N’en déplaise à ceux qui pensent que l’actuel Roi du Maroc ne disposerait pas des mêmes atouts diplomatiques que ceux de feu Hassan II, Mohammed VI cultive une politique extérieure discrète et efficiente. De la traditionnelle tournée africaine à la COP21, en passant par le troisième sommet Inde-Afrique, l’année 2015 se clôture en beauté pour le Roi.
A lors que le Roi Mohammed VI bouclait l’année 2014 en beauté par une visite qui avait duré plusieurs jours en Turquie, il n’en sera pas moins en cette année 2015 où le Souverain était de tous les évènements mondiaux marquants. En effet, le Chef de l’Etat est actuellement en visite de travail et d’amitié aux Emirats Arabes Unis (EAU), à l’occasion de l’organisation de la Semaine du Maroc à Abu Dhabi. Une semaine qui, face à son fort succès, a été finalement étalée sur deux semaines.
D’ailleurs, le Souverain a été le prestigieux invité aux cérémonies de célébration du 44ème anniversaire de la fête nationale des EAU, en compagnie du Prince Moulay Rachid et d’une importante délégation d’officiels. En témoigne également le diner officiel offert par Cheikh Mohamed Ben Zayed Al-Nahyane, Prince héritier d’Abou Dhabi en l’honneur du Roi. Et la visite de se solder par la signature de trois conventions dans le secteur agricole marocain d’une valeur de 407 millions de DH.
Ces liens privilégiés ont des retombées importantes également sur le secteur touristique, puisque la contribution des EAU au Fonds Wessal pour le développement de ce secteur au Maroc est de 750 millions d’euros sur un capital total du Fonds de 2,5 milliards d’euros.
Avant de s’envoler pour les Emirats, Mohammed VI prenait part à Paris à la COP21, où il a été reçu le 20 novembre par le président français, François Hollande. Ce dernier a désormais une «dette» envers le Royaume, qui lui a fourni une information cruciale lui permettant de faire tomber la tête pensante des attentats du 13 novembre de Paris.
Il faut dire que le Roi a réussi brillamment à redresser les rapports de force avec l’ancien protectorat, quitte à secouer le cocotier. On n'oubliera jamais la crise qui a duré une année entre les deux pays, pourtant grands alliés et partenaires de longue date. Un tour de force judicieux et pas le seul d’ailleurs.
Le 26 octobre, le Roi vole la vedette par sa présence à la troisième édition du Sommet Inde-Afrique et y donne le top départ avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, d’une nouvelle forme de partenariat stratégique avec l’Inde, une puissance mondiale émergente, au service de l’Afrique.
Le continent bénéficie d’ailleurs de la sollicitude royale puisque le Royaume s’est inscrit depuis le début de règne du Roi Mohammed VI dans une dynamique de partenariat Sud-Sud. Pour preuve, la traditionnelle tournée royale africaine est devenue un rendez-vous des plus attendus des ministres, politiques et opérateurs pour conclure de nouveaux accords à même de renforcer les liens politiques et économiques du Royaume avec ses voisins africains.
Le cas édifiant du Sénégal
Le Roi y est resté du 20 au 28 mai dernier et cette visite a été l’occasion de renforcer et d’élargir le cadre juridique régissant les relations entre les deux pays par la signature de vingt-huit accords de coopération couvrant des domaines stratégiques de la vie économique et sociale. Elle a permis, également, la mise en place du Groupe d’impulsion économique, comme un nouveau mécanisme de coopération pour assurer notamment le suivi et le raffermissement du partenariat économique entre le Maroc et le Sénégal. Sans compter les conventions signées avec les autres pays dans le cadre de cette même tournée. A l’actif de l’année 2015, la visite de travail effectuée le 3 mai par le Roi en Arabie Saoudite, accompagné de son frère Moulay Rachid et de plusieurs personnalités civiles et miliaires. Accueilli à Ryad par le Roi Salman Bin Abdelaziz Al Saoud, ainsi que par une importante délégation gouvernementale, Mohammed VI s’est entretenu avec son homologue saoudien sur la coopération entre les deux pays, mais surtout sécuritaire.
Il s’agit là d’un point sur lequel le Royaume est devenu incontournable, une corde de plus dans l’arc de Mohammed VI ! En effet, parallèlement à l’économique, le politique est devenu un atout majeur du Royaume. Si le pari de faire du Royaume un hub économique et financier majeur de la région est en cours de concrétisation, le Maroc est devenu un allié de taille à avoir à ses côtés pour lutter contre des fléaux mondiaux comme le terrorisme, les trafics en tous genres et les flux migratoires. Et Mohammed VI a su transformer l’essai. Pour preuve, cette question a été au centre du long entretien entre Mohammed VI et le Président américain Barack Obama, le 22 novembre 2013 à la Maison Blanche.
Pragmatisme
Grand orateur, feu Hassan II cultivait les grands discours sur des thématiques politiques et souvent il faisait valoir ses talents de grand négociateur ou encore de médiateur dans des dossiers politiques étrangers épineux. Il adorait les médias auxquels il accordait des moments de télé mémorables. A son décès, les mauvaises langues pronostiquaient l’incapacité de son successeur à égaler ses talents de diplomate reconnu de par le monde pour son intelligence et sa hardiesse, pour s’illustrer sur la scène mondiale. Déjà qu’il est inéquitable de comparer 38 ans de règne de feu Hassan II à celui en cours de Mohammed VI, ce dernier ayant fait de l’économique son credo. Mais, n’en déplaise à ceux qui pensaient que l’actuel Roi du Maroc ne disposerait pas des mêmes atouts diplomatiques que ceux de feu son père, Mohammed VI cultive une politique extérieure discrète et efficiente, avec une omniprésence de la dimension économique. Aussi, le style Hassan II cède-t-il la place au pragmatisme et à la discrétion de Mohammed VI, une part de mystère qui semble fasciner. Autrement dit, l’élève dépasse «royalement» le maître.
Imane Bouhrara