Hausse des coûts de production, recul du pouvoir d’achat et hausse des taux d’intérêt.
Les professionnels évoquent le manque de visibilité et l'absence d’attractivité des mesures de soutien de l’Etat.
Par C. Jaidani
Le secteur immobilier entame l’année 2023 avec beaucoup d’incertitudes. Différents facteurs pèsent lourdement sur l’évolution de l’activité et risque de la pénaliser davantage. De nombreux professionnels n’ont pas caché leurs inquiétudes, mettant en avant le manque de visibilité, surtout avec une conjoncture nationale et internationale difficile. La hausse persistante de l’inflation et le recul du pouvoir d’achat risquent à leur tour de perturber le marché tant au niveau de l’offre que de la demande.
Dernièrement, la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) s’est exprimée sur le sujet, estimant qu’«en l’absence d’un programme de soutien clair et précis du gouvernement, il est difficile pour les opérateurs de lancer un programme d’investissement sur le long terme, particulièrement pour les logements de type conventionné».
La dernière formule de soutien pour le logement social et pour la classe moyenne, déclinée dans le cadre de la Loi de Finances 2023, n’a pas convaincu les promoteurs qui ont appelé le gouvernement à revoir sa copie. Est-ce un cycle de récession qui va se poursuivre au cours des années à venir ?
«2022 a été une année très difficile. Il y a un manque à gagner très important qui s’est accumulé au fil des ans. Du coup, les perspectives pour 2023 ne sont pas favorables. Tous les indicateurs ont connu une forte baisse. Celui qui m’a beaucoup interpellé est relatif à la vente de ciment, qui a enregistré un recul de 15%, soit la pire chute des 10 dernières années. Pour un pays émergent comme le Maroc, qui doit réaliser une croissance de vente de ciment d’au moins 10% pour assurer sa construction, c’est une catastrophe», souligne Driss Effina, expert en immobilier. Outre les ventes de ciment, tous les autres indicateurs sont en forte régression, à l’image des dépôts d’autorisation de construire qui sont en baisse de 50%, les mises en chantier reculent (-52%) et les demandes de crédits bancaires pour les projets immobiliers régressent de moitié. Quant aux ventes, elles ont plongé de plus de 30%.
«Le BTP et l’immobilier sont des secteurs stratégiques pour l’économie nationale en raison du volume d’investissement déployé, des emplois, et de la valeur ajoutée créés et aussi les recettes fiscales générées. Depuis quelques temps, les opérateurs déplorent le manque de visibilité qui impacte leur business plan. Ils sont dans l’attentisme, les acquéreurs aussi. Auparavant, l’Etat donnait beaucoup d’importance à ce secteur, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il soutient d’autres branches. Les mesures annoncées par le gouvernement, que ce soit pour le logement social ou le logement pour la classe moyenne, s’avèrent très peu attractives. C’est un retour en arrière; aucun pays au monde n’opère de cette façon en octroyant des aides directes aux citoyens. Le mode opératoire le plus utilisé est plus orienté vers des exonérations ou des incitations fiscales», explique Effina.
Ce climat d’incertitude règne chez de nombreux professionnels du secteur, qui sont unanimes à affirmer que 2023 sera difficile à cause notamment de la hausse des coûts de production et le recul du pouvoir d’achat. «Il n’existe aucun facteur favorisant la relance du secteur immobilier. Au contraire, nous avons constaté que des éléments comme la hausse des taux d’intérêt et l’inflation risquent d’alourdir davantage le coût d’acquisition. Le manque de confiance des promoteurs et des acquéreurs ne peut que compliquer la situation», affirme Mohamed Lahlou, président de l’Union des agents immobiliers de la région de Casablanca-Settat.
«2023 sera difficile si l’on tient compte de la hausse des coûts de production et du recul du pouvoir d’achat. La Loi de Finances 2023 a introduit une mesure qui risque de porter un sérieux coup au secteur. Elle imposée au vendeur de s’adresser à la Direction des impôts qui fixe le prix imposable selon un référentiel bien déterminé. Autrement, il sera taxé d’office à un taux de 5% dans l’attente de la régularisation du redressement fiscal. Le gouvernement doit investir de nouvelles pistes plus innovantes pour donner un coup de pouce à l’immobilier afin qu’il puisse trouver sa dynamique», conclut-il.