Handicap et emploi : L’espoir est-il permis ?

Handicap et emploi : L’espoir est-il permis ?

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Une chose est sûre, le premier Forum Handicap Maroc pour l’emploi des personnes en situations de handicap a pu mobiliser une vingtaine de partenaires, dont de grandes sociétés. Les demandeurs d’emploi sont venus nombreux pour cette première qui met le doigt sur une sérieuse problématique : le handicap et le travail. Une initiative qui anime l’espoir des jeunes d’un avenir meilleur, bravant le handicap et le regard de la société. 

Visiter le Premier forum handicap Maroc pour l’emploi des personnes en situation de handicap vous rappelle la cruauté de la vie envers ces personnes, doublée de la cruauté et du dénigrement impitoyable de la société, dont nous faisons partie. Elles sont d'ailleurs venues en masse de plusieurs villes du Royaume, animées par l’espoir de rencontrer plus de 20 entreprises, organismes et associations ayant pris part à ce forum. Placée sous l’égide du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales, en partenariat avec l’Anapec et l’Entraide nationale, cette première du genre vise l’insertion des personnes à besoins spécifiques dans le milieu professionnel. Et elles sont venues en nombre sur leurs chaises roulantes, avec leurs béquilles, portant des lunettes noires ou encore communiquant par le langage des signes, déposer leurs CV dans l’espoir de trouver un emploi. Un droit légitime garanti par la loi, mais largement bafoué dans notre pays, où la société porte un regard cruel, osons le dire, sur toute ce qui est différent de la norme sociale. Une exclusion sociale doublée d’une exclusion économique : soit le summum de l’injustice! Fort heureusement, une vingtaine d’entreprises ont ravivé l’espoir d’une vie meilleure pour ces personnes venues nombreuses à leur rencontre : SNTL, Danone, méditel et d’autres sociétés ont diligenté leurs responsables de RH pour réceptionner les CV et étudier les possibilités de recruter lors de ce forum. Pour les organisateurs de cet événement, une première du genre, «Favoriser l’accès à l’emploi des personnes handicapées dans les entreprises privées ou publiques constitue pour nous tous un défi pour l’égalité et un enjeu majeur pour l’insertion professionnelle des personnes à besoins spécifiques au Maroc». En plus des stands des entreprises présentes, les visiteurs pouvaient trouver une écoute dans les espaces de coaching et de formation pour être mieux accompagnés dans leur projet professionnel. L’un des moments forts, hormis les conférences organisées, est le témoignage de personnes en situation de handicap pour sensibiliser à l’importance de l’insertion professionnelle de ces personnes. 

Une jeunesse désenchantée

Si la salle bondée de monde comprenait quelques seniors, la plupart des candidats sont des jeunes de 20 à 40 ans en quête d’un avenir meilleur, bravant le regard de la société et défiant leur propre handicap. Des jeunes diplômés, avides de liberté, de justice et, surtout, d’un peu d’égard. Parmi eux, une jeune fille aux yeux verts, tenant fermement sa canne, fait le tour du forum. Elle, c’est Fadila Lazrak, 25 ans, licenciée en sociologie, à son actif : deux formations en développement personnel et une formation en informatique. Elle est venue d’El Jadida accompagnée de sa maman qui l’épaule sur ce chemin de croix. Son espoir est que son profil puisse intéresser l’une des entreprises présentes. Son témoignage est poignant : «Les entrepreneurs sont membres de la société qui, elle, porte un regard rétrograde sur les non-voyants. De ce fait, beaucoup d’entrepreneurs ou de directeurs pensent que ces personnes ne peuvent accomplir certaines tâches en raison de leur handicap. Or, si nous avons un sens en moins, nous avons un sens aigu de la responsabilité à la lumière de toutes les difficultés que nous rencontrons et que nous relevons. Quand je dépose mon CV auprès d’une société et qu’on ne m’appelle même pas pour un entretien, je me sens comme méprisée et marginalisée dans mon pays. Cette différence dérange les gens. Mon message pour les entreprises est que le non-voyant a autant de compétences qu’une personne voyante, voire plus, que la société peut mettre à profit au lieu de nous tourner le dos». Questionnée sur le recours à l’Anapec, Fadila assure s’y être rendue à plusieurs reprises, mais en vain. Sa maman, elle aussi, en a gros sur le coeur : «Avant même de se confronter à cette question de l’emploi, j’aimerais vous traduire toute la difficulté qu’a rencontrée ma fille durant ses études. La première des injustices que je veux signaler est que même en étant licenciée, elle n’a pas été acceptée en Master en raison de son handicap. Que dire alors des entreprises ? Et pourtant, c’est une fille brillante et méritante. Ce n’est pas parce qu’elle est ma fille que je dis cela, mais parce qu’elle a obtenu sa licence avec mention. Aussi, dès son jeune âge, elle est venue à Casablanca pour ses études, puis à Marrakech, et je venais régulièrement d’El Jadida lui rendre visite. Pour son Bac, elle a fini première de sa classe… de voyants alors qu’elle devait taper ses cours en braille au moment où les autres ne faisaient qu’écrire avec des stylos… Tous ces sacrifices pour se retrouver aujourd’hui en train de faire le tour des sociétés avec son CV». Cette mère, avec trois enfants non-voyants, dont le dernier vient de décrocher son Bac, prend néanmoins son mal en patience et continue à accompagner sa fille pour les dépôts de CV… dans l’espoir de rencontrer un entrepreneur qui saura apprécier les qualités de sa fille, loin de tout stéréotype ! La journée s’est tout de même clôturée sur une note d’espoir. En effet, la fin du Forum s’est faite en présence de plusieurs ministres dont le Chef du gouvernement, qui a annoncé que pas moins d’un milliard de DH sera alloué par le Fonds d'appui à la cohésion sociale pour soutenir les enfants à besoins spécifiques. Le chef de l’Exécutif s'est engagé à attribuer une bourse à ces enfants, en l'inscrivant dans le projet de la Loi de Finances 2016. Nous verrons bien si cette promesse sera tenue, car des déceptions, ces personnes en ont eu à la pelle. 

Imane Bouhrara

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