Un tel écosystème présente des atouts indéniables en matière d’investissement, d’emploi et d’exportation.
Le Maroc peut se positionner dans la fabrication de petites cylindrées à bas coût.
Par Charaf Jaidani
Le Royaume a adopté l’approche des écosystèmes industriels pour amorcer le décollage du secteur secondaire. Dans le cadre du programme d’accélération industrielle (PAI) 2015-2020, différentes filières ont bénéficié d’une attention particulière du gouvernement afin d’améliorer l’intégration, d’encourager les investissements et assurer une montée en valeur du tissu industriel global et, in fine, avoir des effets d’entraînement sur d’autres activités.
Depuis le lancement de ce Plan, des résultats tangibles ont été réalisés surtout dans le domaine de l’automobile, de l’aéronautique ou dans le secteur pharmaceutique, avec des croissances à deux chiffres et une hausse sensible des exportations.
Dernièrement, de nouveaux écosystèmes ont été identifiés et ont bénéficié d’un programme spécifique à l’image de l’industrie navale, de la valorisation des métaux. Dans ce dernier cas, est visée en particulier la production de tracteurs agricoles et de bicyclettes. On se demande dès lors pourquoi ces activités n’ont pas été étendues à celle des cyclomoteurs, puisqu’elle comporte plusieurs similitudes au niveau du process de fabrication.
Interrogé à ce sujet, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique, a souligné que son département est toujours en prospection pour mettre en place de nouveaux écosystèmes «mais encore faut-il leur assurer tous les ingrédients du succès».
Il s’agit concrètement de fédérer des groupes d’entreprises autour de locomotives porteuses de projets d’écosystèmes. Ces locomotives peuvent être des leaders industriels nationaux, des groupements professionnels ou encore des investisseurs étrangers, à l’image de l’écosystème Renault et Peugeot dans l’automobile.
L’implantation de ces constructeurs attire des équipementiers de rang 1, 2 et 3 sans oublier les sous-traitants. Les alliances d’entreprises qui se tissent ainsi et forment des communautés de destins stratégiques organisées, gagnent en performance et en réactivité et contribuent à renforcer la compétitivité de filières dans leur intégralité.
Les ingrédients sont là
«Plusieurs donneurs d’ordres se sont installés au Maroc et seront en fait des locomotives pour tout le secteur. Le tissu industriel national a gagné en maturité au fil des ans. Avec une croissance moyenne de 20%, il présente des perspectives de développement importantes. Un essor qui ne peut être concentré sur quelques filières mais qui, tôt ou tard, doit s’élargir à d’autres secteurs, à travers l’intégration des filières de la métallurgie, de l’électronique, du textile et de la plasturgie. Une activité comme celle des métiers des cyclomoteurs dispose déjà de
plusieurs éléments pour assurer sa réussite. Il faut parvenir à faire émerger des champions nationaux avec des capitaux marocains qui, en partenariat avec des opérateurs étrangers, peuvent relancer ce genre d’activités», affirme Hakim Abdelmoumen, président de la Fédération de l’automobile.
Le département de l’Industrie se prépare déjà à lancer une autre phase du PAI, qui s’étalera sur la période 2021-2025. Il est opportun de cibler des filières où le Maroc dispose d’un avantage comparatif indéniable.
Taille critique
Il faut savoir que l’industrie de montage des cyclomoteurs a déjà existé au Maroc durant les années 60, 70 et 80. Des marques comme Mobylette ou Peugeot ont été assemblées dans le Royaume sous licences.
«Faras», une autre marque, cette fois marocaine, avec un taux d’intégration de plus de 60%, avait été lancée dans une manufacture à Fès. Elle a connu, à ses débuts, un accueil favorable sur le marché avant de rencontrer des difficultés qui ont poussé l’entreprise à mettre la clé sous la porte.
«Ce genre d’industrie nécessite une bonne maîtrise commerciale du marché et de la visibilité. C’est au-delà d’un certain volume qu’on peut assurer la pérennité de la marque. Un niveau qui permet aussi de contenir le coût de production afin d’être compétitif sur un marché fortement concurrentiel», explique Mohamed Maâroufi, membre de l’Association marocaine des métiers des motocycles (AMMM).
En effet, le volume des cyclomoteurs écoulés au Maroc est de moins de 80.000 unités par an. Tous les engins sont importés, notamment des pays du sud-est asiatique. Le marché local est fortement concurrentiel avec la présence d’un grand nombre d’importateurs. Il n’est pas assez attractif pour séduire les constructeurs, à moins qu’une bonne partie de la production soit écoulée à l’international.
«A l’instar de ce que le gouvernement a concrétisé avec Renault, PSA et d’autres grands équipementiers, il peut négocier avec un constructeur de motos pour le convaincre de s’installer au Maroc. Certes, c’est un environnement un peu différent de celui de l’automobile mais dans la forme, il obéit au même schéma de production», souligne Maâroufi.
Pneumatiques
A l’instar de l’industrie des motocycles, celle des pneumatiques a disparu du tissu industriel marocain sous l’effet de nombreuses problématiques, dont notamment l’étroitesse du marché. Sans marché porteur, aucune filière ne peut perdurer. Les investisseurs ont besoin de visibilité sur le long terme. «Pour lancer une filière comme les pneumatiques, il faut une production d’au moins 10 millions d’unités par an. Le marché local peut absorber 4 à 6 millions du fait que la cadence de fabrication de véhicules devrait passer dans un an à un million d’unités et le marché de renouvellement des pneus est en plein essor. Mais encore faut-il que les deux constructeurs (Renault et Peugeot) acceptent de s’approvisionner exclusivement au Maroc», souligne Rachid Machou, vice-président de l’Amica.
Outre la taille du marché, se pose également la question de la compétitivité. Les cyclomoteurs «made in Morocco» peuvent-ils concurrencer les produits asiatiques très performants en matière de coûts et de prix ? A priori, la tâche paraît difficile. Même les constructeurs européens en souffrent. Ils n’arrivent pas à se démarquer facilement. Ils ne doivent leur survie qu’aux grosses cylindrées et aux équipements high-tech.
Le Maroc peut se positionner dans un premier temps sur les produits low cost, ne nécessitant pas une technologie avancée et plus particulièrement dans les petites cylindrées de moins 50 cm3 (les produits les plus demandés du marché ne nécessitant pas un permis de conduire).
Encadré : Formation des ressources humaines
Contrairement à l’automobile, la filière motocycles ne dispose pas suffisamment de ressources humaines qualifiées. Aucun programme n’existait chez les instituts publics ou privés. Ce sont les entreprises du secteur, qui par leurs propres moyens, assuraient ce genre de formation.
Depuis 2015, l’intérêt pour la filière a incité l’AMMM et l’Institut de formation aux métiers de l’industrie automobile (IFMIA) à signer une convention pour le développement des compétences et l’employabilité de la main-d’oeuvre dans ce secteur.
La convention, qui prévoit la mise en place d’une nouvelle filière à l’IFMIA baptisée «Métiers du motocycle», vise à améliorer la formation des techniciens de maintenance et apporte une mise à niveau en vue de développer les connaissances et compétences des employés des entreprises membres de l’AMMM.
Ainsi, dans le sillage de cette nouvelle filière, l’IFMIA s’engage désormais à intégrer la formation dans le domaine du motocycle dans le cadre du cursus des techniciens spécialisés en maintenance automobile.