Grand Casablanca : Diagnostic sans concession

Grand Casablanca : Diagnostic sans concession

Khalid Safir

Invité du CDS, le Wali du Grand Casablanca a rappelé les grandes lignes du plan tout en soulignant les difficultés rencontrées. Audit des RH de la ville, modernisation de la gestion des équipements écono­miques, dialogue avec les syndicats sont autant de dossiers épineux pris en charge.

La vie, les aspirations et les soucis des Casablancais ont été passés au peigne fin lors de l’inauguration de la ses­sion 2015/2016 des travaux du Conseil de développement et de la solidarité (CDS). La session présidée par Mohamed Benamour, président du CDS a eu comme invité de marque Khalid Safir, Wali du Grand Casablanca. Le Haut commis de l’Etat a rappelé une fois de plus les grandes lignes du Plan stratégique de dévelop­pement de la métropole éco­nomique, qui ambitionne une nette amélioration des condi­tions de vie des habitants, le renforcement de la mobilité au niveau de la région et la promo­tion de l’attractivité économique et l’amélioration du climat des affaires de la métropole… en bref, faire de Casablanca une grande métropole à l’instar des autres grandes villes du monde !

Une ambition qui nécessite une réelle transformation de la ville, qui compte 4,3 millions d’habi­tants (pour l’agglomération) et participe à hauteur de 20% du PIB national, soit une autre paire de manches ! Et ce d’autant plus que la ville ne génère pas plus de 200 MDH et compte un taux de chômage qui pas­sera de 10,4 actuellement, à 23% dans les 15 ans à venir, si rien n’est fait. «Pour inver­ser la courbe du chômage, il faut atteindre 8% de croissance annuelle, soit passer à un nou­veau gap de croissance», dixit le Wali du Grand Casablanca. Autant de problématiques aux­quelles le plan de développe­ment du Grand Casablanca veut apporter une réponse globale à travers 4 principes méthodo­logiques que sont une gestion intégrée, un engagement collec­tif, un diagnostic commun avec solutions et moyens pour remé­dier aux principales probléma­tiques de la ville et, enfin, une aspiration commune de faire de Casablanca un hub finan­cier international, connecté et inclusif, mais, surtout, où il fait bon vivre. C’est ce qui revient d’ailleurs dans le plan présenté en septembre 2014 et qui mobi­lisera une enveloppe budgétaire de 33,6 milliards de DH, de 2015 à 2020, sans compter les 2,8 milliards de DH mobilisés en 2014 pour le plan d’actions prioritaires.

Si le Wali a passé en revue les principales actions du plan, il relève qu’une instance de coor­dination et de suivi du plan devra être mise en place. De même qu’il insiste sur la clarification des prérogatives de l’Exécutif et du délibératif à travers la restruc­turation de l'administration com­munale, le renforcement de ses compétences humaines et de son professionnalisme; la créa­tion d'une police administrative municipale pour veiller sur l'ap­plication effective des décisions des conseils des élus; et enfin la mise en oeuvre du groupement d’agglomération des communes urbaines nouvellement créées. L’un des leviers de ce plan sont les financements innovants et adaptés aux enjeux, ce qui passe notamment par le mise à niveau de l'administration fis­cale locale pour élargir l'assiette fiscale et améliorer l'efficacité du recouvrement et la collecte d'impôts, ce qui fait largement défaut à la ville. Le plan pré­voit également d’assurer une meilleure rentabilité des services payants des communes, et de développer leurs ressources propres à travers la valorisation de leurs actifs, plus spéciale­ment fonciers, et l'amélioration de leur gestion financière. Le recours aux fonds étrangers est également à l’ordre du jour, notamment, et c’est une pre­mière, l’octroi par la Banque mondiale de 200 millions de dollars à la ville, dans le cadre de son programme d’appui au secteur municipal. Le finance­ment passe aussi par la maîtrise de la masse salariale.

Lancement d'audit général de RH de la ville

Le plan prévoit la gestion des ressources humaines et la rationalisation des dépenses des collectivités locales, afin de mieux maîtriser la masse salariale. Ainsi, dans le cadre de la restructuration de l’ad­ministration communale, une étude vient d’être lancée, une sorte d’audit des RH, on compte 15.000 fonctionnaires rien que pour la ville de Casablanca. Une étude qui pourrait donner lieu à un redéploiement de ces RH. Un dossier dont le Wali est conscient de la sensibilité. Autre dossier épineux, la ges­tion moderne et efficiente des équipements économiques de la ville, qui mettra fin à certains privilèges. Un sujet que le Wali aborde sans langue de bois, avec une assistance qui se pose de nombreuses questions sur le devenir de la ville. D’ailleurs, interpellé sur les récentes élections, le Wali s’en réjouit puisqu’elles injectent du sang neuf dans la sphère politique et qu’elles sont une étape cruciale dans le déploiement de la régio­nalisation avancée.

Le représentant du pouvoir régalien a également été inter­pellé sur la gestion déléguée, notamment le ramassage des ordures qui ne se fait pas la nuit comme c’est le cas à l'échelle internationale. Les syndicats font dans ce sens un travail de forcing qui pourrait à la longue pousser la ville à récupérer ses RH et permettre aux sociétés de recruter selon leurs propres besoins.

Khalid Safir a d’ailleurs rappelé la difficulté de la tâche, pre­nant par exemple le cas de la décharge de Mediouna. Puisque les communes refusent d’ac­cueillir une décharge sur leur territoire malgré les garanties qu’elle soit aux normes inter­nationales avec usine de trai­tement sur place. Les limites de l’Etat sont également pal­pables concernant la question du civisme, sachant que le Wali est pour un système coercitif, afin de faire respecter l’ordre et le civisme en ville. «Le cadre législatif existe, mais pour le faire respecter, il faut mettre en place la police municipale», relève-t-il. Une autre paire de manches donc puisque sur les 15.000 agents de l’ordre que compte la ville, une centaine de demandes ont été reçues dans le cadre de la mise en place de ladite police, mais seuls 17 dossiers semblent avoir le profil demandé. Autre point qui ne semble pas trouver de solu­tion ou qui dépend de l’Etat et non de la Wilaya, l’infrastructure d’éducation qui fait défaut à la ville, obligeant les habitants de se saigner à blanc pour assurer à leurs enfants un enseignement de qualité. Les sujets de discus­sion ont été divers et variés lors de cette première session 2015/2016 du CDS, et le Wali s’est bien prêté au jeu pour discuter ensemble des pistes qui peuvent être développées pour apporter des solutions aux besoins ô combien complexes et évolutifs des Casablancais.

Imane Bouhrara

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux