Un «ultimatum», une «menace», une offre à «prendre ou à laisser»
Manchester (Royaume-Uni), 2 oct 2019 (AFP) - Le Premier ministre britannique Boris Johnson doit présenter devant le Parti conservateur mercredi son «offre finale» sur la sortie de l'UE, présentée comme à prendre ou à laisser pour éviter un Brexit sans accord dans moins d'un mois.
Selon ses services, ces propositions formelles présentées lors de son discours du clôture du congrès de son parti à Manchester doivent permettre d'arriver à «un compromis juste et raisonnable».
Mais «si Bruxelles ne noue pas le dialogue sur cette offre, alors ce gouvernement cessera de négocier jusqu'à ce que nous ayons quitté l'UE» le 31 octobre, ont-ils prévenu dans un communiqué.
L'objectif est de résoudre en particulier le casse-tête de la frontière irlandaise pour mettre fin à trois ans d'une saga qui a plongé le Royaume-Uni dans une profonde crise politique, sans un no deal aux conséquences économiques potentiellement désastreuses.
Ce plan, dont les détails qui ont fuité ont été accueillis froidement à Dublin, a été aussitôt commenté dans la presse britannique comme une dernière sommation aux Européens. C'est un «ultimatum» pour le tabloïd The Sun, une «menace» pour The Guardian tandis que The Telegraph s'interroge: «Les Européens veulent-ils continuer avec cette saga qui semble sans fin ?»
J-29
A 29 jours de la date prévue pour le départ du Royaume-Uni de l'UE, le temps presse pour trouver un accord de divorce.
Celui négocié par Theresa May, la prédécesseure de Boris Johnson, avait été rejeté à trois reprises par le Parlement britannique, mécontent notamment du «filet de sécurité» (ou backstop en anglais), mécanisme visant à éviter le retour d'une frontière en Irlande entre la province britannique du Nord et la république membre de l'UE au sud, après le Brexit.
Selon The Telegraph, la nouvelle proposition britannique prévoit que l'Irlande du Nord reste dans le marché unique européen jusqu'en 2025, tout en formant une union douanière avec le Royaume-Uni.
Il y aurait donc en quelque sorte deux frontières: des contrôles douaniers entre les deux Irlande et des contrôles réglementaires en mer d'Irlande, qui sépare la Grande-Bretagne de sa province nord-irlandaise.
«Ce ne sera certainement pas acceptable pour le gouvernement irlandais, mais aussi pour l'UE dans son ensemble», a jugé la ministre irlandaise des Affaires européennes Helen McEntee, sur la chaîne irlandaise RTE.
Sous sa forme actuelle, le «backstop» prévoit de maintenir le Royaume-Uni tout entier dans une union douanière avec l'UE, ainsi qu'un alignement règlementaire sur l'UE plus poussé pour l'Irlande du Nord.
La perspective du rétablissement d'une frontière entre les deux Irlande en cas de «no deal» inquiète particulièrement Dublin, qui y voit une menace pour la paix en Irlande du Nord, difficilement établie en 1998 après trois décennies de violences entre des républicains nationalistes (catholiques), partisans de la réunification de l'île, et loyalistes unionistes (protestants), défenseurs du maintien dans la Couronne britannique.
«C'est une partie très triste de notre histoire», a souligné le sénateur irlandais Neale Richmond, du parti du Premier ministre. «Si nous revenons à l'ère des contrôles douaniers, des divisions, à notre frontière (...) beaucoup de choses inquiétantes pourraient malheureusement arriver», a-t-il prévenu sur la BBC4, jugeant les propositions relayées dans la presse «extrêmement décevantes».
Boris Johnson a prévenu qu'en cas d'échec des négociations avec l'UE, il ne demanderait en aucune circonstance de report du Brexit à Bruxelles.
Une loi lui impose pourtant de demander un nouveau report s'il n'obtenait pas d'accord avec l'UE d'ici le 19 octobre, juste après le prochain sommet européen.
«Réalisons le Brexit!», doit-il dire devant les militants lors d'une prise de parole en fin de matinée, se présentant comme le sauveur du Brexit, voté en 2016 par 52% des Britanniques, face au leader de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, qui a refusé de prendre position en faveur du retrait ou du maintien.
Un appel du pied du dirigeant tory aux électeurs soutenant le «Leave» alors que se profilent des élections générales anticipées au Royaume-Uni. En précampagne électorale, l'exécutif a multiplié les promesses d'investissements dans les services publics.
Jusqu'ici, la stratégie de Boris Johnson a systématiquement été mise en échec par le Parlement, où il ne dispose plus de majorité. Les tensions avec les députés ont atteint un nouveau paroxysme la semaine dernière après l'annulation par la Cour suprême de sa décision de suspendre le Parlement durant cinq semaines.