Le Maroc a longtemps soutenu les prix à la consommation du gaz butane. A l’instar des autres énergies, le coût de cette matière s’est alourdi considérablement. Une réflexion sur la décompensation de ce produit est depuis quelques temps à l’ordre du jour. Mais des effets certains sont à craindre sur la croissance.
Le processus de la décompensation continue. Le but étant, bien entendu, la maîtrise de l’évolution de la charge de compensation en vue d’alléger son impact sur le Budget de l’Etat et la génération de ressources financières supplémentaires pouvant être déployées dans les vecteurs sociaux et dans les investissements. A partir du 1er janvier 2015, les prix des combustibles liquides (essence et gazoil) et des fuels ont été soumis au système d’homologation des prix, le premier et le 16 de chaque mois, et ce conformément aux dispositions de l’accord d’homologation des prix des produits pétroliers entre le gouvernement et le secteur des produits pétroliers. Une mesure qui malgré son aspect impopulaire, n’a pas généré de fortes revendications sociales. De même qu'elle n’a pas eu d’effets négatifs sur le pouvoir d’achat des citoyens ou sur les marges des industriels parce que le hasard a voulu qu’elle coïncide avec la baisse du baril de pétrole sur le plan international. Mais ce n’est pas là l’objet du sujet. Le gouvernement continue à subventionner les prix du gaz butane ainsi que les prix des produits alimentaires, notamment le sucre et la farine nationale de blé tendre, mais jusqu’à quand ? Si l'on prend le cas du gaz butane, sa décompensation est dans le pipe de l’équipe de Abdelillah Benkirane, mais le timing n’est pas encore retenu. Sauf que le ministre des Affaires générales, Mohamed El Ouafa, avait annoncé au mois de juin dernier que la décompensation du gaz butane aura lieu d’ici la fin de l’année 2015. C’est un truisme de dire que la compensation du gaz butane, à l’instar des produits énergétiques, pèse lourdement sur le Budget de l’Etat. Les tarifs sont restés pendant longtemps maîtrisés, en raison de la subvention. A noter que cette source d’énergie, un produit de large compensation, absorbe plus de 85% du budget alloué à la compensation. Elle représente par ailleurs, 20% des produits subventionnés. Les ménages et le secteur agricole sont les plus gros consommateurs à hauteur respectivement de 59% et de 39%. Au cours de la dernière année, le coût de la subvention a été de 15,2 Mds de DH, pesant lourdement sur les finances de l’Etat.
Le revers de la médaille
Reste que la décompensation du gaz butane risque de créer par contre une situation difficile et d’avoir des conséquences sur les anticipations des ménages et des entreprises. Dans le dernier rapport relatif à la compensation, les magistrats de la Cour des comptes ont préconisé la possibilité de prendre les mesures à même de réserver la compensation aux seuls ménages et de rationaliser son utilisation. D’après les analystes du Centre marocain de conjoncture : «Elle contribuerait, d’une part, à une contraction de la consommation de biens durables, et d’autre part, à une diminution de l’investissement en raison de l’évaluation d’une demande anticipée revue à la baisse de la part des producteurs». Ils escomptent que les impacts prévisibles d’une décompensation de 50% du prix du gaz butane se traduiraient par une baisse de 1,2% de la croissance à court terme. Les secteurs qui seront ainsi fortement impactés par la décompensation sont le secteur agricole (-0,2%), et celui de l’énergie qui verrait sa croissance se rétracter d’environ 3% sous l’effet de la baisse de la demande et des activités de transport (-2,5%). Bien que les effets attendus d’un mouvement des prix du gaz soient moins prononcés que ceux du pétrole (en raison du rôle économique), tout changement à la hausse dans les prix pourrait entraîner une modification des termes de l’échange entre les pays exportateurs et importateurs nets.
A craindre également que si la décompensation se fait sans mesures d’accompagnement, elle accentuerait les inégalités. A priori, les chiffres peuvent paraître faibles. Toutefois, il convient de noter que les effets d’une hausse des prix des produits pétroliers, dont notamment le gaz butane, peuvent être importants lorsque l’économie est en phase de croissance faible ou en situation de basse conjoncture. L’inverse est aussi vrai : lorsque l’économie croît, elle dégage une valeur ajoutée plus importante. Ce qui permet d’amortir la hausse des prix des matières premières.
Pétrole & gaz : les multiples enjeux
La raréfaction de l’énergie fossile dans certaines parties du globe et les stratégies mises en oeuvre par les principaux producteurs augmentent les incertitudes qui entourent l’évolution des prix de ces produits et imposent une maîtrise de leur consommation. Au milieu des années 2000, les coûts des hydrocarbures se situaient dans une tendance haussière. Les prix du pétrole ont atteint des niveaux anormalement élevés. Ils ont franchi le palier de 100 dollars le baril à plusieurs reprises. Une chute brutale du coût du baril sur le marché international a été observée depuis le milieu de l’année 2014. Ces mouvements des prix des hydrocarbures ont un impact sur la consommation des ménages, les prix des biens et services, le Budget de l’Etat et les équilibres macroéconomiques, et donc sur la croissance des différents pays qu’ils soient producteurs ou importateurs de pétrole et de gaz. L’évaluation de cet impact n’est pas facile à cerner avec précision. Généralement, on se limite aux coûts de la facture de l’énergie, en particulier celle du pétrole et du gaz.
Soubha Es-Siari