Les résultats significatifs obtenus grâce au PMV ont conduit à la reconduction de l’agriculture solidaire dans le cadre de «Génération Green 2020-2030». Au SIAM, l’Agence veille chaque année à mettre en place un stand institutionnel pour être à l’écoute des producteurs des produits du terroir et des visiteurs. Entretien avec El Mahdi Arrifi, Directeur général de l’Agence de développement agricole.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Génération Green accorde une grande importance à l’entrepreneuriat des jeunes. Quel rôle peut jouer votre organisme à ce niveau ?
El Mahdi Arrifi : La stratégie «Génération Green 2020-2030» a accordé une attention particulière aux jeunes en instaurant un programme dédié visant à favoriser l'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs agricoles. Cela implique non seulement de les accompagner dans leur insertion professionnelle, mais également de leur offrir les outils et les opportunités nécessaires pour créer des entreprises rentables. Pour réaliser cette vision ambitieuse, la stratégie Génération Green s'appuie sur quatre principaux leviers. Le premier vise à mobiliser et à valoriser un million d'hectares de terres collectives. Cela inclut le développement de mécanismes incitatifs pour guider et soutenir les jeunes dans la conception et la mise en œuvre de leurs projets agricoles. Le deuxième ambitionne de faciliter l'accès des jeunes aux terres agricoles et à garantir la continuité des exploitations. Quant au troisième, il met l'accent sur la promotion de l'entrepreneuriat chez les jeunes, en les encourageant à créer des entreprises dans les services agricoles, paraagricoles et digitaux.
De son côté, le quatrième levier consiste à améliorer l'offre de formation et de qualification professionnelle pour les jeunes. En tant qu'entité responsable de la mise en œuvre du programme d'entrepreneuriat des jeunes, l'Agence pour le développement agricole (ADA) a réalisé plusieurs actions, à savoir la préparation des mécanismes nouveaux et innovants pour soutenir et accompagner les jeunes entrepreneurs à travers la mise en place des Centres régionaux des jeunes entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires (CRJEA). Ces CRJEA joueront un rôle important pour attirer les jeunes à investir et à entreprendre dans le domaine agricole et dans le monde rural. Pour cela, une offre intégrée, complète et à la carte a été développée, portant sur l’appui à la création d'entreprises agricoles et à l’accompagnement des jeunes entrepreneurs porteurs d’idées de projets pour développer leur business plan dans les différentes chaînes de production agricole, les industries alimentaires, les services agricoles et para-agricoles. L’offre propose également l'accompagnement des jeunes entrepreneurs dans la constitution des dossiers de subvention et de financement bancaire, la formation des porteurs de projets et le renforcement de leurs capacités sur les aspects techniques liés à la nature des activités agricoles et des services liés au domaine agricole, ainsi que sur les aspects managériaux liés à la gestion des entreprises sur le plan financier et comptable.
L’ADA a aussi mis en place une plateforme digitale dédiée à l’entrepreneuriat des jeunes, connue sous le nom de Chababagri. Elle permet de mettre à la disposition des jeunes, à travers son espace informatif, les outils et les informations utiles (techniques, administratives et financières), nécessaires pour la structuration de leurs idées de projets entrepreneuriaux. Elle dispose d’un espace du jeune permettant la e-inscription au programme de l’entrepreneuriat et le suivi du traitement de dossiers projets portés par les jeunes, ainsi qu’un espace de suivi et évaluation du programme. Dans la même optique, et pour encourager davantage les jeunes à entreprendre dans le secteur agricole, l’ADA a créé le Concours national Agriyoung Innovate, dont la 2ème édition a été lancée le 31 janvier 2024. Ce concours vise à soutenir les jeunes entrepreneurs porteurs de projets innovants dans les secteurs de l'agriculture digitale et climato-intelligente. Les lauréats bénéficient d'un programme intensif comprenant des formations, un mentorat personnalisé et des ateliers pratiques à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguerir (UM6P).
En parallèle, des initiatives d'agriculture solidaire sont mises en œuvre pour favoriser l'inclusion sociale des jeunes au niveau des zones marginales et diversifier leurs sources de revenus, grâce à des investissements publics. En ce qui concerne la valorisation d'un million d'hectares de terres collectives, l'ADA a préparé une offre de valorisation des terres collectives qui définit les offres de valeur, les types d’incitations spécifiques retenues ainsi que le budget prévisionnel alloué. La déclinaison de cette offre a abouti à la mise en place d’aides financières adaptées à chaque offre de valeur (aide à l’investissement, aide à la location et aide additionnelle). Ces aides financières de l’Etat, qui seront mobilisées par le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts dans le cadre du Fonds de développement agricole (FDA), s’ajouteront aux aides financières accordées dans le cadre du régime universel en vigueur.
F.N.H. : L’agriculture solidaire est un pilier du Plan Maroc Vert. Quelles sont les dispositions prises dans le cadre de Génération Green pour développer ce créneau ?
