En analysant l’équité des régimes fiscaux dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord, le modèle marocain jouit d’une belle notoriété aux yeux des économistes du FMI. Une note de réflexion reconnait les efforts entrepris par le Maroc en matière de réforme fiscale, depuis la tenue des Assises de Skhirat.
Le modèle marocain en matière de réforme fiscale est cité comme référence dans une récente note de réflexion produite par quatre économistes du Fonds monétaire international, intitulée : «Fiscalité équitable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord». Les chercheurs de l’institution de Bretton Woods tiennent à saluer le dialogue fructueux entamé ces dernières années par les autorités marocaines autour des questions fiscales, rappelant à ce titre les trois domaines stratégiques de réformes définis à l’issue des Assises de Skhirat (fin avril 2013), à savoir l’élargissement de l'assiette de l'impôt, la diminution des dépenses fiscales et l’approfondissement des relations entre l'administration fiscale et les contribuables. Le régime fiscal marocain, constate-t-on, se caractérise par une assiette très étroite de l'impôt et des incitations fiscales profondément ancrées qui entraînent des dépenses relativement élevées. Les opérateurs économiques estiment que cette situation, couplée à des taux élevés d'imposition, constitue un obstacle à la croissance. «Malgré des recettes fiscales comparables à celles d'autres pays émergents et/ou en développement - près de 25% du PIB en moyenne - au cours des trois dernières années, de vastes pans de l'économie bénéficient d'exonérations ou fuient l'impôt», note l’étude du FMI. En effet, près de 80% des impôts sur les bénéfices des sociétés sont payés par 2% de l'ensemble des entreprises actives au Maroc; plus de 70% des impôts sur le revenu sont payés par des salariés, au moment où les travailleurs indépendants et les professions libérales (médecins et avocats) paient des impôts excessivement faibles; et des secteurs tels que l'agriculture étaient, jusqu'en 2014, exonérés d’impôts. Mais sur le terrain de la fiscalité les choses commencent à changer ces dernières années au Maroc. La réduction des dépenses fiscales (exonérations et dérogations) et l’apurement du stock de crédits de TVA témoignent de la volonté de vouloir en finir avec les niches de fiscalité inéquitable. Cela s’est d’ailleurs concrétisé à travers les mesures introduites dans les deux dernières Lois de Finances 2014 et 2015, notamment l’imposition des grandes entreprises agricoles. «Le Budget 2015 a maintenu les mêmes orientations, en instaurant de nouvelles mesures, bien que timides, pour réduire le nombre de taux de TVA, ainsi que des mesures approfondies pour améliorer le civisme fiscal», soulignent les experts du FMI.
Résistance au changement
Mais pour rendre la fiscalité plus équitable, les économistes du FMI en sont pleinement convaincus, il faudra absolument vaincre la résistance aux réformes. Les autorités doivent non seulement établir un dialogue avec un large éventail de parties prenantes mais aussi être à l’écoute de leurs propres administrations. Là encore, l’exemple marocain jouit d’une belle notoriété à l’échelle régionale. «De vastes consultations, notamment avec les groupes les plus démunis qui ont peu de poids politique, contribuent à susciter la confiance de l’opinion publique dans le processus de réforme, comme au Maroc», témoigne l’étude du FMI.
La transparence s’avère, elle aussi, payante. Les chercheurs du FMI estiment qu’une stratégie de communication est fondamentale pour obtenir l’adhésion de l’opinion publique. Cela affaiblit la résistance aux réformes de la part des élites aisées et des entreprises qui cherchent à sauvegarder leurs intérêts. Dans le cas de l’élargissement de l’assiette de l’impôt, par exemple, poursuit la même source, la publication par le Maroc d’un examen annuel des dépenses fiscales a été bénéfique, en contribuant à faire comprendre les coûts que représentent les exonérations.
Au-delà du cas marocain, les régimes fiscaux des pays de la région MENA restent, aux yeux de l’étude du FMI, sous-performants et peu équitables. L’impôt sur le revenu des personnes physiques dans cette région n’est souvent pas progressif, du fait, d’une part, du faible niveau des taux d’imposition aux tranches supérieures des revenus et, d’autre part, des revenus non salariaux. L’impôt sur les sociétés, poursuit la même source, présente des taux relativement compétitifs mais souffre d’un excès de mesures dérogatoires (exonérations, etc.), souvent accordées avec peu de transparence et de façon très discrétionnaire. De même pour les taxes sur la valeur ajoutée qui souffrent également d'une multiplicité des exonérations, lesquelles réduisent l’efficacité des recettes. Globalement, l’administration fiscale est perçue comme inefficiente, disposant d'un pouvoir discrétionnaire important, ce qui entraîne un traitement inéquitable des citoyens et des entreprises.
Pour rendre plus équitables les régimes fiscaux dans le monde arabe, d’un point de vue politique cette fois-ci, la faisabilité des réformes dépend souvent de leur rythme, estiment les économistes du FMI. Un rythme progressif peut s’avérer politiquement plus acceptable et permet de donner confiance dans l’attachement des autorités à la réforme. A long terme, poursuivent-ils, cette stratégie permet de convaincre les groupes d’intérêts hostiles au changement. Les auteurs de l’étude illustrent leur propos par deux exemples de réformes précises, la progressivité de l’impôt sur les sociétés et le recours à l’informatique dans l’administration fiscale. De leur côté, les bailleurs bilatéraux et les organisations internationales, notamment le FMI, conclut ladite note de réflexion, peuvent apporter une assistance technique pour faciliter l’élaboration et la mise en oeuvre des réformes.
Wadie El Mouden