L’association de l’expérience marocaine et celles des pays africains frères dans le domaine des transports et de la logistique ne peut que consolider la place de l’Afrique dans la carte des échanges mondiaux. Le point avec Younes Tazi, DG de l’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL).
Finances News Hebdo : Rabat abrite le 1er Congrès africain des transports et de la logistique. Comment le Maroc peut-il mettre à profit son expertise et son savoir-faire au service des pays africains ?
Younes Tazi : L’impulsion politique donnée aux relations du Maroc avec l’Afrique, confirmée par la récente tournée royale, la troisième en deux ans, a permis de renforcer le rôle de locomotive économique que joue le Maroc sur le continent africain, à travers plusieurs accords de coopération et d’investissements, qui ont été conclus.
Cette coopération a concerné plusieurs secteurs d’activité dont celui des transports et de la logistique, qui constitue un secteur catalyseur et un levier pour une meilleure intégration régionale et un préalable pour un développement soutenu des échanges interafricains.
Dans ce sens, des accords bilatéraux de partenariat dans le domaine de la logistique ont été conclus avec le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Tunisie.
Ces accords, qui peuvent être étendus à d’autres pays africains frères, visent à instaurer une coopération mutuellement bénéfique et un cadre favorable d’échange et de partage de savoir-faire et d’expertise dans le domaine de la logistique.
Nous sommes convaincus que l’association de l’expérience marocaine et celles des pays africains frères dans le domaine des transports et de la logistique ne peut que consolider la place de l’Afrique dans la carte des échanges mondiaux.
Le 1er Congrès africain des transports et de la logistique, organisé au Maroc du 25 au 27 novembre 2015, est un moment tout indiqué pour opérer cet échange et renforcer cette coopération.
F.N.H. : Après son démarrage effectif, qu’est-ce que l’AMDL a-t-elle réalisé concrètement ?
Y. T. : L’agence a amorcé plusieurs chantiers selon une approche partenariale avec un ensemble d’acteurs publics et privés au niveau national et local. A ce titre, et s’agissant des infrastructures logistiques, l’AMDL a entrepris un travail de planification et de structuration de projets de zones logistiques au niveau de plusieurs régions du pays. Cela a notamment permis d’identifier près de 2.750 ha d’assiettes foncières, soit 83% des besoins initialement constatés à l’horizon 2030 dans le cadre du schéma national des zones logistiques.
Par ailleurs, l’agence a largement assuré son rôle de syndication des acteurs intervenant dans la mise en oeuvre de la stratégie logistique nationale en particulier à travers la préparation et la coordination de plans d’actions sectoriels sur la période 2014-2020. Cela consiste en l’amélioration des principales chaînes logistiques du pays (import/export, distribution interne, …), actés par la signature de conventions spécifiques associant toutes les parties prenantes publiques et privées. Dans le cadre de ces plans d’actions convenus avec la communauté logistique, l’AMDL s’est investie dans les chantiers de la mise à niveau de la logistique urbaine et du développement de l’externalisation des opérations logistiques au sein des entreprises marocaines.
Pour ce qui est du développement des compétences, un board de coordination de la formation dans les métiers de la logistique, composé de représentants des employeurs (secteur privé) et des organismes chargés de la formation, a été créé en vue d’une meilleure adéquation entre l’offre et la demande.
L’agence a également veillé à ce que le processus de normalisation du secteur de la logistique au Maroc soit enclenché, notamment en soutenant la création d’une commission nationale à cet effet.
Outre le levier de la coopération internationale, qui a été actionné au profit du secteur et acteurs logistiques, l’AMDL a conduit plusieurs actions de promotion au niveau national et international pour présenter les atouts logistiques du pays, les opportunités et la dynamique que connait le secteur de la logistique au Maroc. Ces efforts de promotion ont permis, entre autres, d’ouvrir au Maroc la voie pour être le premier pays non européen à devenir membre à part entière de l’ELA (European Logistics Association).
F.N.H. : Quelles sont vos projets à venir ?
Y. T. : L’action future de l’AMDL portera en matière de développement des zones logistiques sur la préparation du processus de placement des projets les plus matures en s’attelant à réunir toutes les conditions de leurs succès notamment des assiettes foncières à des prix compétitifs et une bonne connectivité aux différents réseaux d’infrastructures.
Par ailleurs, un programme spécifique au renforcement de la compétitivité et à l’amélioration de la performance logistique des PME est prévu pour être mis en place à partir de l’année 2016. Ce programme vise aussi bien la professionnalisation des prestataires logistiques que la mise à niveau de la fonction logistique au sein des PME.
Un programme national pour la mise à niveau de la logistique urbaine sur la période 2016-2021 sera également lancé au profit d’un ensemble de villes marocaines connues par leur densité commerciale et la complexité de leur logistique urbaine.
Aussi, et dans le but de renforcer l’encadrement du secteur logistique au Maroc, une attention particulière sera accordée au développement d’une réglementation ayant notamment pour objectifs de mettre en place une assise juridique propre au secteur. Elle vise à mieux canaliser l’investissement dans les infrastructures logistiques, à mieux encadrer l’exercice de la profession d’opérateur logisticien et à mieux organiser les activités de la logistique urbaine.
F.N.H. : Quels sont les points négatifs qui continuent de pénaliser le secteur des transports et de la logistique ?
Y. T. : Je pense que le Maroc a fait des avancées importantes dans la voie de modernisation du secteur des transports et de la logistique. En effet, le pays se positionne désormais en leader dans sa région en termes de compétitivité logistique.
Néanmoins, il existe encore un important potentiel d’amélioration, notamment en matière de services et de prestations logistiques. Le recours insuffisant à une logistique moderne et professionnelle fournie par des prestataires spécialisés, et la prédominance d’une logistique traditionnelle souvent réalisée pour compte propre, constituent des freins à la modernisation du secteur des transports et de la logistique.
Cette situation empêche la mutualisation d’une part importante de la logistique des entreprises marocaines et induit dans la plupart des cas à une sous-utilisation des actifs logistiques se répercutant à la fin sur le coût logistique global du pays.
S’ajoute à cela la prudence de l’investissement privé dans un secteur relativement nouveau et méconnu des acteurs économiques. Cela nécessite de doubler les efforts de promotion des opportunités et du potentiel qui existent dans le marché des prestations logistiques. Nous sommes fermement convaincus à l’AMDL que la réussite de la mutation logistique que vise le Maroc, passe impérativement par l’émergence d’acteurs logistiques intégrés et performants.
Propos recueillis par Charaf Jaidani