L’événement a permis un diagnostic collectif des problématiques qui pénalisent le secteur. Les acteurs concernés sont invités à proposer les grandes lignes d’une politique foncière nationale intégrée et efficiente.
Le foncier se veut un élément capital dans le développement économique. Le Maroc veut, à cet égard, se doter d’une nouvelle politique foncière plus pertinente, plus adéquate et en phase avec les besoins du pays. Les Assises nationales sur la politique foncière de l’Etat, organisées dernièrement à Skhirat, étaient l’occasion pour tous les acteurs concernés d’exprimer leurs points de vue et éventuellement livrer des recommandations pour remédier aux différentes défaillances du secteur, dont le coût s’avère lourd pour l’économie et la société marocaine. L’importance du sujet a eu droit à un message royal, qui a été lu par Abdellatif Menouni, conseiller du Roi.
«Ces assises sont une occasion propice pour les acteurs concernés d’établir un diagnostic collectif de la réalité de ce secteur vital, d’identifier les contraintes majeures qui l’empêchent de remplir pleinement ses fonctions et de proposer les grandes lignes d’une politique foncière nationale intégrée et efficiente.
A cet égard, nous vous invitons à vous inspirer des vertus du dialogue et de la réflexion collective et à vous astreindre à la démarche participative que nous avons consacrée comme une approche incontournable pour traiter les questions majeures concernant la Nation», affirme SM le Roi. En effet, cette rencontre vise à lancer un large débat afin de dresser l'état des lieux de la politique foncière de l'Etat sous ses diverses manifestations, de relever les dysfonctionnements majeurs qui entraveraient le foncier de s'acquitter de son rôle en matière de développement et de proposer les mesures législatives, réglementaires et procédurales susceptibles de garantir une réforme efficace du secteur du foncier et une amélioration de sa gouvernance.
«Le foncier est une plate-forme de base sur laquelle reposent les politiques publiques de l’Etat initiées dans les différents domaines économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Le gouvernement se penche pour trouver les meilleures pistes et lancer une stratégie foncière qui réponde aux besoins du pays», souligne à son tour, Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement. Ces Assises ont fait émerger des propositions et recommandations législatives, réglementaires et procédurales de nature à garantir une amélioration significative de la gouvernance du foncier et une réforme efficace de la politique foncière, à même de répondre aux exigences du développement inclusif et durable auquel aspire le Maroc.
Tous les intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de procéder à un diagnostic opérationnel et à une évaluation réaliste pour relever l’ensemble des dysfonctionnements et contraintes qui entachent la gestion actuelle du foncier tous régimes confondus.
Ils sont conscients que la structure foncière au Maroc est complexe et compliquée, résultant de la combinaison de plusieurs facteurs : historiques, sociaux, économiques et autres. Cette situation a donné lieu à une diversité des régimes juridiques régissant le foncier. «Cela a engendré à son tour un certain nombre de restrictions qui entravent l’apurement de la situation juridique et matérielle du foncier et de l’organisation de son échange et de son utilisation. Il s’agit, en effet, d’une série de lacunes ayant un caractère transversal, ainsi que de certaines insuffisances qui caractérisent les régimes spéciaux composant la structure foncière», affirme Abdelmajid Ghomija, membre du comité scientifique des Assises.
C'est dire que le foncier au Maroc est pénalisé par l’arsenal juridique qui l’encadre. Il a besoin d’être actualisé, modernisé et adapté. Le secteur se caractérise aussi par sa dualité, car y coexistent le régime des immeubles immatriculés, régis par les dispositions de l’immatriculation foncière, et le régime des immeubles non-immatriculés qui est hors du champ d’application de ces dispositions.
Concernant la structure foncière marocaine, elle est marquée par sa diversité. Outre la propriété privée, qui représente 75% de l’assiette foncière nationale, il existe également le domaine public de l’Etat, le domaine privé de l’Etat, le domaine forestier, le domaine des collectivités territoriales, les terres collectives, les terres ghich et les terres Habous. «Bien que cette diversité ne constitue pas en soi une problématique, son mode de gestion recèle toutefois plusieurs contraintes, qui affectent la sécurisation de la situation juridique et de ces divers régimes fonciers, leur mobilisation et leur intégration dans le développement», souligne Driss Effina, expert en immobilier.
