Fin de l’aide aux transporteurs: le sevrage sera difficile … pour les citoyens !

Fin de l’aide aux transporteurs: le sevrage sera difficile … pour les citoyens !

Dans le cadre de ses prévisions budgétaires, le gouvernement entend mettre fin à partir du deuxième semestre de l’année 2023, à l’aide octroyée jusquelà aux transporteurs. Cette dernière visait à préserver le pouvoir d’achat des ménages par la mise en place d’un mécanisme de compensation partiel du surcoût énergétique. La démarche n’a semble-t-il pas produit les effets escomptés, puisque les prix des denrées alimentaires se maintiennent, malgré une certaine stagnation, à des niveaux très élevés, pour ne pas dire inquiétants pour bon nombre de ménages marocains.

Quant aux transporteurs, ils fustigent cette démarche en mettant en avant leur propre référentiel, à savoir un litre de gasoil à 9 DH. Une forme de chantage à peine voilée, puisque le sous-entendu est on ne peut plus clair : si l’aide étatique venait à être supprimée, nous refuserons de déduire de nos marges la différence entre le prix optimal de 9 DH/l et le prix actuel qui gravite autour de 11,7 DH/l. Autrement dit, c’est au citoyen qu’il reviendra de porter ce fardeau. Comme d’habitude, vous me direz.

De son côté, le gouvernement refuse bec et ongles de toucher aux sacro-saintes TVA et TIC (Taxe intérieure de consommation) sur les hydrocarbures, dont le poids cumulé pèse actuellement autour de 31% du prix final pour le gasoil, et 38% pour l’essence. Une aubaine qu’il n’entend pas lâcher de si tôt, d’autant plus que les finances de l’Etat ne sont pas au beau fixe actuellement. Que faire ? Voilà la question qui fâche, tellement les recours possibles semblent manquer cruellement. Car retenir l’inflation par des digues tarifaires ou par des aides en amont, ne fait que retarder l’inévitable, avec peut-être même un effet amplifié.

Casser le thermomètre n’a jamais fait disparaître la fièvre. Peut-être que dans les cas les plus compliqués comme celuici, le mieux serait de ne rien faire, laissant ainsi les choses se faire par elles-mêmes. Mais laisser les prix réels s’exprimer dans le contexte actuel, sans la mise en place d’un registre social unifié qui permettrait d’aider directement les populations les plus fragiles, reviendrait à achever ce qui reste de la classe moyenne, tout en projetant davantage les plus précaires dans la misère.

Cependant, si l’on veut quand même agir efficacement en faveur des consommateurs, tout en prenant en compte l’intérêt des transporteurs dans le cas présent, certaines conditions doivent être réunies. Car agir efficacement sur un secteur, réclame un certain nombre de prérequis sans lesquels toute aide octroyée reviendrait à verser de l’eau dans le sable. Le premier des prérequis étant la transparence du secteur en question, en l'occurrence celui des hydrocarbures, ou sur un autre registre, celui de l’agroalimentaire. Cette transparence doit porter autant sur la structure des prix que sur les marges et les coûts d’approvisionnement.

Une cartographie claire et limpide permettrait non seulement à l’Etat de pouvoir simuler efficacement l’impact de telle ou telle aide, ou de tel ou tel mécanisme sur le prix final, mais aussi de pouvoir surveiller l’évolution des marges des distributeurs, et de pouvoir éventuellement négocier un gel des hausses de ces dernières, voire même une baisse dans un schéma de solidarité globale.

Deuxième prérequis, le respect des règles du jeu. Car la libéralisation des prix des hydrocarbures entamée en 2015 avait pour contrepartie le respect du jeu concurrentiel entre les différents acteurs, mais aussi celui de la corrélation entre l’évolution des cours du pétrole à l’international, et celle des prix affichés à la pompe. Sans quoi, toute hausse des prix sur le marché national pourrait être soupçonnée, à tort ou à raison, de donner lieu à des surprofits au détriment du consommateur. Sur ce point, le rapport du Conseil de la concurrence a fait son diagnostic : les règles du jeu sont loin d’être respectées, et des schémas d’entente entre concurrents ont été pointés du doigt.

Cependant, aucun remède n’a jusqu’à présent été apporté. Enfin, dernier prérequis : une stratégie cohérente et réactive. Soit, quels sont les objectifs visés ? Provoquer une baisse structurelle ou conjoncturelle du prix ? Agir en amont sur les coûts ou en aval sur les marges? Une aide ciblée en faveur d’une catégorie de la population ou une aide indifférenciée ? Les questions qui permettent d’élaborer une stratégie sont nombreuses, et fondent dans une grande mesure le degré d’efficacité quant aux objectifs visés.

Mais par-delà les prérequis, la plus belle stratégie du monde ne produira aucun effet palpable, si l’Etat ne se dote pas en amont et en aval, des moyens de pilotage, de contrôle et d’évaluation nécessaires, afin de pouvoir recalibrer ou réajuster sa stratégie selon l’évolution du contexte et les résultats obtenus. C’est la question centrale de la veille et de la réactivité des autorités de régulation et de contrôle, dont le Conseil de la concurrence est la pierre angulaire. Une politique se juge à ses résultats, non à ses intentions !

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Archè Consulting

 

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