Fortement investie ces dernières années par les exploitants, l’activité a connu une nette hausse de l’offre alors que la demande n’a pas suivi. Les professionnels demandent une régulation du marché. Le secteur a réalisé des avancées notoires conformément à son contrat-programme, mais l’informel domine toujours l’activité de l'abattage.
L’aviculture est parmi les filières agricoles, dont les réalisations dépassent les objectifs. La feuille de route tracée pour le secteur, dans le cadre du contrat-programme, a permis de hisser le niveau aussi bien à l’amont qu’à l’aval, mais c’est dans la partie abattage que l’activité peine à se conformer aux normes en vigueur.
Victime de son succès, la filière a connu ces dernières années un fort intérêt des investisseurs, dont certains n’ont aucun savoir-faire en la matière.
L’importation des poulets reproducteurs a dépassé de loin les besoins du marché. Il y a quelques années, le département de tutelle avait décrété un quota, mais actuellement, ce secteur est libéralisé. Certains exploitants livrent parfois leurs produits à des prix en deçà des coûts de production. Leur trésorerie est pénalisée et ils n’arrivent pas à faire face aux autres charges.
Il est clair que la production dépasse nettement la demande. Pourtant, cette demande reste inférieure à la moyenne des autres pays. Le Marocain consomme en moyenne 17 kilos de poulets par an, contre 30 kg en Europe et 50 aux Etats-Unis. Le Plan Maroc Vert (PMV) table sur une consommation de 25 kilos par an à l’horizon 2020. Au rythme actuel de progression de la consommation, cet objectif est difficilement réalisable.
La consommation d’oeufs par habitant et par an est, elle aussi, largement en deçà de la moyenne mondiale et des autres pays de la région. Elle ne dépasse pas les 120 oeufs par an, contre 160 en Tunisie et 250 pour l’Union européenne. Le PMV prévoit une consommation de 180 unités à l’horizon 2020. Cette faible croissance de la demande impacte sérieusement l’évolution du marché. C’est l’une des problématiques que le secteur veut résoudre. Certains professionnels appellent à instaurer un système de régularisation pour stabiliser les prix.
«La régulation peut se faire soit au niveau des éleveurs, soit au niveau des accouveurs. Comme nous sommes 6.000 éleveurs, il est difficile de nous mettre d’accord sur une stratégie. Nous avons demandé à l’administration d’intervenir auprès des accouveurs, qui sont une quarantaine, regroupés au sein d’une association, de produire le poussin en fonction des besoins du pays. Malheureusement, depuis 5 années, les accouveurs n’ont jamais trouvé un terrain d’entente pour réguler le marché», explique Ahmed Adioui, membre de l’Association des poules de chair (APC).
Tous les intervenants enregistrent des pertes énormes, que ce soit les accouveurs, les éleveurs, le consommateur ou l’Etat en termes de recettes fiscales. Les accouveurs produisent beaucoup plus que les besoins du pays. Ils alimentent les poussins avec du soja et du maïs importés et payés en devises. Et durant les périodes de surproduction, ils sont contraints de détruire les oeufs dans les incubateurs. L’administration ne veut pas intervenir, arguant que c’est un problème interprofessionnel et qu’il faut trouver un terrain d’entente.
«C’est au niveau de l’importation qu’il faut réguler le nombre de producteurs dont le pays a besoin. Une régulation permettra une fourchette de prix à la consommation entre 13 et 14 DH/kg, alors que le poulet est payé parfois au-delà de 18 DH/kg. Ce qui est inacceptable !», souligne Adioui.
Les accouveurs se livrent ainsi une concurrence acharnée. Chacun cherche à enfoncer l’autre pour le mettre en faillite. Il s’agit d’une guerre qui n’est pas saine. Les grands accouveurs veulent détruire les petits qui, eux aussi, ont la même logique ! Outre la fluctuation du marché, la volatilité des cours mondiaux du maïs et du soja rend difficile la production à bas coût.
Le prix de départ ferme oscille entre 11 à 12 DH en moyenne alors que dans d’autres pays, il ne dépasse pas les 8 DH. Cela assure des marges bénéficiaires confortables aux producteurs étrangers. «En plus du renchérissement des cours sur le marché international, nous sommes pénalisés par les dispositions de la Loi de Finances 2014, qui ont taxé ces produits. Les coûts ne peuvent qu’augmenter», explique-t-on auprès de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (Fisa).
Charaf Jaidani