Face aux ravages causés par plusieurs années de sécheresse sur l’élevage national, le gouvernement engage un vaste programme de reconstitution du cheptel. Le dispositif, salué par les professionnels, vise autant la relance du secteur que la préservation de la souveraineté alimentaire du pays. Mais pour certains, la réussite du plan dépendra d’une mise en œuvre juste et ciblée.
Par C. Jaidani
Le programme pour la reconstitution du cheptel national est lancé. L’Etat prévoit un budget de plus de 6 milliards de DH pour l’opération, dont 3,2 milliards de DH d’ici fin 2025 et 3 milliards en 2026. Impliquant de nombreux départements et intervenants, particulièrement ceux de l’Agriculture et de l’Intérieur, ce programme prévoit plusieurs mesures, comme la restructuration de la dette de 50.000 exploitants pour une valeur de 700 millions de DH à la charge de l’Etat. Il s’agit d’apporter également un soutien direct à l’alimentation de bétail pour une enveloppe globale de 2,45 milliards de DH. Afin d’assurer la reproduction et d’éviter l’abattage des femelles, une subvention de 400 DH/tête sera accordée.
Cette mesure nécessitera une enveloppe de 2,5 milliards de DH. «Pour mieux protéger le cheptel, le gouvernement lancera une campagne de vaccination ciblant 17 millions de têtes d’ovins et de caprins. Le programme comprend également l’installation d’une plateforme d’insémination artificielle. Dans une logique de durabilité, nous soutenons les éleveurs pour préserver les femelles ovines. Nous les appuyons également en mettant à leur disposition de l’orge subventionné à un prix fixe. Aussi, nous les accompagnons sur le plan technique et sanitaire», a souligné récemment Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, à la Chambre des représentants lors de la présentation du programme.
Programme qui a reçu un accueil favorable des professionnels du secteur ainsi que de la classe politique nationale, bien que d’aucuns aient émis certaines réserves. Said Bernichi, membre du Parti de l’authenticité et de la modernité (PAM) et parlementaire à la Chambre des conseillers, note que «la reconstitution du cheptel est un axe stratégique pour assurer la souveraineté alimentaire. Il est important de lancer une approche intégrée et durable. Il faut prendre en considération que la sécheresse est devenue une donnée structurelle. Ce qui recommande d’instaurer une politique agricole juste et équitable, car les petits éleveurs demeurent la population vulnérable du secteur agricole. Malgré cela, ils demeurent la principale source d’approvisionnement du marché de bétail et de viandes rouges. Ils jouent un rôle essentiel dans l’équilibre du marché».
Pour sa part, Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD) à la Chambre des députés, indique que «nous soutenons la mise en place du programme pour la reconstitution du cheptel national. Les éleveurs ont souffert ces dernières années des effets de la sécheresse. Et les mesures prises vont leur permettre de tenir le coup. Toutefois, il faut éviter les erreurs du passé, comme ce fut le cas lors de l’importation des ovins et de la viande rouge. Les dispositions prises doivent être ciblées et toucher principalement les exploitants concernés», Chez les éleveurs, on note également un optimisme mesuré.
«L’élevage est la filière la plus touchée par la sécheresse. Cette période d’insuffisance de précipitations dure malheureusement depuis près de 7 ans. Les ressources financières des exploitants ont été mises à rude épreuve. Le programme de reconstitution du cheptel ne peut, à lui seul, donner les effets escomptés. Nous espérons qu’un nouveau cycle d’années pluvieuses soit au rendez-vous prochainement pour que le secteur retrouve toute sa dynamique. Le plus important dans notre activité est la disponibilité de l’aliment de bétail à un prix compétitif durant toute l’année, et aussi de l’eau potable pour l’abreuvage du bétail», explique Mohamed Taki, président d’une coopérative dans la province de Benslimane.