Ce que dit la Banque mondiale du Plan Maroc Vert

Ce que dit la Banque mondiale du Plan Maroc Vert

Marie Francoise Marie NellyLe PMV a introduit un changement de paradigme dans la gestion du secteur agricole marocain. Il s’agit bien évidemment d’un modèle d’approche stratégique et multisectorielle qui peut inspirer aussi bien les pays d’Afrique subsaharienne que les pays de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord. Eclairage de Marie Françoise Marie-Nelly, directrice des opérations pour le Maghreb de la Banque mondiale.

Finances News Hebdo : En tant qu’institution internationale, quelle appréciation faites-vous de l’évolution du Plan Maroc Vert et, surtout, sa contribution au développement économique du Royaume ?

Marie Françoise Marie-Nelly : Véritable levier de développement et de croissance, l’agriculture est l’un des secteurs économiques les plus stratégiques du Royaume représentant plus de 15,6% du PIB, employant 85% de la population rurale et générant près de 4 millions d’emplois, soit 40% des emplois du pays. Le PMV a introduit un changement de paradigme dans la gestion du secteur. Il s’est inscrit dans une vision à long terme pour restructurer le secteur et le tourner résolument vers la modernité. En multipliant les débouchés pour les petits et grands producteurs agricoles, le PMV a permis de transformer le secteur agroalimentaire en une source stable de croissance et de développement économique dans les zones rurales, tout en prenant en considération les impératifs de préservation des ressources naturelles et de développement durable. Ses deux piliers axés sur le développement d’une agriculture performante à forte valeur ajoutée et la mise en place d’une agriculture solidaire orientée vers la lutte contre la pauvreté ont introduit une approche innvante et intégrée dans la gestion du secteur. Le PMV a permis à mi-parcours, d’atteindre d’importants résultats, particulièrement l’augmentation des investissements de  6,4 milliards de dirhams, dont 1,1 milliard de dirhams d’investissements privés, la création de 3.500 DH/Ha de valeur ajoutée additionnelle pour la culture irriguée et la plantation de plus de 400.000 ha de plantation à haute valeur ajoutée, etc. Le Plan a également permis de  moderniser les filières agricoles et les circuits de commercialisation. La prochaine étape ira vers un meilleur positionnement du secteur de l'agro-industrie à travers un renforcement des chaînes de valeur, à fort potentiel. La réflexion autour de cette stratégie, que la Banque mondiale appuie actuellement, vise à améliorer la qualité des produits agricoles et leur valorisation, tout en prenant en considération les impératifs de préservation des ressources naturelles. Le Maroc jouit d'un avantage comparatif pour un certain nombre de produits - notamment les agrumes, les tomates, les fraises etc. pour l'exportation vers les marchés européens et africains. L’idée est de mettre l'accent sur la production de cultures de plus haute valeur pour renforcer la compétitivité du secteur.

F.N.H. : Pensez-vous que le modèle du PMV est transposable dans d’autres pays notamment en Afrique ?

M. F. M. : Le PMV a apporté une approche originale et intégrée pour répondre aux défis du secteur agricole ainsi qu’à l’impératif de le transformer en un levier de compétitivité et de productivité. Il s’attaque aussi à des problématiques hautement d’actualité, que sont la sécurité alimentaire et l’intégration du Maroc dans l’économie mondiale à travers le renforcement de son offre agricole à l’exportation. Il s’agit bien évidemment d’un modèle d’approche stratégique et multisectorielle qui peut inspirer aussi bien les pays d’Afrique subsaharienne que ceux de la région MoyenOrient/Afrique du Nord. Ces pays, frappés de plein fouet par les effets du changement climatique, voient leur rendement agricole baisser sensiblement d’année en année, mettant en péril leur sécurité alimentaire. Une stratégie s’attaquant aux goulets d’étranglement du secteur et aux défis climatiques est une expérience que le Maroc gagnerait à partager avec les pays du Sud. Le Maroc s’est d’ailleurs déjà attelé à la tâche en signant des accords de coopération agricole avec plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.  Il a aussi pris les devants à travers la COP22 en jouant le rôle de chef de file pour le partage d’expériences sud-sud dans le domaine de l’agriculture et de la résilience climatique; un processus couronné par le lancement de l’Initiative d’adaptation de l’agriculture Afrique (AAA) sous l’égide du Royaume. La Banque mondiale envisage d’ailleurs d’accompagner cette initiative à travers une étroite collaboration avec les autres partenaires pour la structuration du programme, le partage d’expériences et le soutien des gouvernements dans la mise en œuvre de leurs engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Nous saluons ce rôle de leadership joué par le Royaume dans ce domaine et qui met à disposition des pays partenaires son expérience et ses succès pour faire du secteur agricole un levier économique au service d’une inclusion sociale et économique du monde rural.

F.N.H. : Comment votre institution accompagne-t-elle le secteur agricole aussi bien sur le plan technique que financier ?