E. M. A. : Le deuxième pilier du Plan Maroc Vert (PMV) s'est penché sur le développement de l'agriculture solidaire en intégrant la petite agriculture dans l’économie nationale. L'objectif principal est d'adopter une approche axée sur la lutte contre la pauvreté, en accroissant les revenus agricoles des exploitants les plus vulnérables. Cela passe par des investissements publics dans la mise en œuvre de projets communautaires visant la reconversion, l'intensification et la diversification des activités agricoles. À ce titre, 989 projets d’un investissement de 14,5 milliards de dirhams ont été réalisés, permettant ainsi d'augmenter et de stabiliser les revenus de 730.000 petits producteurs. Les résultats significatifs obtenus grâce au PMV ont conduit à la reconduction de cette agriculture solidaire dans le cadre de «Génération Green 2020-2030», en adoptant une approche participative.
Cette dernière repose sur plusieurs aspects, notamment une intervention holistique prenant en considération le ciblage des populations les plus vulnérables, avec une attention particulière portée à la question du genre. Et ce, dans le but d'améliorer l'autonomisation des femmes et des jeunes dans les zones marginales, telles que les zones de montagne, les zones oasiennes, les zones arides et semi-arides, l'adaptation des systèmes de production agricole aux besoins des agriculteurs et aux spécificités des territoires. Tout en valorisant les ressources locales, ainsi que la mobilisation des acteurs locaux autour d'un projet de revitalisation territoriale pour le renforcement de la coordination des actions et l’amélioration de l'efficience et la durabilité des investissements à entreprendre. Les principaux objectifs de l’agriculture solidaire nouvelle génération sont de contribuer à l'amélioration des revenus des petits agriculteurs et à la création d'emplois, ainsi qu'à l'amélioration de l'attractivité des territoires et au renforcement de la résilience de l'agriculture familiale. Pour atteindre ces objectifs, le programme de l'agriculture solidaire envisage une offre diversifiée de projets solidaires.
Ces projets visent la diversification et l'intensification durables des systèmes de production existants, notamment par la plantation d'espèces végétales plus adaptées et résilientes aux changements climatiques, sur une superficie de 400.000 hectares. De plus, le programme encourage le recours à toutes les solutions d'adaptation et d'atténuation disponibles pour faire face aux défis climatiques. Il soutient également des projets de valorisation des produits et sous-produits agricoles, ainsi que la mise en place d'initiatives économiques locales visant à créer des revenus pour les femmes et les jeunes. A ce jour, grâce à la collaboration et à l'engagement de toutes les parties prenantes, et malgré les contraintes et les difficultés découlant notamment de la crise sanitaire liée à la Covid19 et des années successives de stress hydrique, 58 projets de l'agriculture solidaire ont été approuvés dans les 12 régions du Maroc. Cela représente un investissement global à terme de 1.406 milliards de dirhams au profit de plus de 40.000 bénéficiaires, parmi lesquels figurent plus de 11.000 jeunes ruraux et près de 6.500 femmes rurales. Ces projets approuvés visent, entre autres, à améliorer la mobilisation et l'efficacité des ressources en eau, à renforcer les infrastructures et l'accessibilité des populations rurales, à diversifier les systèmes de production agricole et à promouvoir le développement de filières résilientes et prometteuses telles que le cactus, l'olivier, l'amandier et le caroubier. Ils visent également à contribuer à l'inclusion et l'autonomisation économique des femmes rurales et des jeunes en soutenant l'émergence d'initiatives économiques locales. Notre objectif est de renforcer les réalisations déjà accomplies et de développer de nouveaux projets structurants qui répondent aux besoins évolutifs de nos territoires ruraux et de nos petits agriculteurs, ainsi que des jeunes et des femmes en milieu rural.
F.N.H. : Comment se décline l’attribution de l’ADA en matière d’accompagnement des coopératives ?
E. M. A. : L’ADA porte un fort appui aux groupements producteurs des produits du terroir depuis l’avènement du PMV, et également dans le cadre de la stratégie Génération Green qui vise à maintenir et renforcer davantage cet appui. Ce dernier est concrétisé par diverses actions menées par l’ADA, en parfaite collaboration avec les Directions centrales et régionales du Département de l’agriculture. Il s’agit principalement du lancement de 9 programmes de mise à niveau des groupements producteurs des produits du terroir au profit de 430 groupements, représentant 1.206 coopératives et 32.386 petits agriculteurs. En ce qui concerne l’accès au marché national, 264 groupements représentant 523 coopératives et plus de 13.650 petits agriculteurs ont été référencés au niveau des grandes et moyennes surfaces (GMS), du marché solidaire Oasis Casablanca et de la chaîne de distribution Belge Colruyt.
