Le «tout digital» effectif en 2019.
Notaires, adouls et géomètres-topographes satisfaits de cette numérisation, mais émettent quelques réserves.
Nommé en février 2016 à la tête de l’Agence nationale de la Conservation foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), Karim Tajmouati a fait de la digitalisation de son administration un chantier central. L’objectif est de s’arrimer aux meilleures pratiques à l’international et de donner une nouvelle impulsion à cet organisme, dont le rôle socioéconomique est primordial pour le pays.
«Le digital permet de rendre des services importants aux citoyens et aux professionnels. Il assure fluidité, transparence et sécurité de toutes les opérations», affirme Tajmouati. Ce dernier s’engage par ailleurs à ce que «le tout digital soit effectif au cours de l’année 2019».
Les professionnels partenaires de l’agence comme les notaires, les géomètres-topographes, les adouls ou encore les avocats, se préparent à cette transition en se conformant aux nouvelles dispositions, tant sur le plan réglementaire que technique.
Eu égard au caractère purement technique de leur activité, les géomètres-topographes ont été les premiers à adhérer totalement à ce projet. Actuellement, plus de 1.000 dossiers sont traités par jour par le Cadastre. Cette cadence est appelée à augmenter une fois que le système trouvera sa vitesse de croisière.
«Nous avons été associés dans l’élaboration du chantier numérique de l’ANCFCC. Ce qui a permis de concevoir un projet cohérent, répondant aux attentes des professionnels. Nous pouvons traiter un dossier dans n’importe quelle région du Royaume sans être amenés à nous déplacer au service cadastral concerné», souligne Khalid Yousfi, président de l’Ordre national des ingénieurs géomètres-topographes (ONIGT).
En pratique, quelques ajustements sont néanmoins nécessaires pour assurer le plein succès au système. Les agents de la Conservation foncière ainsi que les ingénieurs-topographes ont besoin de temps pour s’adapter à ce nouvel environnement. Des sessions de formation ont été effectuées de part et d’autre pour se familiariser avec ces pratiques nouvelles. «Nous sommes toujours en contact avec l’ANCFCC pour procéder aux différents arrangements techniques, afin que le système digital offre le meilleur rendement possible. La plateforme est constamment améliorée, notamment en ce qui concerne sa capacité à traiter le volume important des données», précise Yousfi.
Au niveau des notaires, la dématérialisation de tous les actes a toujours été un objectif prioritaire. La réussite de la digitalisation de la procédure de l’acquittement des droits d’enregistrement au niveau de la DGI a incité la profession à basculer vers la numérisation. Pour commencer, un projet d’archivage de tous les actes notariés réalisés depuis 1925 a été entamé.
L’Association de modernisation et de développement de la profession notariale s’active par ailleurs pour mettre à la disposition de ses membres de nouvelles technologies performantes permettant de réussir cette transition. L’Ordre des notaires, qui regroupe plus de 1.600 membres ambitionne de passer à la phase de numérisation des actes.
«En moyenne, 330.000 actes sont réalisés annuellement. Le digital devrait nous permettre de gagner en efficacité et en rapidité dans le traitement des informations. Nous voulons être au diapason de ce qui existe à l’international. Pour ce faire, les notaires se préparent pour basculer vers le tout digital», explique-t-on auprès de l’Ordre des notaires.
La même source précise qu’«il faut prendre les précautions nécessaires sur le plan technique et réglementaire afin de réussir le projet dans les meilleures conditions. La sécurité et la fiabilité de traitement des données sont les plus grands défis à relever. Nous sommes confiants, car plusieurs pays ont gagné le pari de la transition numérique dans le domaine notarial, réalisant au passage des résultats probants».
Plusieurs professionnels de l’activité ont insisté sur «le volet sécurité qui sera le garant de la réussite de tout le système».
Les cas de spoliation foncière qui ont secoué le Maroc dernièrement, sont toujours présents à l’esprit et on s’interroge d’ores et déjà si la dématérialisation sera un moyen de lutte contre le phénomène ou au contraire, si elle risque de l’amplifier. Chez les adouls, on note avec satisfaction l’arrivée du digital à la Conservation foncière non sans émettre quelques réserves.
«La digitalisation de la Conservation foncière se développe à une vitesse très rapide qui dépasse nettement le temps d’adaptation de certains professionnels qui ne sont pas adeptes des nouvelles technologies, du net ou du paiement en ligne. Il faut du temps pour permettre à tout le monde de se conformer», souligne Mostafa Sordi, adoul à Benslimane.
«Contrairement au message véhiculé laissant penser que c’est plus facile d’obtenir un certificat de propriété via le net ; en pratique, l’opération s’avère un peu plus délicate. En effet, il faut faire la demande puis le paiement online. Parfois, le système n’est pas disponible et les agents responsables de la validation de ce document mettent du temps pour le faire, une période qui peut atteindre 3 jours. Une fois obtenu et imprimé, le certificat doit être authentifié et cacheté dans une agence de l’ANCFCC. Ce qui revient à faire la queue et perdre du temps», précise Sordi. La digitalisation de ces process n’est intéressante que pour les demandes de certificats de propriété d’un titre foncier qui est conservé dans une autre ville éloignée. ■
Charaf Jaidani