Croissance économique : Regards croisés sur la crise chinoise

Croissance économique : Regards croisés sur la crise chinoise

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La crise chinoise, qui a marqué la période estivale, pourrait-elle bouleverser les pronostics établis par les institutions nationales, gravitant autour d’un taux de croissance de 5% à fin 2015 ? D’aucuns sont opti­mistes et considèrent le mini krach chinois comme une aubaine pour le Maroc. D’autres, un peu scep­tiques, envisagent des retombées négatives en 2016. Analyse.

Les fortes variations de croissance écono­mique d’une année à une autre augurent d’un cycle fluctuant. Cette tendance, qui a commencé au début de la décennie, semble se confirmer encore s’agissant de 2015 et 2016. Pour l’exercice en cours, les premiers signes annoncia­teurs d’un redressement du cycle d’activité sont essen­tiellement liés à une bonne campagne agricole qui n’est pas exempte d’impact positif sur d’autres secteurs. Reste que sur le plan international, le doute persiste à cause de la survenance et de la conjugai­son de plusieurs éléments qui risqueraient de remettre en cause les pronostics établis auparavant par les institutions telles que le HCP, le CMC ou encore la Banque centrale.

Le dernier événement en date durant la période estivale, et qui n’est pas des moindres, est la crise chinoise. Cette nouvelle donne ne risque-t-elle pas de chambouler les pronostics établis par les principaux organismes de prévision qui tablent sur le redressement de l’économie mondiale amorcé en 2015 ?

Sur le plan national, d’aucuns considèrent que dans l’immé­diat, l’impact de cette crise ne peut être ressenti à cause, d'une part, de la faiblesse des échanges commerciaux bila­téraux avec l’Empire du milieu : en 2014, la part des impor­tations marocaines de biens en provenance de Chine n’a représenté que 7,6% du total des importations marocaines, soit à peu près 3,6 milliards de dollars; la part des expor­tations de biens marocains à destination de la Chine n’a, quant à elle, représenté que 1,1% du total des exporta­tions). D'autre part, il y a la déconnexion du marcher financier marocain du reste du monde. Ils arguent essen­tiellement que les investisse­ments étrangers ne dépassent pas 5% dans la Bourse de Casablanca. Interrogé à cet égard, le président de l’IMRI, Jawad Kerdoudi, explique : «Je pense que la croissance de l’économie marocaine sera de 5% comme prévu. Cette bonne croissance est due à l’excellente campagne agricole, à la baisse du prix du pétrole et des matières premières importées, et une légère augmentation de la demande extérieure provenant de l’Europe. Nous sommes déjà au mois de septembre 2015, et je ne pense pas que la crise chinoise puisse avoir une influence détermi­nante d’ici la fin de l’année». D’après lui, les exportations marocaines vers la Chine et les investissements chinois au Maroc sont très faibles. «Ce qu’on peut prévoir, c’est une augmentation des impor­tations marocaines en prove­nance de Chine du fait de la dévaluation du Yuan, qui va s’accompagner d’une baisse de prix pour les importateurs marocains», annonce-t-il.

Même son de cloche chez l’économiste Driss Effina qui prétend que si impact il y aura, c’est à partir de 2016 (voir entretien P 21).

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la Chine est la deuxième puissance économique mondiale et que les effets de la crise actuelle pourraient être identiques à celle des subprimes, surve­nue en 2008, et être ressen­tis via l’économie réelle. A fin 2014, on se demandait même si la Chine n’est-elle pas la pre­mière puissance mondiale. Si le mini Krach de l’Empire du milieu fait vaciller le monde entier, comment oserait-on prétendre être à l’abri ? Des analystes de renommée pré­disent déjà l’effondrement prochain de la «Chine rouge», faisant même allusion à un modèle de croissance à bout de souffle et l’urgence pour le parti communiste de trouver de nouvelles pistes, ou plus précisément, de nouvelles recettes. A titre d’exemple, la lenteur de la reprise de la zone Euro (principal parte­naire), qui ressort d’un bon nombre de pronostics, risque de s’aggraver davantage et ne manquera pas d’avoir des conséquences au plan natio­nal à travers les canaux de transmission que constituent la demande adressée au sec­teur d’exportation, l’afflux de l’investissement et les trans­ferts financiers du tourisme et de la migration. Si la crise chinoise perdure, l’impact serait important sur l’écono­mie nationale en 2016.

Euro vs Dollar : quel impact sur la relance ?

La baisse de l’Euro par rapport au Dollar se veut également un élément déterminant dans la relance de la croissance éco­nomique. Les derniers événe­ments montrent que l’Euro a pu remonter légèrement face au Dollar lundi dernier, et ce dans un marché empreint d’incertitudes. Le Maroc ne pouvant rester insensible à ces fluctuations de l’Euro face au Dollar dans leur rapport à la monnaie nationale. La zone Euro étant notre princi­pal partenaire, la dépréciation de sa devise induit tacitement un surenchérissement de la devise nationale et, partant, une surévaluation des expor­tations facturées en Euro qui perdent en compétitivité.

En parallèle, les importations auprès des mêmes parte­naires européens devien­draient moins chères et concurrenceraient les pro­ductions locales. Aussi, les transferts des MRE subiront-ils une baisse à cause de la dépréciation de l’Euro. En ce qui concerne le tourisme, un Dirham fort insufflé par la fai­blesse de l’Euro rendrait plus chère la destination Maroc. Un élément positif que l’on pourrait par contre espérer est la baisse des charges des intérêts de la dette exté­rieure libellée pour une large part en Euro. Ce sont, parmi d’autres, les raisons qui ont poussé la Banque centrale, sous les directives du FMI, de réajuster la pondération, qui prédéterminait l’arrimage du Dirham au binôme (60% pour l’Euro, 40% pour le Dollar) pour remédier à la dégrada­tion des équilibres macroé­conomiques. Cette mesure, si elle est censée marquer une transition vers la flexibilité, ne pourrait être qu’une timide orientation qui ne satisfait que partiellement le FMI et la Banque mondiale.

Cours des matières premières : la baisse continue

L'autre facteur détermi­nant, qui, par contre, augure quelque chose de bon pour l’économie marocaine, est bel et bien la baisse conti­nue des cours des matières premières. Dans son rapport sur les perspectives de l’éco­nomie mondiale publié en avril, le FMI prévoit des cours annuels moyens pour le baril de pétrole de 58,10 dollars en 2015 (soit une baisse de 40% par rapport à la moyenne de 2014). Les cours des denrées alimentaires diminueraient de 16% en 2015. De fortes baisses sont anticipées pour les cours des céréales prin­cipales et des huiles végé­tales, en particulier le blé et le soja. La consommation mondiale des métaux devrait être impactée par la crise chinoise. Une baisse de 17% des cours annuels des métaux étant attendue pour 2015. Aujourd’hui, on remarque qu’à quelques exceptions près (phosphates), la baisse des cours des matières pre­mières continue. Et ce n’est que bénef pour notre balance commerciale. J. P. Chauffour, économiste à la Banque mondiale, a expliqué sur les colonnes d’un quotidien de la place : «Cette crise, avec les éventuelles faillites qui pourront s’ensuivre, pourra en effet jouer un rôle de cata­lyseur dans ce ralentissement et dans la baisse des cours des hydrocarbures, ce qui de facto sera favorable au Maroc». D’après lui, la chute des cours des hydrocarbures passera par une importante réduction de la facture éner­gétique, avec un effet positif sur les réserves de change du Maroc.

Soubha Es-Siari

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