◆ La plupart des professionnels sont confrontés au recul de la demande pour écouler leurs produits.
◆ Des problèmes de trésorerie perturbent la reprise pour de nombreux artisans.
Par C. Jaidani
Fortement liées au secteur touristique, les branches de l’artisanat sont durement impactées par la crise due à la Covid-19. La situation a atteint un niveau alarmant pour une activité qui a une dimension sociale importante.
Le secteur emploie d’une façon directe et indirecte 2,4 millions de personnes, soit 20% de la population active nationale. Outre les producteurs, les commerçants et les exportateurs des produits d’artisanat n’arrivent pas encore à relancer leur activité faute d’une demande tant au niveau national qu’à l’export.
«C’est une crise brutale et inédite. Plusieurs artisans se retrouvent avec un stock important qu’ils n’arrivent pas à écouler. Par manque de visibilité, ces difficultés peuvent perdurer pour le reste de l’année, voire l’année prochaine. Pour survivre, certains professionnels ont été contraints de se reconvertir à d’autres activités comme le commerce de fruits et légumes ou de produits à forte consommation», souligne Fatima Aït Hamou, présidente de l’Association Al Assala. Selon le département de tutelle qui a lancé une enquête sur le sujet, 85% des artisans étaient en arrêt total de travail.
«Malgré le déconfinement, plusieurs artisans n’ont pas pu démarrer leur activité. Les consommateurs ont d’autres préoccupations et les produits d’artisanat sont considérés comme facultatifs, surtout ceux de la décoration ou de l’ornement. Les produits qui continuent à être sollicités sont les ustensiles de cuisine comme les tajines», explique Aït Hamou.
La crise de l’artisanat n’est pas uniquement celle de la demande. Les professionnels ont un problème de trésorerie et ont besoin de fonds pour pourvoir redémarrer. «Durant les trois mois du confinement, toutes nos économies ont été dépensées pour satisfaire nos besoins quotidiens. La plupart des professionnels sont actuellement à court d’argent et incapables de payer les charges (loyers, salaires des employés, achat de matières premières…). Si le gouvernement, en partenariat avec les banques, a prévu un ensemble de dispositifs pour soutenir les entreprises comme le crédit Damane Oxygène, pour le moment aucune disposition au profit des personnes du secteur opérant dans l’informel n’a vu le jour», affirme Mohamed Benali, secrétaire général de l’Association des artisans du quartier des Habous de Casablanca.
L’enquête du ministère de l’Artisanat fait ressortir que 34% des artisans interrogés sollicitent un crédit sans intérêt ou une aide directe de l’Etat. 12% prônent des aides au niveau de la commercialisation, avec l’organisation des foires et expositions ou des plateformes digitales à forte audience pour écouler leurs produits. Les coopératives opérant essentiellement dans l’export trouvent beaucoup de difficultés à vendre leurs produits et leurs représentants ne cachent pas leurs inquiétudes quant aux perspectives d’avenir incertaines.
«Nous avons travaillé pendant des années pour avoir une notoriété et promouvoir nos produits dans des marchés étrangers en Europe et dans d’autres contrées. Nous sommes contraints de tout refaire pour pouvoir récupérer notre positionnement. Dans ces conditions, nous ne pouvons atteindre nos objectifs sans un soutien de l’Etat, surtout que la crise a une connotation internationale et elle risque de se prolonger jusqu’en 2021, voire 2022», affirme Sanaa Alami, Directrice générale de la coopérative Al Wahda, basée à Fès et spécialisée dans les produits de décoration.