Lors de son Conseil national extraordinaire, tenu à Rabat le 28 mai, le PJD a décidé le report de son VIIIème Congrès après les élections législatives fixées au 7 octobre prochain.
Lors de son Conseil national extraordinaire, tenu à Rabat le 28 mai, le PJD a décidé le report de son VIIIème Congrès après les élections législatives fixées au 7 octobre prochain. Les dirigeants de ce parti ont justifié cet acte par le souci de se mobiliser autour de l’agenda électoral. Un rendez-vous de première importance pour cette formation qui dirige le gouvernement depuis janvier 2012 et qui se présente déjà comme celle qui arrivera en tête dans cinq mois. Mais d’ores et déjà, ce parti se plaint de diverses mesures visant à ne pas lui permettre de déployer toutes ses énergies et ses potentialités dans le champ politique national.
Le PJD fait-il l’objet de mesures restrictives touchant ses activités ? Des meetings, plus précisément, ont-ils été interdits ? Pour l’heure, les mesures administratives prises par les autorités locales concernent Mustapha Khalfi à Aït Baha, voici un mois, puis Aziz Rabbah à Benslimane, tous deux ministres de l’actuel gouvernement. Une autre mesure d’interdiction a frappé la jeunesse PJD à Essaouira qui voulait distribuer des tracts dans le cadre d’une campagne de sensibilisation.
De tels faits posent deux problèmes : l’un juridique et l’autre politique. Les rassemblements publics sont régis par des textes fixant une procédure particulière : déclaration, objet, lieu. Dans les deux situations intéressant les ministres, cette procédure a-t-elle été respectée ? Ces deux responsables, familiarisés depuis des années avec la pratique, n’ignorent pas que les autorités locales, territorialement compétentes, ont toute latitude d’autoriser ou non des réunions publiques. C’est une question d’appréciation. En l’espèce, le motif invoqué par l’administration est que les manifestations prévues étaient de nature à poser des problèmes d’ordre public. En restant sur le terrain juridique, les deux ministres avaient la possibilité d’avoir un recours devant le tribunal administratif… Cette voie judiciaire n’a pas été utilisée.
Pourquoi ? Parce qu’ils savaient sans doute dès le départ qu’il leur fallait investir le terrain politique. En vue de quels objectifs ? Faire la preuve que l’«administration» freinait arbitrairement leurs activités partisanes, ce qui permet d’acter, publiquement, le statut d’une victimisation de la formation islamiste du PJD. Le calcul est sans doute de «faire des voix» sur
cette base-là avec cet argumentaire jugé efficace : «Ils nous mettent des bâtons dans les roues de ce train de réformes menées au gouvernement; voyez comment ils continuent aujourd’hui à nous empêcher d’avoir des activités partisanes normales…». L’on ne peut que s’étonner de cette situation, puisque cette question peut être débattue au moins dans deux cadres institutionnels pertinents : celui du Parlement, lors des questions orales hebdomadaires; ou encore celui du Conseil de gouvernement. Or, il n’en est rien. C’est donc bien un jeu de rôles qui est mené avec des visées particulières…
La suspicion qui entoure la confection des listes électorales lors des scrutins de septembre 2015 pose problème. Ce qui est en cause, c’est l’inscription électronique de plus de 300.000 électeurs dans des conditions jugées discutables par l’opposition. Cette opération aurait été mise en oeuvre surtout par les réseaux du PJD pour gagner de nouveaux électeurs à leur profit, et ce en assurant même une sorte d’accompagnement -de l’inscription jusqu’au jour du vote-comme si le PJD avait assuré à cette occasion un service après-vente. Que faire ? C’est évidemment au ministère de l’Intérieur de vérifier tout cela et, le cas échéant, de «toiletter» des listes. La crédibilité de l’opération électorale du 7 octobre prochain commande cette vérification. C’est la seule manière de donner tout leur sens aux urnes. L’opposition -c’est de bonne guerre- en profite pour mettre en cause les techniques et les méthodes de la formation islamiste visant à élargir son audience électorale.
Par Mustapha SEHIMI,
Professeur de droit politique
(1ère partie)