Entretien : Le HCP étoffe ses enquêtes

Entretien : Le HCP étoffe ses enquêtes

Ahmed Lahlimi AlamiAhmed Lahlimi Alami, Haut Commissaire au Plan, revient pour nous sur le changement de base (2007 au lieu de 1998) opéré récemment. Ce changement de l’année de base sera désormais réalisé tous les cinq ans. L’enquête nationale sur les structures économiques sera aussi actualisée tous les 5 ans. Des enquêtes sectorielles portant sur le commerce de gros et les services marchands financiers verront également le jour.

Finances News Hebdo : Le HCP vient d’arrê­ter les comptes nationaux provisoires pour l’année 2014. Il en ressort un taux de crois­sance du PIB de 2,4%. Ce taux est très proche de vos prévisions, qui avaient suscité, début 2014, une vive polémique. Aujourd’hui, les chiffres donnent raison à votre institution. Est-ce une victoire pour vous, vis-à-vis de ceux qui, à l’époque, vous accusaient de suivre un agenda politique et remettaient en cause l’indépendance du HCP ?

Ahmed Lahlimi Alami :  Ce n’est pas en termes d’autosatisfaction que je relève la précision de nos prévisions économiques, en général, et en 2014, en particulier. Cela est tout simplement le résultat de la qualité de nos références statistiques issues d’enquêtes sur le terrain, en particulier dans les domaines de l’emploi, des prix, de la consommation des ménages, des structures économiques et de l’activité des entreprises. C’est aussi, et il faut le souligner, le résultat de notre maîtrise de modèles d’analyse économique performants pour le suivi de la conjoncture et les prévisions à court et à moyen termes de l’économie nationale.

F.N.H. : Le HCP a procédé au changement de la base des comptes nationaux, en l’occur­rence 2007 au lieu de 1998. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs l’intérêt d’un tel changement ? Est-ce une simple mise à jour, ou ses implications sont-elles plus pro­fondes ?

A. L. A. : Les changements d’année de base répondent à une double exigence d’adaptation aux normes comptables adoptées régulièrement par la Commission Statistique des Nations Unies et de prise en compte par la Comptabilité Nationale des mutations des modèles de production, de consom­mation, d’échange et de management que connait le tissu productif national. Le but est de faire de la Comptabilité Nationale un outil d’analyse de plus en plus désagrégé pour une meilleure connaissance des réalités socioéconomiques du pays et une plus grande comparabilité au plan international.

F.N.H. : Quels sont les impacts les plus signi­ficatifs de ce changement de base ? En quoi cela est-il susceptible de changer notre per­ception du modèle de croissance économique marocain ?

A. L. A. : L’adoption de la base 2007 se traduit par la révision du niveau de certains agrégats macroéco nomiques, tels que le PIB, la consommation finale ou l’investissement et, de là, par une actualisation des indicateurs macroéconomiques de base, notamment les déficits du budget ou des finances extérieures. Elle ne modifie pas notre perception du modèle de croissance économique, lequel s’analyse à partir des structures de production et d’échange et de mode de répartition sociale des revenus que n’a pas vocation à modifier le changement de base.

F.N.H. : Certains économistes déplorent un manque de données chiffrées disponibles (notamment pour le secteur agricole et les services) sur le plan national pour pouvoir prendre les décisions adéquates, et allouer, de manière plus rationnelle, les ressources. Partagez-vous ce point de vue ?

A. L. A. : Les enquêtes permanentes menées par le HCP permettent de fournir des données précises et actualisées sur les secteurs des industries de transformation, des mines, de l’énergie et des BTP. A partir du prochain trimestre, s’ajouteront à ces secteurs ceux du commerce de gros et des services marchands non financiers. Des informations supplé­mentaires seront fournies, en ce qui concerne les industries, sur les aspects liés à l’environnement, ceux relatifs notamment au captage d’eau, au traite­ment des eaux usées et des déchets, etc. Toutes ces données sont utilisées par la Comptabilité Nationale et exploitées dans nos études de conjoncture et de prévision économique. S’agissant de l’agriculture, le producteur de l’information est le département gouvernemental en charge de ce secteur. Nous continuons à espérer l’avènement d’un recensement agricole qui permettrait une meilleure analyse des exploitations agricoles et, au-delà, une meilleure connaissance de l’économie rurale. C’est, du reste, l’une des Hautes Instructions données par Sa Majesté au Gouvernement dans le message que Sa Majesté a bien voulu adresser aux statisticiens, à l’occasion de la Journée Mondiale de la Statistique, le 20 octobre 2010.

F.N.H. : Les enquêtes de structure sont pri­mordiales pour les besoins en informations statistiques. Le HCP a annoncé récemment le lancement de la grande enquête nationale de structure auprès des entreprises, la première depuis 2007. Ne faudrait-il pas en accélérer la fréquence comme c’est le cas dans plusieurs pays ? Est-ce une question de moyens ?

A. L. A. : La renommée que le Système National de Statistique a acquise au plan international, grâce à la qualité des performances du HCP et son rôle dans les organismes internationaux et régionaux compétents dans ce domaine, impose à notre pays une incontour­nable obligation, celle de se conformer aux normes en vigueur dans ces organismes et passer à un chan­gement de l’année de base tous les cinq ans. Cela devrait se faire à partir de 2020, après le passage, dès 2018, à la base 2014. C’est vous dire la place centrale de l’Enquête Nationale sur les Structures Economiques 2015 et de la nécessaire régularité de son actualisation tous les 5 ans. Bien sûr, il y a une question de moyens et c’est pour cela que les crédits budgétaires consacrés au HCP devraient avoir un caractère pluriannuel. C’est là, faut-il le rappeler, l’une des Hautes Instructions de Sa Majesté, dans le Message aux statisticiens dont je vous ai parlé.

 

Propos recueillis par A. Elkadiri

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