar Diao

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