Digitalisation : Les capitaines d’industrie regardent ailleurs

Digitalisation : Les capitaines d’industrie regardent ailleurs

 

«Contrairement à leurs homologues européens qui investissent dans l’économie de demain, notamment le numérique, les capitaines d’industrie du pays préfèrent plutôt parier sur des projets immobiliers», fustige Jamal Belahrach.

 

La dernière rencontre du pôle édition et débats de la Fondation Attijariwafa bank a enregistré une forte affluence. Pour cause, le sujet objet du débat organisé récemment intéresse et interpelle bon nombre de Marocains. Placé sous le thème : «Des défis de l'économie digitale : révolution ou subterfuge ?», la manifestation animée par Denis Jacquet, fondateur de l'Observatoire de l'ubérisation en France, et Jamal Belahrach, président de la Fondation jobs for Africa, a permis de mieux cerner les tendances internationales. Elle a aussi donné l’occasion aux intervenants de mettre en exergue le positionnement du Maroc et celui de l’Afrique face aux multiples challenges de l’ubérisation qui remet en cause les modèles de développement économique, social, voire environnemental.

A l’échelle internationale, Uber et Airbnb se sont érigés en l’espace de peu d’années en deux géants mondiaux, respectivement dans les domaines du transport et de la location immobilière et de l’hôtellerie, sans pour autant être propriétaire de taxis pour le premier et d’appartements ou d’hôtels pour le second. Par ailleurs, la digitalisation constitue un puissant levier pour les autoentrepreneurs à même d’en tirer profit.

A en croire Jamal Belahrach, les défis inhérents à la digitalisation progressive de l’économie nationale et africaine ont trait à l’impératif de la réduction du taux de chômage des jeunes. «En Afrique, 12 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. Or, l’économie continentale ne crée que 3 millions de postes», fait-il remarquer. Jamal Belahrach appelle les pouvoirs publics à s’inscrire dans une dynamique prospective et les chefs d’entreprises marocaines à s’investir financièrement dans ce domaine qui pilotera quasiment l’ensemble des activités sous peu (santé, sécurité, transport,etc.) grâce notamment au développement du Big data et à l’essor de la prédictivité.

«A part quelques entreprises marocaines, nous sommes très en retard en matière de digitalisation qui a révolutionné l’expérience client. Le projet d’ubérisation est d’autant plus stratégique qu’il bouleverse les pratiques de l’entreprise», assure-t-il.

 

Transformation culturelle au sein des entreprises

 

Les intervenants se sont accordés pour dire qu’il est grand temps que les managers nationaux soient davantage convaincus du fait que le digital continuera de prendre une place importante dans la vie des entreprises et celle des hommes. Il s’agit de questions qui vont au-delà des smartphones, des sites ou des Web TV. «L’évolution du digital pousse à s’interroger sur la transformation culturelle au sein des entreprises. Les patrons de société devraient s’interroger sur l’organisation de leur boîte de demain», alerte Jamal Belahrach. Et d’ajouter : «Tout l’enjeu pour le Maroc est d’utiliser la révolution digitale pour la création de valeur». Cela dit, le digital a un impact commercial majeur sur les entreprises, avec le foisonnement des plateformes de vente en ligne. La relation managérielle au sein des entreprises s’en trouve modifiée, car un patron peut facilement court-circuiter son collaborateur pour aller directement vers l’information. Ce qui dilue le pouvoir des cadres. ■

 

Par M. Diao                    

                                                                                           

 

Paroles de pro : Denis Jacquet, fondateur de l'Observatoire de l'ubérisation en France

 

«Au-delà de la modification des relations au travail induite par le digital et son impact sur les modèles économique, social et environnemental, il convient de retenir quelques aspects fondamentaux pour mieux cerner le phénomène. D’abord, nous assistons à la naissance d’empires digitaux (Google, Apple, etc.). Ce qui n’est pas nouveau, car les empires ont existé bien avant. La différence réside dans le fait que les géants digitaux se sont construits dans la soumission totale. Les personnes qui ont fait preuve d’acte d’allégeance totale, préfèrent plutôt se priver de nourriture que de smartphone. Le terrain de jeu des géants du digital est le monde entier et non un seul territoire. La philosophie qui sous-tend leur démarche, est de supplanter à terme les Etats qu’ils considèrent défaillants, car incapables d’assurer pleinement la fonction prédictive dans des domaines-clefs (santé, sécurité, mobilité, etc.). L’autre paramètre crucial à intégrer est la volonté des empires susmentionnés d’uniformiser et de venir à bout de l’imprévisibilité, ciment du socle social. Tout cela amène à s’interroger sur les valeurs et le modèle de société à bâtir à l’avenir. ■

 

 

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