Fuite des cerveaux, manque de ressources humaines qualifiées, faiblesse des infrastructures électriques… : de nombreuses barrières entravent aujourd’hui l’intégration de l’innovation dans les activités industrielles en Afrique.
Par M. Ait Ouaanna
Le développement d'industries innovantes est désormais une priorité stratégique pour le continent africain. Ces dernières années, les gouvernements sont de plus en plus conscients de l’importance de l’introduction des nouvelles technologies dans les différents process industriels. Afin de soutenir l’innovation, plusieurs politiques et programmes ont été mis en place, mais la transformation de l’industrie africaine nécessite un effort concerté de la part des gouvernements, des secteurs public et privé et de la société civile.
Lors d’un panel autour des industries innovantes, tenu dans le cadre de la 4ème édition du Choiseul Africa Business Forum, les différents intervenants se sont penchés sur les éléments requis pour créer des conditions favorables au développement d’industries innovantes en Afrique, capables de concurrencer les acteurs internationaux.
Pour ce faire, les panélistes ont mis en avant les nombreux défis auxquels ils sont confrontés. Dans ce sens, Hassan Belkhayat, cofondateur de SouthBridge, a expliqué que l’exode des cerveaux constitue un frein majeur à l’innovation industrielle. «Le Maroc, tout comme plusieurs pays africains, est confronté au problème de la fuite des cerveaux. 95% des étudiants des écoles d’ingénieurs marocaines quittent le Royaume avant même l’obtention du diplôme et se retrouvent, déjà, recrutés par des entreprises en France, au Portugal ou ailleurs».
Ainsi, Belkhayat a appelé à la formation d’un plus grand nombre d’ingénieurs et a souligné la nécessité de placer les ressources humaines au centre de toute politique sectorielle. A la tête de Mineex SARL, une entreprise sénégalaise opérant dans le secteur minier, Rokhaya Sall Mbaye a mis en exergue certaines difficultés liées à la création d’industries innovantes. «Dès le démarrage de notre activité, notre objectif était d’introduire des solutions innovantes. Le premier défi est que l’investissement initial est trop élevé étant donné qu’en Afrique, nous n’investissons pas assez dans la recherche et le développement. Afin d’avoir accès aux logiciels et aux technologies innovantes, nous restons dépendants de personnes qui les ont développés ailleurs», a-t-elle fait savoir.
La Directrice générale de Mineex a également cité d’autres blocages, notamment le manque de ressources humaines qualifiées, ou encore l’inadéquation de la réglementation aux évolutions du secteur. Afin de surmonter tous ces défis, Rokhaya Sall Mbaye recommande d’adopter une approche progressive en introduisant graduellement les technologies. «Il est possible de commencer par des technologies modestes le temps que l’entreprise acquiert les investissements suffisants pour aller vers des technologies beaucoup plus développées», explique-t-elle.
De même, Sall Mbaye a mis en relief l’importance de fournir une formation adéquate et de former le personnel afin qu’il ne soit pas réfractaire aux bénéfices de la technologie, notamment en termes d’environnement et de sûreté. Dans le même sens, Amer Benouda, vice-président d’ABA Technology, a affirmé que la formation figure parmi les principaux challenges. A ce propos, il a assuré qu’il est de plus en plus difficile de trouver des compétences, surtout que le contexte actuel nécessite la combinaison de plusieurs technologies. Un besoin qui, selon lui, rend la tâche beaucoup plus compliquée. En outre, Amer Benouda évoque l’insuffisance d’infrastructure en termes d’électricité et de connectivité.
«On parle d’intégration de la technologie, alors qu’en Afrique certaines zones manquent encore d’électricité et, par conséquent, nous avons du mal à avoir la connexion qu’il faut. Ajoutons à cela les problèmes liés au stockage de la data. Aujourd’hui, plusieurs initiatives peinent à se lancer car les décideurs ne savent pas exactement où cette data va être stockée», se désolet-il. Pour faire face à ces défis, le vice-président d’ABA Technology estime que l’ultime solution est de promouvoir le «made in Africa», précisant qu’avec la maîtrise de la technologie conçue, développée et implémentée en Afrique, le chemin vers l’innovation industrielle sera moins difficile.