La hausse des inégalités, l’absence de dialogue et de partenariats gagnant-gagnant apportent une dose de complexité aux problèmes liés à la géopolitique mondiale.
L’existence d’échanges francs et de débats pertinents et la participation d’intervenants de haute qualité traduisent la haute facture de la 7ème édition de la Conférence Atlantic Dialogues organisée récemment dans la ville ocre par le think tank OCP Policy Center, qui a fait sa mue pour devenir Policy Center for the New South. Cette nouvelle dénomination est la concrétisation d’un positionnement qui consiste à définir à partir du Sud une nouvelle grille de lecture, celle d’un Sud nouveau, décomplexé et autonome.
Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d’Etat des USA, André Azoulay, Conseiller du Roi Mohammed VI, et Omar Hilale, Représentant permanent du Maroc aux Nations unies, sont quelques-unes des grandes personnalités qui, de par leur présence, ont relevé ces Atlantic Dialogues.
Le constat qui peut être dressé à l’issue de l’événement qui a enregistré la participation de 350 personnalités influentes, venues d’Afrique, d’Europe et d’Amérique, est que le monde va mal, avec en prime d’importants risques géopolitiques.
La menace terroriste, la hausse de la militarisation des conflits, la panne du multilatéralisme, l’ampleur prise par la guerre commerciale entre les USA et la Chine ainsi que la crise migratoire, qui a d’ailleurs accéléré l’événement du pacte de Marrakech, sont autant de risques qui interpellent au plus haut point les dirigeants de ce monde.
Le cas Trump
Dans les débats, un nom revient avec insistance et fait l’objet de toutes les critiques : Donald Trump. Le président américain et son Administration apparaissent comme la principale menace pour le multilatéralisme. A ce titre, Madeline Albright a partagé son sentiment d’inquiétude par rapport à la politique étrangère menée par Trump et du retrait des Etats-Unis des débats qui agitent le monde.
«Comment un pays tel les Etats-Unis peut se replier et libérer cet espace à l’échelle internationale qui va être certainement comblé par d’autres nations. L’Amérique est amenée à jouer un rôle dans ce sens et ne pas se positionner en simple gendarme du monde. Un équilibre doit être trouvé entre la position de retrait négatif et celle du gendarme», fait-elle remarquer.
A contrario, Youness Abouyoub, directeur du Département gouvernance et construction de l’Etat de l’ONU, estime que le président américain n’est que le produit de l’époque contemporaine, marquée par la prédominance du repli identitaire. Une posture qui s’inscrit aux antipodes de l’esprit de solidarité et du dialogue.
L’OTAN, quel avenir ?
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) n’est pas prête de disparaître. La menace terroriste et les puissances militaires chinoise et russe sont autant d’éléments factuels qui légitiment son existence malgré l’attitude de Trump. Ce dernier juge insoutenable que le fardeau financier de l’organisation créée en 1949 dans le contexte général des débuts de la guerre froide, soit supporté par les USA. A noter que la Suède et la Finlande ont participé à la plus grande manœuvre militaire post- monde bipolaire de l’OTAN, très mal perçue par certains pays arabes, faute de dialogue.
Au-delà de la dimension militaire, Miguel Angel Moratinos, ex-ministre espagnol des Affaires étrangères, déplore le manque de volonté politique des Etats européens pour aider les pays du Sud de la Méditerranée sur bon nombre de sujets cruciaux (sécurité, développement, réchauffement climatique, etc.). «Les Etats-Unis aident davantage les pays du Pacifique que ceux de la Méditerranée», déplore l’ancien chef de la diplomatie espagnole qui prône l’action.
Crise migratoire : une responsabilité partagée
«La crise migratoire est due au manque d’espoir des jeunes dans leurs pays, très souvent minés par la mal-gouvernance et l’absence de vision et de leadership», souligne Abdoullah Coulibaly, président de la Fondation du forum de Bamako. Et d’ajouter : «L’arrogance de certaines grandes puissances constitue également une cause. Certains pays ont été bombardés. Ce qui pousse des populations à s’exiler».
Régler la crise migratoire suppose, de la part des pays développés, de s’impliquer davantage dans le processus de développement économique des Etats émetteurs de migrants. A ce titre, l’accent doit être mis sur l’élaboration de partenariats économiques gagnant-gagnant ainsi que sur l’industrialisation qui permet, notamment aux pays africains de transformer leurs multiples matières premières. Cela est d’autant plus urgent que l’économie de l’Afrique, qui abritera 2 milliards de personnes en 2050, ne croît pas assez vite pour combler les besoins de la population. ■