Conjoncture économique : Les craintes du FMI

Conjoncture économique : Les craintes du FMI

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Globalement, le FMI reste satisfait des progrès réalisés par le Maroc qui parvient, tant bien que mal, à améliorer ses indicateurs macroéconomiques. L’institution de Bretton Woods met néanmoins en garde le Royaume contre une série de risques qui pourraient avoir des conséquences néfastes : reprise molle en Europe, flambée des cours du pétrole, et même la tenue des élections législatives en 2016 qui pourrait freiner la conduite des réformes. Le FMI souligne enfin que la croissance au Maroc demeure toujours peu inclusive et ne profite pas à tout le monde. 

Dans un récent rapport en langue anglaise, intitulé «Pays arabes en transition : perspectives économiques et défis-clés», les experts du Fonds monétaire international (FMI) jugent que «les indicateurs macroéconomiques de l’économie marocaine continuent de s’améliorer», soulignant que «les perspectives pour la croissance, l’inflation, le déficit budgétaire et le compte courant sont favorables». Néanmoins, selon le même rapport, «ces perspectives sont toujours soumises à des risques importants». Telle est, en substance, l’opinion des économistes de l’institution de Bretton Woods sur l’évolution de l’économie du Royaume. Une opinion qui ne varie que très peu, d’un rapport à l’autre, et que l’on pourrait résumer par un sobre: «peut mieux faire».

Croissance : 3,7% en 2016

Dans ce rapport, le FMI maintient ses prévisions pour l’année 2015. Les experts de Bretton Woods tablent toujours sur une croissance du PIB proche des 5%, boostée par une production céréalière exceptionnelle et une accélération progressive de l'activité dans les autres secteurs. En revanche, pour l’année 2016, le FMI prévoit pour le Maroc une croissance moins vigoureuse. En cause : «la production céréalière retournera à la normale». La croissance ne devrait ainsi guère excéder les 3,7% en 2016, confirmant le yo-yo permanent de la croissance d’une année à l’autre. Concernant l’inflation, elle devrait rester à des niveaux faibles pour l’année 2015, ne dépassant pas 1,5%, et pourrait atteindre les 2% en 2016. Dans le sillage de la baisse de la facture énergétique et du développement rapide des exportations des nouveaux métiers mondiaux du Maroc, le déficit du compte courant devrait continuer à se résorber. Il devrait atteindre 3,7% (hors dons) à fin 2015 et 2,4% en 2016. Quant aux réserves de devises, l’embellie devrait se poursuivre pour atteindre 6 mois d’importations de biens et services en 2015, et 6,2 mois à fin 2016.

Des menaces toujours présentes

Le FMI, comme à son habitude, n’omet pas cependant de mettre en garde les autorités marocaines contre une série de risques qui menacent les avancées macroéconomiques entrevues ces dernières années. Le premier d’entre eux est relatif à la mollesse de la reprise de nos partenaires européens. Selon l’institution de Bretton Woods, «une croissance plus lente que prévue dans les pays avancés, partenaires commerciaux du pays, est susceptible de réduire la croissance, les exportations, les IDE ainsi que les transferts de fonds». Ce qui pourrait détériorer notre balance commerciale. Dans le même ordre d’idées, le FMI n’exclut pas les risques liés à un retour à la hausse des cours du pétrole. «Une nouvelle flambée des prix du pétrole pourrait rapidement creuser le compte courant», peut-on lire dans le rapport. Par ailleurs, «une forte augmentation de la volatilité des marchés financiers mondiaux affecterait directement et indirectement le compte courant», précise le même rapport. Enfin, toujours au chapitre des risques, le FMI craint que les prochaines échéances électorales, notamment les élections législatives prévues en 2016, n’aient un impact négatif sur la poursuite des réformes. Cela pourrait être d’autant plus pénalisant que le Maroc évolue actuellement dans un environnement régional instable. Il ne peut se permettre de faire l’économie des réformes qui s’imposent. Les réformes les plus urgentes pour le FMI restent la réforme fiscale, celle des subventions (on pense bien entendu au gaz butane, même si ce n’est pas mentionné dans le rapport), celle des retraites, qui tarde à voir le jour, ainsi que la nouvelle loi organique du Budget. Pour le moment, le FMI assure que les autorités marocaines oeuvrent à la consolidation des acquis récents, garantissant la stabilité macroéconomique, tout en menant une série de chantiers visant à accroître la compétitivité, la croissance et l’emploi.

Une croissance peu inclusive 

Toujours est-il que le rapport ne manque pas de relever l’un des points faibles de l’économie marocaine, à savoir une croissance peu inclusive et qui ne crée pas assez d’emplois. Selon le FMI, «en dépit d’une croissance relativement robuste au cours des trois dernières décennies, le taux d’emploi n’a pas sensiblement augmenté et reste à des niveaux faibles par rapport à d’autres pays émergents». En effet, alors que le taux de chômage est passé de plus de 13%, en 2000, à 8,7% en juin 2015, il reste encore relativement élevé, en particulier chez les jeunes (un jeune sur cinq est au chômage), notamment les jeunes urbains (38,6% de chômage chez cette catégorie !). En outre, bien que le taux de pauvreté ait connu un recul significatif ces dernières années (1,7 million de personnes sont sorties de la pauvreté sur la période 2000-2015), grâce à une croissance économique soutenue, il n’en reste pas moins vrai que les inégalités persistent toujours, souligne le FMI. Ces inégalités concernent en premier l’accès aux services de santé, ainsi que l’inégalité des sexes. Le FMI appelle donc les autorités marocaines à engager les réformes qui s’imposent, notamment en matière de climat des affaires, d’inclusion financière ainsi que de réforme du système judiciaire. Il invite par ailleurs le gouvernement à poursuivre sa politique fiscale visant à réduire les dépenses de subventions pour, dixit le FMI, «créer un espace pour l'investissement et les dépenses sociales, afin de réduire les inégalités de revenus, tandis que les réformes de décentralisation récemment initiées peuvent aussi aider à réduire les disparités entre les régions». 

Amine ElKadiri

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