M. F. M. : La Banque mondiale a apporté au cours des 30 dernières années un appui continu au secteur agricole sur les plans technique et financier; depuis les projets de développement rural intégré des années 80, à l’appui au  Plan national d’économie en eaux d’irrigation en 2008, en passant par le Plan Maroc Vert en 2011. Elle met également à la disposition du Maroc les résultats de ses études  et ses produits de recherche scientifique, réalisés au Maroc et dans le monde, dans le domaine de l’agriculture, de la résilience climatique et de la réduction de la pauvreté. Le dialogue sectoriel que mène la Banque mondiale avec les partenaires gouvernementaux se concentre sur l’amélioration des opportunités pour les petits agriculteurs et le renforcement des pratiques agricoles durables. Il se concentre également sur l’augmentation de la valeur ajoutée, liée à l’eau d’irrigation et aux cultures produites et l’amélioration des pratiques de commercialisation contribuant à la performance économique globale du Maroc. Au-delà des aspects structurels du secteur, la Banque mondiale a accompagné des réformes institutionnelles-clés, notamment à travers la série de prêts de croissance verte et inclusive (600 millions de dollars) qui ont permis d’appuyer des réformes liées à la protection du capital naturel et à l’introduction de pratiques durables dans la gestion des ressources, des mesures qui figurent parmi les piliers d’action de notre cadre de partenariat stratégique avec le gouvernement marocain. Notre portefeuille comprend des projets visant l’introduction de pratiques d’exploitation durables, la gestion de l’eau d’irrigation et des eaux souterraines, mais aussi le renforcement de l’inclusion sociale à travers la diversification des sources de revenus des petits agriculteurs. La gestion rationnelle de l’eau d’irrigation est une préoccupation majeure dans notre portefeuille. Dans les périmètres publics de grande irrigation (qui représentent la moitié de la superficie irriguée au Maroc), les agriculteurs souffrent souvent d’un service d’eau non optimale qui les contraint à se limiter à des cultures à faible valeur ajoutée et avec de faibles
rendements. La Banque mondiale soutient la modernisation des réseaux de distribution de l’eau pour offrir aux agriculteurs un accès à l’eau fiable, équitable et durable. Cette amélioration du service d’eau permet l’introduction de techniques d’irrigation plus efficaces (notamment le goutte-à-goutte) et d’augmenter ainsi les rendements et les revenus. Ce soutien s’inscrit dans le double objectif du Groupe de la Banque mondiale de mettre fin à l’extrême pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée de manière durable. Je profite aussi pour souligner que, tandis que nous célébrons cette semaine la Journée de la femme, 57% de la population féminine en zones rurales participent aux travaux agricoles. Pourtant, malgré cette forte contribution au secteur, elles sont souvent  sous-payées; ont peu accès à la terre, aux financements et aux conseils techniques. Pour nous, il est important que les femmes rurales aient accès, à travers notre programme d’appui, à un revenu stable tout autant qu’à des services de base comme l’éducation ou la santé.

F.N.H. : Récemment la Banque mondiale a annoncé qu’elle augmentera ses financements climat, pour atteindre une cible de 30% des ressources octroyées pour des objectifs d’adaptation et d'atténuation. L’agriculture et la pêche maritime en feront-elles partie ?

M. F. M. : Cette annonce faite dans le cadre du Plan d’action climat de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord du Groupe de la Banque mondiale est une orientation stratégique dans notre appui aux gouvernements. Pour le prochain cadre de partenariat pays, les questions de résilience climatique, de renforcement de la productivité du secteur agricole et de gestion durable des ressources naturelles feront partie intégrante des priorités de notre programme. Il  ne s’agit pas de mesurer notre contribution par projet mais plutôt de veiller à ce que 30% de nos ressources soient allouées au changement climatique. Ceci pourrait comprendre l’agriculture mais aussi les énergies renouvelables et d’une manière générale tout ce qui peut contribuer à réduire les gaz à effet de serre.

Propos recueillis par C. Jaidani 

 

PMV : La banque mondiale sort le chéquier

«La Banque mondiale a accompagné le PMV depuis son lancement en 2008, à travers différents instruments. Tout d’abord, elle a mobilisé deux prêts d’appui aux politiques de développement en 2011 et 2013 pour un montant total de 408 millions de dollars. Grâce à cet appui financier, couplé à une assistance technique, la Banque mondiale a contribué à la mise en œuvre de réformes clés portant particulièrement sur l’implication du secteur privé dans la gestion des marchés de gros et des abattoirs, l’introduction de mécanismes compétitifs pour la recherche appliquée et le conseil agricole privé. Cet appui a aussi concerné l’amélioration de l’impact socioéconomique des projets du pilier 2 du Plan et la rationalisation de l’utilisation de l’eau d’irrigation. Ces projets ont été accompagnés en parallèle par des dons administrés par la Banque mondiale. Il s’agit d’un don de 4,35 millions de dollars du Fonds spécial pour le changement climatique soutenant l’intégration des mesures d’adaptation au changement climatique dans la mise en œuvre du PMV. Un autre don de 6,44 millions de dollars du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) pour une agriculture solidaire et intégrée vise, quant à lui, à aider les petits producteurs, porteurs de projets à mettre en œuvre des mesures de conservation des sols et de la biodiversité ainsi que la valorisation des sous-produits du cactus et de l’arganier, dans des zones marginales» annonce M.F. Marie-Nelley.

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