Ces groupements bénéficient des avantages offerts par les conventions de partenariat signées entre le Département de l’agriculture et les enseignes GMS, tels que la gratuité du référencement et des marges-arrières. Aussi, deux kiosques coopératifs ont été mis en place à Agadir et à Rabat en faveur de 95 groupements représentant 250 coopératives et 6.280 petits agriculteurs, afin de leur permettre d’écouler leurs produits et améliorer leurs revenus. Une action qui a fortement soulagé un nombre important de producteurs des produits du terroir pendant la période difficile de la Covid-19 qu’a traversée le monde. Dans le même sens, une plateforme dédiée à la promotion et la commercialisation électronique des produits du terroir «www.terroirdumaroc.gov.ma» a été lancée en 2020 au profit de 200 groupements (soit 382 coopératives et 11.670 petits agriculteurs). L’ADA a aussi veillé, dans le cadre du renforcement de la notoriété des produits du terroir marocain, à la mise en place du label collectif «Terroir du Maroc» en tant que marque collective pour la promotion des produits du terroir marocain.
À ce jour, l’ADA a procédé à l’octroi des autorisations d’usage au profit de 1.238 produits émanant de 285 groupements producteurs (soit 503 coopératives et 13.845 adhérents). Il faut aussi signaler que six éditions du concours marocain des produits du terroir ont été organisées depuis 2014. Ainsi, la 6ème édition du concours a connu la participation de 1.214 produits de 348 producteurs (soit 650 coopératives). L’objectif ultime dudit concours est de mettre en valeur les meilleurs produits du terroir et de promouvoir leur qualité auprès des consommateurs. Et pour ce qui est de l'encouragement à l'exportation des produits du terroir et leur promotion au niveau international, des retombées positives ont été obtenues à travers l’organisation de la participation de 354 groupements comprenant 898 coopératives et plus de 29.135 petits agriculteurs aux différentes manifestations et expositions internationales, ainsi que des rencontres d'affaires «B2B» entre agriculteurs et acheteurs potentiels (entreprises, distributeurs, usines, centrales d'achat, etc.).
F.N.H. : Le SIAM entame cette année sa 16ème édition. Comment se présente la participation de l’ADA à cet événement ?
E. M. A. : Comme vous le savez, le Salon international de l'agriculture au Maroc (SIAM) est le rendez-vous agricole incontournable de l’année. Aussi, il représente le lieu par excellence pour connecter les professionnels et les institutionnels du secteur agricole ainsi que le grand public. En ce qui concerne la participation de l'ADA à cette seizième édition, elle connaîtra une très forte mobilisation, et ce à différents niveaux, à savoir l’organisation du pôle des produits du terroir en coordination avec les directions régionales et le Commissariat du salon, une présence renforcée au niveau des pôles institutionnel et Agri-Digital ainsi que l’organisation et la participation à d’importants événements. En ce qui concerne le pôle des produits du terroir, l’Agence veille chaque année à mettre en place un stand institutionnel pour être à l’écoute des producteurs des produits du terroir et des visiteurs. Pas moins de 500 producteurs des produits du terroir y exposeront leurs produits, avec une offre riche et diversifiée. Il convient de noter que tous les producteurs participant à cet événement sont titulaires de licences de sécurité sanitaire délivrées par l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA).
Quant à l'espace institutionnel «Agriculture du Maroc», organisé par le ministère de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, l’ADA mettra en place un dispositif renforcé pour être à la disposition des visiteurs tout au long des 7 jours de l’évènement. Et ce, au niveau de plusieurs espaces, à savoir l’espace financement et investissement, où l’ADA disposera d’un desk exclusivement dédié à l’investissement dans le secteur agricole, l’espace Entrepreneuriat des jeunes, où les équipes de l’Agence seront à l’accueil et à l’écoute des jeunes désirant entreprendre dans le secteur agricole pour leur fournir toutes les informations sur les programmes et les incitations offerts par le ministère. Également, l’ADA sera représentée au niveau des espaces, Génération Green, Filières animales et végétales, Commercialisation, Valorisation. En ce qui concerne le pôle AgriDigital, l’Agence exposera 3 systèmes informatiques, nommément, le Système d’informations géographiques des projets de l’agriculture solidaire (SIG), la plateforme Chababagri, dédiée aux jeunes entrepreneurs agricoles, ainsi que la plateforme Tajmi3agri, conçue pour la gestion et la dématérialisation des processus de mise en œuvre des projets d’agrégation agricole.
Par rapport au programme scientifique, en plus de sa participation à plusieurs conférences, l’ADA organisera deux importants événements. Le premier en partenariat avec le Crédit Agricole du Maroc sous le thème «Agriculture climato – résiliente en Afrique, rôle de l’entrepreneuriat des jeunes», et le deuxième en partenariat avec l’Agence française du développement (AFD) et l’Union européenne (UE), sous le thème «L’entrepreneuriat des jeunes dans les services agricoles et para-agricoles». Aussi, cette édition connaîtra la signature de plusieurs conventions entre l’ADA et d’importants organismes. Par ailleurs, l'ADA organisera la cérémonie de remise des prix de la 6ème édition du Concours marocain des produits du terroir qui s’est tenu courant cette année du 4 au 6 mars. Cette cérémonie sera présidée par le ministre de l'Agriculture et sera l’occasion de couronner les remarquables efforts déployés par les coopératives agricoles des produits du terroir en les valorisant aux yeux du grand public par des prix distinctifs.