Grâce à la panoplie de politiques publiques, le gouvernement égyptien ambitionne de faire figurer le pays des Pharaons dans le top 20 des nations les plus en pointe dans le domaine des technologies de l’information et de la communication.
Le marché égyptien des TIC regorge de plusieurs avantages comparatifs pour les entreprises marocaines, qui feront le choix de s’y installer (disponibilité des compétences, coût salarial bas, etc.). Zouheir Lakhdissi, membre de la Fédération marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring, et fondateur de la société Dial Technologies, décrypte les multiples possibilités de collaboration win-win entre les entreprises égyptiennes et marocaines.
Finances News Hebdo : Comment jugez-vous les perspectives de développement du marché égyptien des TIC au regard de la grande ambition du gouvernement, celle de faire figurer l’Egypte dans le top 20 des nations les plus en pointe dans le domaine des nouvelles technologies ?
Zouheir Lakhdissi : Il convient d’emblée de souligner que le marché égyptien a un grand potentiel, puisqu’il compte plus de 90 millions de consommateurs. L’Egypte constitue incontestablement une rampe d’accès pour deux principaux marchés, en l’occurrence le Moyen-Orient et les pays d’Afrique de l’Est. Au cours de ces derniers temps, l’attractivité de ce marché pour l’export s’est accrue à cause de la dévaluation de la Livre égyptienne.
F.N.H. : Quelle est votre appréciation globale sur les politiques publiques égyptiennes visant à bâtir in fine une e-society ?
Z. L. : Les politiques publiques en la matière sont très ambitieuses. J’espère juste que l’Egypte ne soit pas en train de faire les mêmes erreurs que le Maroc, qui a voulu relever plusieurs défis à travers la mise en place de plusieurs axes stratégiques. Or, dans ce genre d’initiatives, il me semble être plus judicieux de se focaliser sur trois ou quatre volets susceptibles de réussir. Au demeurant, j’estime qu’au regard du contexte économique actuel, il y a de fortes chances que les programmes publics dédiés à l’export rencontrent le succès escompté. Pour le volet interne, il y a encore une problématique liée à l’adaptation de la culture locale à la transformation digitale. Du reste, l’Egypte est une grande nation, comme en témoigne son histoire qui brille par sa richesse. Cela laisse légitimement croire que cette contrainte sera levée.
F.N.H. : Le marché égyptien des TIC est qualifié de mature. Certains opérateurs égyptiens se distinguent à l’international grâce à leur expertise. L’âpre compétition qu’abrite ce marché n’est-elle pas un frein pour les entreprises marocaines ?
Z. L. : Le marché égyptien des TIC est très compétitif. L’Egypte compte beaucoup de compétences hautement qualifiées. Ce qui constitue un réel avantage par rapport à plusieurs pays. L’autre atout à relever est l’avantage comparatif en termes de coût. Il faut savoir que le salaire mensuel d’un ingénieur égyptien débutant tourne autour de 2.500 livres égyptiennes (environ moins de 2.500 DH actuellement) contre près de 8.000 à 9.000 DH pour un ingénieur marocain. Ce qui me semble être intéressant pour les entreprises marocaines qui ont l’ambition d’ouvrir des bureaux dans ce pays. Par ailleurs, il est opportun de bâtir un modèle gagnant-gagnant avec les entreprises égyptiennes. Plusieurs schémas peuvent être envisagés. En effet, les entreprises marocaines installées en Egypte pourraient recruter des compétences locales pour s’attaquer à d’autres marchés. L’autre piste à explorer est le partenariat entre les entreprises marocaines et égyptiennes ayant des expertises différentes. Le but étant de créer une logique de complémentarité, véritable atout pour s’attaquer à leurs marchés respectifs et aux multiples marchés régionaux.
F.N.H. : Quel regard portez-vous sur le climat des affaires en Egypte ?
Z. L. : De prime abord, le climat général des affaires est favorable à l’entrepreneuriat. Le marché égyptien est très ouvert, au même titre que celui du Maroc. Les entreprises étrangères peuvent librement s’implanter en Egypte sans contraintes de seuil d’acteurs locaux et de niveau d’investissement. D’ailleurs, l’autorité égyptienne en charge des investissements encourage les entreprises étrangères à s’implanter sur le territoire. Aujourd’hui, des majors mondiaux, pour ne citer que Samsung ou LG, produisent localement. Cela dit, le business est avant tout une question d’opportunités à saisir et de leviers à actionner pour tirer son épingle du jeu.
F.N.H. : La Fédération marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring (Apebi) a-t-elle une stratégie pour aider les entreprises marocaines à mieux investir les marchés maghrébins qui se révèlent être porteurs ?
Z. L. : Il faut dire que l’Apebi n’a pas une stratégie spécifique au Maghreb. En revanche, notre entité dirigée par Saloua Karkri-Belkeziz a une stratégie globale, qui accompagne le Plan Maroc Digital 2020. Ce dernier comporte un axe, qui a pour but de faire du Maroc un hub régional dans le domaine des TIC. Aujourd’hui, il y a une réelle volonté de la part de notre ministère de tutelle, de Maroc Export, et bien entendu de l’Apebi de mieux positionner les entreprises marocaines sur l'échiquier international. Cette mission de prospection en Egypte en est une parfaite illustration, et certainement d’autres suivront au cours des mois à venir.
Propos recueillis par M. Diao