- Un an après le lancement du deuxième programme de coopération avec Millennium Challenge Corporation (Compact II), Abdelghni Lakhdar, Directeur général de l’Agence Millennium Challenge Account-Morocco (MCA-Morocco), nous en dresse un premier bilan.
- Il revient également sur les projets en cours de déploiement en matière d’éducation et de productivité du foncier.
Finances News Hebdo : Que traduit le fait que le Maroc ait été choisi pour bénéficier des deux Compacts de MCC, dont le budget global dépasse un milliard de dollars et qu’il soit le premier bénéficiaire de cette initiative du gouvernement américain ?
Abdelghni Lakhdar : Ce choix reflète certainement la qualité des relations de coopération qui lient le Royaume du Maroc aux Etats-Unis d’Amérique. Il est aussi le fruit du succès du premier Compact, clôturé fin 2013, dont le Maroc a pu se servir comme levier pour améliorer la situation sociale de couches défavorisées et stimuler certaines politiques sectorielles notamment dans les domaines de l’agriculture et de l’artisanat.
Par ailleurs, et au vu des critères qui fondent l’éligibilité aux financements de MCC, cette situation traduit les avancées réalisées par le Maroc au titre des réformes engagées en matière de la gouvernance, de l’investissement dans le capital humain et de la promotion des libertés économiques. En effet, cette reconduction est liée à l’évaluation satisfaisante des performances de notre pays au regard de 20 indicateurs composant la Scorecard adoptée à cet effet par MCC et couvrant les trois domaines précités.
F.N.H : Qu’est-ce qui justifie le parti pris du Compact II, doté de 450 millions de dollars, pour l’amélioration de la qualité du capital humain et l’amélioration de la productivité du foncier ?
A.L : L’accent mis par le Compact II sur l’amélioration de la qualité du capital humain et l’amélioration de la productivité résulte d’une analyse détaillée des contraintes majeures à la croissance économique et qui a conclu qu’entre autres, l’accès au foncier et sa cherté et la qualité du capital humain, restent des freins majeurs à la croissance et à l’investissement privé au Maroc. Cette analyse a été confortée par des concertations très larges avec le secteur privé, la société civile, le monde académique, les organisations internationales et, bien sûr, les différentes composantes du secteur public.
F.N.H : Quelle est la place du suivi et de l’évaluation dans les multiples projets du Compact II ?
A.L : Le suivi et l’évaluation occupent une place centrale dans le compact et constituent un trait distinctif de la façon de faire les projets de développement en partenariat avec MCC. Dans ce cadre, MCA-Morocco a adopté un plan de suivi-évaluation qui définit, pour chaque projet, les modalités de suivi, les indicateurs pertinents et les responsabilités des parties prenantes, et qui permet de mesurer ces indicateurs et les écarts par rapport aux objectifs tracés sur une base trimestrielle et de formuler des mesures d’ajustement pour résorber ces écarts.
Ce plan prévoit aussi des évaluations indépendantes et rigoureuses des projets, à mi-parcours et à la fin du Compact. Ces évaluations se font selon des approches rigoureuses, permettant d’analyser la performance des projets, y compris, entre autres, leurs effets sur les revenus ou la situation économique ou sociale des bénéficiaires.
F.N.H : Les deux Compacts devraient bénéficier, sur 20 années, à près de 7% de la population marocaine. Estimez-vous que les différents projets amélioreront sensiblement les conditions de vie des populations bénéficiaires ?
A.L : Nous sommes confiants que les projets auront un impact perceptible sur les conditions de vie des populations bénéficiaires. Notre conviction est d’ailleurs confortée par les résultats de l’analyse économique ex-ante des différents projets qui ont tous satisfait un critère phare d’investissement de MCC qui est de générer une rentabilité économique de 10% au moins, laquelle rentabilité est estimée sur la base de l’amélioration potentielle des revenus des bénéficiaires.
F.N.H : Après une année de sa mise en œuvre, quel bilan pouvez-vous dresser du Compact II ?
A.L : La première année du Compact II a acté des progrès significatifs dans la mise en œuvre de ce programme.
Ainsi, et s’agissant du projet «Education et formation pour l’employabilité», les contours d’un modèle visant le renforcement de l’autonomie administrative et financière des établissements d’enseignement secondaire, la promotion d’une pédagogie centrée sur l’élève et l’amélioration de l’environnement d’apprentissage ont été dessinés. Ce modèle sera déployé graduellement au niveau des 90 établissements scolaires qui ont été sélectionnés au niveau des 3 régions pilotes : Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès et Marrakech-Safi.
Egalement, les propositions revues et affinées des projets présélectionnés pour bénéficier du soutien du fonds «Charaka» pour la formation professionnelle ont été déposées fin juin 2018 et font actuellement l’objet d’une évaluation détaillée. En outre, nous avons finalisé le diagnostic global et le benchmark international relatifs au système actuel d’observation et d’analyse du marché du travail et nous entamons la phase d’amélioration effective de ce dispositif.
Pour ce qui est de la productivité du foncier, une procédure optimisée de melkisation des terres collectives situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation au profit des ayants droit a été élaborée et adoptée. Cette procédure sera expérimentée sur au moins 46.000 ha de terres collectives. Egalement, le Fonds des zones industrielles durables (Fonzid) doté de 30 millions de dollars a été finalisé et l’appel à projets y afférent sera bientôt lancé. En outre, les travaux préparatoires à l’extension des deux zones industrielles à Had Soualem et Bouznika et au développement d’une nouvelle zone à Sahel-Lakhyayta, sur la base d’un modèle de partenariat public-privé, sont lancés. Enfin, le chef de gouvernement a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour réaliser une étude sur la politique foncière de l’Etat, dont les conclusions constitueront la base du projet de la stratégie foncière nationale et du plan d’action pour sa mise en œuvre que l’agence MCA-Morocco doit préparer.
F.N.H : Quels sont les défis que vous avez à relever durant les prochaines années ?
A.L : Le principal défi que nous avons à relever réside dans l’achèvement des projets dans les 4 années qui restent dans ce Compact et la mise sur pied des conditions de pérennisation de leurs impacts au-delà de la durée de ce programme. A cet effet, nous devons redoubler d’efforts et nous servir des meilleures pratiques en matière de management des projets, tout en consolidant l'approche participative, gage d’efficacité et d’appropriation de ces projets par les parties prenantes.
Propos recueillis par M.D