ALE : Des asymétries à corriger

ALE : Des asymétries à corriger

phosphate

La suspension des contacts avec les institutions de l’UE pourrait être une aubaine pour renégocier l’accord d’une manière plus ferme, en accordant à l’aspect sécuritaire la place qu’il mérite. L’asymétrie n’est pas propre à l’accord signé avec l’Europe. Elle a mis à rude épreuve les aptitudes du Royaume à soutenir les défis d’une compétitivité d’un haut niveau de savoir-faire. Entre autres marchés (Afrique, Asie, Russie…), celui américain reste porteur d’espoir.

L’accord de libre-échange du Maroc avec l’Union européenne s’inscrit à l’ombre de la mondialisation et de la modernisation dans l’optique d’ouverture de l’économie sur son environnement international. Sauf que les relations économiques, parfois impactées par les clivages politiques, donnent matière à réflexion. Le clash actuel avec l’Union européenne (un contrat scellé par un accord d’association couvrant de nombreux domaines) est une piqûre de rappel que dans un environnement imprévisible, la diversification se veut la panacée. Loin de s’inscrire dans cette optique de couper le cordon ombilical avec ce partenaire historique dont les accords datent depuis une quarantaine d’années, il s’avère plus judicieux de diversifier les accords et limiter le risque. Cette stratégie, le Maroc en a fait sienne depuis plusieurs années. Toujours est-il que ce désaccord pourrait être une aubaine pour renégocier le partenariat d’une manière globale et dans un esprit win-win, tout en accordant à l’aspect sécuritaire la place qu’il mérite. C’est ce qui ressort des déclarations des responsables ou opérateurs interrogés sur la question.


Des ALE sous exploités
Le Royaume a conclu des accords de libre-échange avec des zones économiques d’influence ou pays émergents à fort potentiel. Le leitmotiv étant de permettre aux entreprises marocaines de pénétrer de nouveaux marchés et de faire des exportations marocaines et des investissements directs étrangers, de véritables leviers de la croissance de l’économie. Ces accords restent sous ou mal exploités. Quatre entreprises sur dix sont confrontées à la contrainte des mesures non tarifaires. Les entreprises exportatrices sont les plus touchées par ces mesures, qui constituent des obstacles réels, surtout pour les petites et moyennes entreprises. En définitive, qu’il s’agisse d’évaluations faites par des organismes spécialisés ou par des enquêtes directes auprès des chefs d’entreprise, la perception est plutôt négative. Ce qui est pour déplaire à quelques économistes qui, d’après-eux, au lieu d’incriminer les ALE, il est plus important d’évaluer notre compétitivité et notre outil exportateur. Pour mieux accompagner le commerce extérieur avec les pays partenaires, ils plaident pour la mise en place des garde-fous face aux importations non respectueuses des règles du commerce international et une politique volontariste en faveur de la compétitivité des exportations.


Quelles perspectives ?
Face à ce différend avec l’Union européenne, le marché américain reste porteur d’espoir, surtout que l’accord conclu entre le Maroc et les Etats-Unis couvre tous les secteurs de l’activité économique, et vise le développement des échanges entre les deux pays. Valeur aujourd’hui, sur le plan des échanges commerciaux, l’accord de libre-échange n’a pas induit des changements majeurs dans la structure des échanges entre les deux pays. L’essentiel du commerce demeure largement dominé par les produits traditionnellement échangés. Du côté des exportations, les ventes du Maroc sur le marché américain restent largement dominées par les produits d’origine minérale, avec comme produit-phare les phosphates. Ce qui dénote d’une faible diversification de l’offre marocaine et de sa capacité limitée à être absorbée par le marché aux capacités énormes.
A noter que l’un des objectifs de l’accord de libre-échange était la promotion des investissements directs étrangers. Dès le démarrage des négociations, le Maroc avait insisté pour que la variable investissement y soit intégrée. Or, depuis la signature en 2006 d’un accord de libre-échange entre les deux pays, les investissements américains n’ont pas encore franchi le seuil critique espéré par le Maroc. L’accélération des investissements américains vers le Maroc est tributaire de plusieurs facteurs importants. Poursuivre les grandes réformes institutionnelles et économiques pour moderniser son économie, améliorer le climat des affaires d’une manière générale, mettre en place des mécanismes qui facilitent aux investisseurs américains de mieux connaître les atouts stratégiques que représente le Maroc.
Cette asymétrie n’est pas propre à l’accord signé avec les Américains. Elle a mis à rude épreuve les aptitudes du Royaume à soutenir les défis d’une compétitivité d’un haut niveau de savoir faire.
Dans leurs projections, les analystes du Centre marocain de conjoncture tablent sur un accroissement de 9% par an à l’horizon 2020 des exportations de biens d’équipement sur le marché américain. Les produits alimentaires ainsi que les produits finis de consommation devraient, en revanche, enregistrer des évolutions plus faibles, avec des taux ne dépassant guère 5%. Ils parient que l’impulsion des exportations marocaines sur le marché américain est à rechercher dans les nouvelles industries composant les métiers mondiaux du Maroc. Une chose est cependant sûre : se détacher de l’Europe n’est pas une mince affaire. Si la situation perdure, les deux parties seront lésées. Le Maroc est un allié incontournable en matière de sécurité et de maîtrise des flux migratoires. L’UE demeure une économie puissante avec 500 millions de consommateurs, avec un niveau de vie élevé. Or, il s’avère que même au sein de ce bloc régional, nos échanges restent fortement concentrés sur certains pays, en l’occurrence la France, l’Espagne et l’Italie. Notre potentiel de pénétration du marché européen est loin d’avoir atteint ses limites. Mais cela ne nous empêche pas de renforcer notre présence en Afrique, en Amérique et dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Pour y arriver, il faut une politique commerciale plus agressive et la résolution de problèmes liés à la logistique qui, pour certaines destinations, fait cruellement défaut

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