Financement de l'économie : Les banques sous pression

Financement de l'économie : Les banques sous pression

◆ Le secteur bancaire figure parmi toutes les initiatives prises par le Comité de veille économique pour tenter d’amortir, un tant soit peu, le choc économique.

◆ Les banques sont amenées à résoudre une équation difficile, à savoir maintenir une politique de gestion du risque aussi rigoureuse que possible dans un environnement des plus incertains, tout en continuant à financer les besoins de l’économie.

 

Par A. Elkadiri

 

Depuis les tout premiers jours de la crise sanitaire, le secteur bancaire national est mobilisé comme il ne l’a probablement jamais été. Les banques croulent en effet sous les demandes de reports des échéances de crédits (plus de 400.000 demandes en quelques semaines selon le ministère des Finances) des entreprises et des ménages. En parallèle, elles font face à un afflux sans précédent de demandes de financement, avec déjà plus de 9.000 demandes de prêts exceptionnels garantis par l'État à travers «Damane Oxygène», mis en place pour soutenir les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 500 millions de dirhams.

Les banques sont aussi au cœur du dispositif de distribution des aides du fonds de gestion de la pandémie du Covid-19 pour le secteur informel et aux salariés affiliés à la CNSS en arrêt temporaire de travail, mobilisant leurs guichets automatiques (GAB), les établissements de paiement filiales, les agences bancaires et même pour certaines, des agences mobiles. Une opération monstre et inédite qui, jusqu’à présent, a plutôt bien fonctionné. Le secteur bancaire est, on le voit, de toutes les initiatives prises par le Comité de veille économique pour tenter d’amortir, un tant soit peu, le choc économique. La raison de cette omniprésence du système bancaire est simple : telle qu’elle s’est construite depuis plusieurs décennies, l’économie marocaine est une économie essentiellement intermédiée, où la banque, dotée d’une force de frappe commerciale et financière sans pareil, joue un rôle central.

C’est, entre autres, ce qui explique que l’Etat, dans une situation d’urgence comme celle que nous connaissons actuellement, n’a eu d’autres choix que de recourir à cette force de frappe pour que les mesures prises puissent atteindre, le plus efficacement possible, et avec célérité, des pans entiers de la population. Aujourd’hui, les banques sont donc en première ligne pour éteindre l’incendie causé par la crise. La responsabilité est immense. Et force est de reconnaitre que, pour le moment, elles se sont plutôt bien acquittées de cette tâche, malgré quelques critiques qui n’ont pas manqué de fuser de la part de certains mécontents.

Hausse attendue de la sinistralité

Mais si les banques font globalement le job, cela a un prix : la hausse du coût du risque. L’agence Moody’s vient de le rappeler en abaissant la perspective de la note des banques marocaines, passant de stables à négatives. Dans un rapport publié ce lundi 27 avril, l’agence de notation indique que les banques marocaines seront confrontées à un affaiblissement de la qualité et de la rentabilité des prêts, alors que la pandémie de Covid-19 pèse sur certains pans de l'économie.

«La détérioration liée au coronavirus s'ajoutera aux créances en souffrance élevées existant en raison des concentrations d'emprunteurs, de l'exposition aux petites et moyennes entreprises (PME) et à l'Afrique subsaharienne», estime Moody’s. L’agence prévoit ainsi que les créances en souffrance du secteur augmenteront entre 9% et 11% du total des prêts en 2020, contre 8% à la fin de 2019. L’agence explique toutefois que bien que la capitalisation soit relativement modeste pour les banques marocaines, elles bénéficient d'un bon accès au financement et à la liquidité, ce qui contribuera à amortir l'impact de la détérioration de l'économie.

Les banques sont donc amenées à résoudre une équation difficile, à savoir maintenir une politique de gestion du risque aussi rigoureuse que possible dans un environnement des plus incertains, tout en continuant à financer les besoins de l’économie. Tout l’enjeu est là. «Si les entreprises ne peuvent pas emprunter pour affronter cette tempête économique, la reprise prendra plus de temps et la capacité de production du pays subira des dommages à long terme», affirme un banquier.

S’il est vrai que la Banque centrale a déjà engagé des mesures d’assouplissement, principalement sur le volet prudentiel et celui du refinancement, pour permettre aux banques de jouer pleinement leur rôle de financeur de l’économie, il reste que d’autres mesures doivent être prises pour que la machine à crédit ne se grippe pas sur le long terme. «La Banque centrale a un double défi : maintenir l'inflation à un taux raisonnable (2 à 3%) et soutenir les banques pour qu'elles continuent à financer l'économie», souligne notre banquier.

«Plusieurs instruments peuvent être actionnés : abaisser le taux directeur pour le ramener à 1,25%, continuer à acheter le papier disponible chez les banques, et refinancer, comme elle le fait actuellement, tous les crédits octroyés», préconise notre source.

Renforcer les fonds propres

Un autre passage obligé pour les banques, selon plusieurs banquiers, est relatif à la nécessité de renflouer les fonds propres. Et cela passe, notamment, par la non distribution des dividendes. En effet, garder ces fonds contribuerait à solidifier leur assise financière, dans un contexte des plus incertains. «Les banques doivent renforcer les capitaux propres aussi bien par la non distribution des dividendes et l'injection des bénéfices dans le capital, que faire appel aux actionnaires pour injecter de l'argent frais», préconise-t-on. Notons que pour l’instant, seule la BMCI a décidé de revoir, à la baisse, son dividende.

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