Problématique de coordination entre les acteurs
Parmi les sujets débattus lors de ces Assises, figure la problématique de coordination entre les acteurs. Il est évident que la multiplicité et la diversité de la structure foncière ont affecté le processus de contrôle et d’organisation du domaine foncier sur le plan institutionnel. Il existe plusieurs départements ou administrations qui sont concernés (Finances, Intérieur, Habous, Equipement, Haut-commissariat aux eaux et forêts…).
De cette situation découlent plusieurs contraintes de dysfonctionnements qui sont liées aux mécanismes et procédures de gestion du foncier public. En effet, la multiplicité des entités institutionnelles intervient dans la gestion du domaine public, proportionnellement aux régimes fonciers composant ce domaine, soulève la problématique de la coordination et de la convergence entre ces entités gestionnaires et de la non-unification de la vision concernant la maîtrise de ce domaine et de l’organisation de son utilisation.
Ils ont dit :
Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement
‘‘Au Maroc, nous avons un système foncier compliqué mêlant le traditionnel, le spécifique et le moderne. Bien entendu, cette complexité ne permet pas de faire jouer au foncier son rôle de levier de développement économique et social. L’utilisation, l’accession et la cession des terres ne sont pas toujours aisées au Maroc. Ces Assises, portant sur la politique foncière de l’Etat, ont pour but d’établir un diagnostic ayant trait aux multiples problématiques pénalisantes, tout en allant dans le sens de la simplification du système foncier. Les multiples lacunes que traîne la gestion foncière, génèrent la rareté et la cherté des terres et de l’habitat. L’ensemble de ces éléments pénalise, de façon générale, les investissements dans notre pays».
Badre Kanouni, président du Directoire du groupe Al Omrane
‘‘Le foncier de l’Etat revêt une importance capitale. Celui-ci constitue la matière première pour la réalisation des multiples politiques publiques de l’Etat, notamment dans les domaines de l’habitat, du tourisme, de l’industrie, de l’aménagement du territoire, etc. Toute la mise en oeuvre de la politique étatique s’appuie sur le foncier, qui constitue un volet crucial pour notre coeur de métier, l’habitat. Cela dit, il est important de bâtir une politique de l’habitat et du foncier, qui s’appuie sur une vision globale, avec la convergence des actions émanant des différents départements concernés. Car, les opérateurs publics ou privés ne peuvent pas se substituer à l’Etat pour la mise en place d’un plan d’action global, qui concerne pratiquement toutes les branches d’activité. Dans le domaine de l’habitat, le groupe Al Omrane, opérateur public, est chargé de décliner concrètement les orientations royales et les politiques gouvernementales. Il faut préciser que nos programmes mis en place sont ceux de l’Etat. Par ailleurs, le groupe Al Omrane s’évertue à aménager des terres pour les opérateurs privés. Seuls les grands opérateurs privés sont en mesure de s’installer directement sur le foncier public sans aménagement»
Abdelouahed Mountassir, président du Conseil national de l’Ordre des architectes
‘‘Le foncier constitue la clef de développement de notre pays, notamment des villes. L’habitat de moyen standing au niveau des pôles urbains est hors de portée pour la classe moyenne, qui rencontre beaucoup de difficultés pour se loger, à cause de la rareté et de la cherté du foncier. Pour mettre fin à cette situation, il est impératif que l’Etat mette en place une politique foncière s’appuyant sur un arsenal juridique adapté, permettant d’aménager et de redistribuer les terres. Cette politique permettra également de bâtir des villes de façon relativement facile. L’enjeu est de taille au regard de la spéculation dans les pôles urbains, bastions dans lequels le foncier est insuffisamment maîtrisé. A mon sens, la maîtrise du foncier constitue un point nodal pour la bonne mise en oeuvre des politiques foncières et celles de l’habitat. Au chapitre des recommandations, le Conseil national de l’Ordre des architectes propose que la question foncière soit préalablement réglée avant l’extension d’une ville. A ce titre, l’Etat peut procéder par remembrement. C’est-à-dire aménager des terres dans l’optique de les redistribuer par la suite. Par ailleurs, il est important de réduire la multiplicité des régimes fonciers, source de plusieurs difficultés».
Dossier réalisé par Charaf Jaidani et Momar Diao